Bruxelles rejette la reconnaissance de la Crimée "russe" et l'allègement des sanctions prévu dans la proposition américaine fuitée

"La Crimée est l'Ukraine", a déclaré la Commission européenne, alors que les États-Unis ont présenté une nouvelle version de leur "accord de paix" à Kyiv et à Moscou, qui reconnaîtrait "de jure" la péninsule que la Russie a illégalement annexée en 2014 et comprend d'autres mesures vues comme pro-russes.
Le document d'une page, selon Axios et le Telegraph, comprend notamment la reconnaissance "de facto" par l'Amérique de la plupart des régions ukrainiennes que la Russie a, au moins en partie, occupés depuis le début de son invasion à grande échelle : celles de Donetsk, Kherson, Zaporijjia et la quasi-totalité de Louhansk.
Mercredi, Bruxelles a clairement indiqué qu'elle ne suivrait pas l'exemple de Washington, soulignant ainsi le fossé grandissant entre les deux capitales en ce qui concerne la guerre d'agression russe.
"Nous saluons tous les efforts qui respectent la charte des Nations unies pour ramener la paix en Ukraine. C'est à l'Ukraine de mettre en place les conditions d'une paix juste et durable", a déclaré un porte-parole de la Commission lorsqu'il a été interrogé sur une éventuelle reconnaissance.
"Nous sommes aux côtés de l'Ukraine pour soutenir sa souveraineté, son indépendance et son intégrité territoriale", a ajouté le porte-parole. "En ce qui concerne la Crimée, notre position est très claire : la Crimée est l'Ukraine".
La proposition américaine a été présentée la semaine dernière lors d'une réunion à Paris avec les ministres de l'Ukraine, de la France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni. La Commission n'y a pas participé.
La proposition devait être rediscutée lors d'une réunion des mêmes pays à Londres, réduite après que le secrétaire d'État américain Marco Rubio a annulé sa participation.
Avant les discussions, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré que son pays n'accepterait pas un accord qui impliquerait la reconnaissance du contrôle russe sur les terres ukrainiennes.
"Il n'y a rien à discuter. C'est une violation de notre constitution. Il s'agit de notre territoire, du territoire du peuple ukrainien", a insisté M. Zelensky.
Outre la reconnaissance des territoires occupés, une exigence clé de Moscou, le document présente également une autre grande priorité pour le Kremlin : la levée des sanctions qui ont été introduites après l'annexion de la Crimée en 2014 et renforcées de manière drastique depuis l'invasion massive de l'Ukraine par Moscou en 2022.
Au cours des deux derniers mois, des responsables proches de Donald Trump ont publiquement évoqué l'idée d'offrir un allègement des sanctions à la Russie pour l'inciter à conclure un accord de paix avec l'Ukraine. Le mois dernier, le président Vladimir Poutine a demandé la levée partielle des restrictions bancaires comme condition au rétablissement de la sécurité de la navigation en mer Noire.
Les alliés occidentaux ont rapidement rejeté l'ouverture pro-russe de Washington, le président français Emmanuel Macron déclarant qu'il ne pouvait y avoir d'allègement des sanctions "avant que la paix ne soit établie".
Mercredi, la Commission, qui conçoit les sanctions économiques et surveille leur mise en œuvre, a réaffirmé son opposition à toute suspension et a déclaré qu'un nouveau train de mesures, le 17e depuis février 2022, était déjà en cours d'élaboration.
"La fin de l'agression non provoquée et injustifiée de la Russie contre l'Ukraine et le retrait inconditionnel de toutes les forces militaires de l'ensemble du territoire ukrainien constitueraient la principale condition préalable à la modification ou à la levée des sanctions à l'encontre de la Russie", a déclaré le porte-parole.
Toutefois, l'approbation et le renouvellement des sanctions requièrent le soutien unanime des 27 États membres. La Hongrie a menacé à deux reprises de faire échouer le renouvellement des restrictions, d'abord en janvier, puis en mars.
Bien que le pays ait fini par céder et autoriser le renouvellement, cette saga à rebondissements a mis en lumière l'unité de plus en plus précaire au sein de l'Union européenne et a alimenté les appels à la mise en place d'un plan B pour contourner l'unanimité au cas où un veto surviendrait.
Des fonctionnaires et des diplomates à Bruxelles ont reconnu que des mesures d'urgence étaient déjà en cours de préparation, mais qu'elles n'en étaient qu'à leurs débuts. La création d'un nouveau cadre avec 26 États membres ou moins risque d'ouvrir des brèches et d'accroître l'incertitude juridique.
"Nous traverserons ce pont une fois que nous y serons parvenus", a déclaré la Commission. "La réalité des faits est qu'à ce jour, nous avons 16 paquets en place avec le soutien des Etats membres".
Les sanctions existantes couvrent notamment le gel des 210 milliards d'euros d'actifs de la Banque centrale russe, que Moscou souhaite récupérer. Ces actifs ont été utilisés comme garantie pour un prêt de 45 milliards d'euros à Kyiv, convenu au niveau du G7.
Si l'argent est dégelé, tous les alliés seront tenus responsables des remboursements. Bruxelles espère que ce scénario financier suffira à dissuader la Hongrie de faire échouer le prochain renouvellement en juillet. Le pays pourrait encore accepter de maintenir certaines sanctions et d'en lever d'autres.
La proposition américaine, décrite par Axios comme la "dernière offre" de Donald Trump, intervient alors que la Maison-Blanche semble perdre patience face aux efforts diplomatiques déployés pour mettre fin à la guerre.
Trump a prévenu qu'il "passerait à autre chose" si la Russie ou l'Ukraine "rendaient très difficile" la recherche d'un compromis. Des représentants de l'UE ont exprimé en privé leur consternation face à l'approche de Washington, qu'ils considèrent comme excessivement biaisée en faveur des intérêts russes, la plupart des pressions étant dirigées vers la partie ukrainienne.
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