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Les paradoxes de la nouvelle Commission d'Ursula von der Leyen

Europe • Sep 19, 2024, 6:33 AM
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En présentant mardi sa nouvelle équipe et les portefeuilles attribués aux nouveaux commissaires européens, Ursula von der Leyen a affirmé vouloir se débarrasser des "cloisonnements rigides" de l'exécutif européen afin de rendre la Commission plus efficiente lors de son second mandat.

Au-delà du sous-entendu - la Commission connait des problèmes de rigidité dans son fonctionnement - Ursula von der Leyen annonce donc vouloir prendre le problème à bras-le-corps afin d'éviter une élaboration contradictoire des politiques européennes.

Même si le problème a été détecté il y a bien longtemps -Jean-Claude Juncker, son prédécesseur, avait lui aussi essayé de lutter contre les "silos" générés par un collège des commissaires pléthorique - force est de constater que la nouvelle redistribution des portefeuilles, présentée mardi, demeure complexe. Les responsabilités s'y chevauchent, risquant de faire dérailler le projet.

Des binômes étranges

Un thème commun aux nouveaux portefeuilles que la présidente de la Commission a confiés à ses 26 lieutenants est la création de dossiers à gestion partagée au parfum exotique.

Ainsi, le vétéran de la Commission, le Slovaque Maroš Šefčovič, sera associé au Commerce - un domaine politique phare où Bruxelles détient un pouvoir important - aux relations globales avec les autres institutions, telles que le Parlement européen.

Quant au Danois Dan Jørgensen, il s'est vu confier la responsabilité du logement et de l'énergie, tandis que la Belge Hadja Lahbib combinera la gestion des crises et l'égalité, suscitant l'indignation des militants qui craignent qu'elle doive partager son temps entre les pandémies, les incendies de forêt et les droits des femmes.

Ces choix peuvent se justifier à la lumière des profils des candidats. Maroš Šefčovič est considéré comme un homme sûr qui a accumulé de nombreuses missions au cours de ses mandats successifs à Bruxelles ; Hadja Lahbib, en tant que femme d'origine algérienne, est également considérée comme un bon choix concernant le portefeuille pour l'égalité au sein d'un exécutif habituellement blanc et dominé par des hommes.

Les eurodéputés socialistes, qui ont insisté pour qu'un poste soit créé afin de lutter contre la pénurie de logements en Europe, voulaient que ce poste soit attribué à l'un des leurs, or Dan Jørgensen était l'une des rares options de centre-gauche dont disposait Mme von der Leyen.

Des portefeuilles qui se chevauchent

Dans d'autres cas, les chevauchements entre les portefeuilles risquent d'entraîner des doublons ou des luttes intestines.

De telles querelles ne sont pas nouvelles : il existe depuis longtemps un différend entre les services de la Commission chargés de la santé et de l'agriculture pour savoir qui est responsable de la politique alimentaire.

Selon la lettre de mission adressée au Hongrois Olivér Várhelyi, s'il restera responsable de la sécurité alimentaire et de l'accessibilité financière, le Luxembourgeois Christophe Hansen a quant à lui été désigné "commissaire à l'agriculture et à l'alimentation".

Et encore : M. Várhelyi devra également s'accorder avec Hadja Lahbib au sujet du nouveau département de la Commission chargé de la préparation aux situations d'urgence sanitaire (DG HERA).

Parmi les tâches qui lui incombent, en tant que nouvelle commissaire à la Méditerranée, la Croate Dubravka Šuica a été invitée à apaiser les tensions au Moyen-Orient, en "promouvant toutes les étapes nécessaires à une solution à deux États" dans le conflit entre Israël et les Territoires palestiniens.

La tâche peut sembler ardue pour l'ancienne maire de Dubrovnik, qui a notamment préparé un rapport sur la démographie et organisé la Conférence sur l'avenir de l'Europe.

Mais cette mission risque sûrement d'interférer avec celle de l'Estonienne Kaja Kallas, promue cheffe de la politique étrangère globale de l'UE.

La coopération entre les deux commissaires "n'est pas encore claire", a déclaré un haut fonctionnaire de la Commission. Ainsi, Mme Kallas s'occuperait des "questions de guerre et de paix", mais c'est sa consœur qui aurait pour mission de se rendre fréquemment dans la région, une tâche jugée trop lourde pour une seule personne, a ajouté le fonctionnaire, sous couvert de l'anonymat.

Des problèmes d'audition

Dans certains cas, les choix de Mme von der Leyen pourraient également entraîner des problèmes lorsque les députés européens vont passer au gril tous les aspirants commissaires lors d'auditions très attendues.

Ainsi, outre sa mission sur le climat, le Néerlandais Wopke Hoekstra s'est vu confier la responsabilité de la politique fiscale - un sujet que l'ex-ministre des Finances connaît bien, mais son pays est aussi dans le collimateur de certains groupes politiques pour sa planification fiscale agressive (en 2021, le scandale des Paradise Papers avait notamment révélé ses liens avec les Iles Vierges, un paradis fiscal).

L'Irlandais Michael McGrath pourrait également se sentir visé pour s'être opposé en 2018 à un référendum visant à légaliser l'avortement.

Le sujet n'est qu'indirectement lié au portefeuille de la justice qui lui a été confié.

Mais c'est aussi le genre de question qui résonne à Bruxelles, comme l'a découvert Roberta Metsola (Malte) lorsque son opposition de longue date à l'avortement a failli faire échouer sa candidature à la présidence du Parlement européen en 2022.

Gerardo Fortuna a contribué au reportage, adaptation en français par Christophe Garach