La Commission européenne cherche à créer un marché unique pour la défense européenne

L'industrie européenne de la défense est très fragmentée, avec un marché dominé par des acteurs majeurs : France, Allemagne, Italie, Espagne et Suède, et plus de 2 500 PME, ce qui conduit souvent à des doubles emplois.
"Nous produisons beaucoup de produits coûteux, mais en petit nombre ", explique l'eurodéputé Riho Terras (PPE) lors d'un entretien avec Euronews. "Ce dont nous avons besoin, c'est que le marché fournisse les quantités nécessaires de munitions, de missiles et de divers équipements de défense".
"Les pays doivent se consolider et acheter ensemble, en donnant aux petites et moyennes entreprises la possibilité d'opérer de manière égale sur le marché ", souligne le parlementaire estonien, vice-président de la commission Sécurité et défense du Parlement européen.
L'UE a quadruplé sa production depuis le début de l'agression militaire russe en Ukraine, mais aucun État membre n'a la capacité de développer l'industrie européenne de la défense et de concurrencer les acteurs mondiaux tels que les États-Unis et la Chine.
La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, envisage d'établir un véritable marché unique de la défense d'ici la fin de son mandat, en renforçant la capacité de production de l'Union, en encourageant la production conjointe et en réduisant les dépendances à l'égard des pays tiers.
Toutefois, certains estiment que cette vision ne sera pas facile à réaliser d'ici 2029.
"La défense est essentiellement un client monopolistique unique, qui est l'Etat, et si ce n'est pas un monopole, alors il y a rarement plus de deux entreprises, donc il n'y a pas vraiment de place pour un marché compétitif où vous avez de nombreux clients qui utilisent leurs choix de consommateurs et de nombreux fournisseurs qui se font concurrence pour ces clients ", précise à Euronews Paul Taylor, chercheur au European Policy Centre.
Paul Taylor affirme également que les Etats membres peuvent invoquer des questions de sécurité nationale pour éviter les appels d'offres concurrentiels dans le cadre de marchés publics communs.
L'UE a appelé à plusieurs reprises ces derniers mois les Etats mmembres à augmenter les dépenses de défense et à combler les lacunes critiques en matière de capacités dans des domaines tels que la production de munitions, les drones, les systèmes de défense antimissile et l'IA.
Selon le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité, le moyen le plus rentable de reconstruire la défense européenne est l'agrégation de la demande et les achats conjoints.
À ce jour, l'Union est fortement dépendante des importations d'armes américaines, qui représentent 64 % du total en 2020-2024, contre 52 % en 2015-2019, de sorte que la promotion d'une plus grande collaboration en matière d'approvisionnement contribuerait à réduire la dépendance de l'Europe à l'égard de ses concurrents mondiaux, dont la Chine.
"Nous devons encourager les pays à acheter ensemble des équipements en plus grandes quantités, ce qui contribuerait à consolider le marché ", juge Riho Terras, ajoutant que les appels d'offres devraient également être ouverts aux entreprises d'autres pays partageant les mêmes idées, tels que le Royaume-Uni, la Norvège ou la Turquie.
La collaboration en matière de passation de marchés sera également essentielle pour débloquer des projets phares paneuropéens tels que le projet de bouclier de défense aérienne et le renforcement de la frontière orientale de l'OTAN avec la Russie et le Belarus, ce qui sera particulièrement important pour garantir la capacité de l'Europe à se défendre contre d'éventuelles agressions futures.
Dans un livre blanc sur l'avenir de la défense européenne, la Commission européenne a averti mercredi (19 mars) que "l'Europe ne peut pas considérer la garantie de sécurité des Etats-Unis comme acquise et doit augmenter considérablement sa contribution pour préserver la force de l'OTAN", Washington se concentrant de plus en plus sur la région indo-pacifique.
"Les Etats membres, qui sont clairement effrayés par la situation géopolitique internationale, vont-ils vraiment investir de l'argent dans un effort soutenu ? Je pense que c'est la question fondamentale ", s'interroge Paul Taylor.
"Nous avons besoin d'une défense européenne, et il faut une décennie d'efforts, une décennie de dépenses pour y parvenir ", affirme-t-il.
Yesterday