Au Canada, un périple en train de 45 heures à travers les forêts, avec vue sur les aurores boréales
C'est à un rythme paisible que défile la campagne de l'extrême nord du Canada, vue à travers les vitres d'un wagon spécialement consacré à l'observation de ce panorama grandiose.
Pas de wifi qui vienne troubler ces images qui semblent se succéder à l'infini, mêlant les tons verts et bruns, dans un long trajet contemplatif. Deux ou trois heures s'écoulent, sans que l'on s'en aperçoive.
Pour se rendre de Churchill (Manitoba, Canada) - capitale mondiale de l'ours polaire et du béluga et haut lieu du tourisme d'aventure nordique - à Winnipeg (Manitoba), il n'y a que deux possibilités.
La première consiste à prendre un vol, un aller simple coûtant 1 100 dollars (734 euros) pour une durée de deux heures et demie. La seconde consiste à opter pour la gare et à sauter dans un train panoramique, à condition d'avoir devant soi 45 à 49 heures, moyennant 200 dollars (133 euros). Il s'agit d'un voyage comme il y en a peu, décrit par la compagnie ferroviaire canadienne VIA comme une véritable "aventure".
Le voyage commence par un incursion au milieu de la toundra dépourvue d'arbres, mais pas tout à fait stérile, puis pendant des heures face aux forêts. Celles-ci cèdent finalement la place à des champs, avec quelques animaux, les plus chanceux pouvant apercevoir un troupeau d'élans.
La nuit venue, l'espoir d'entrevoir une aurore boréale gagne les voyageurs.
Le voyage s'étire sur 1 697 kilomètres, et compte dix arrêts en cours de route, certains ne durant que quelques minutes, d'autres quelques heures.
Le lien entre Churchill et le au reste du monde
Même si ce trajet constitue une attraction pour de nombreux touristes, cette ligne reste, pour ceux qui y vivent à l'année, un lien essentiel entre Churchill et le reste du monde, faute de routes menant à d'autres villes.
Il faut donc prendre l'avion - dont le prix est élevé- ou voyager en train de nuit, à un prix plus raisonnable.
Les trains bihebdomadaires transportent des touristes, des résidents, du courrier, de la nourriture, du carburant ou des produits de première nécessité.
De mai 2017 à octobre 2018, une partie de la ligne ferroviaire a été dévastée par les tempêtes, phénomène auquel s'ajoutait le manque d'entretien des infrastructures, bloquant toute la population.
Les produits de première nécessité ont dû être livrés par avion et le propane a été acheminé par bateau à travers la baie d'Hudson. Les prix en ville ont grimpé en flèche, et des procès ont été intentés pour déterminer qui était responsable des coûts de réparation.
"Nous n'avons pas eu de service ferroviaire pendant environ 18 mois, ce qui signifie que les habitants de Churchill ne pouvaient pas rendre visite à leur famille dans d'autres régions du Manitoba", a déclaré le maire de Churchill, Mike Spence.
La ville et certaines populations autochtones de la région ont repris la ligne de chemin de fer, qui est de nouveau opérationnelle. Selon Mike Spence, grâce aux dizaines de millions de dollars investis par la communauté dans les réparations, les lignes devraient rester ouvertes, même si les conditions météorologiques deviennent de plus en plus extrêmes.
À quoi ressemble ce train canadien ?
Des couchettes sont disponibles à bord du train, ainsi que des cabines de douche, mais pour ceux qui voyagent moins cher ou qui réservent tardivement, il y a des sièges standard inclinables en cabine. Mais ils ne permettent pas de s'allonger complètement.
La nourriture est aussi limitée.
Il y a une petite cuisine, où l'on peut réchauffer quelques plats au micro-ondes et trouver de la bière. Mais les habitués savent qu'ils peuvent emporter leurs propres en-cas, et profiter des restaurants lors des arrêts plus longs, dans les villes situées sur le trajet.
Les gares ont chacune leur personnalité : à Dauphin, les passagers attendent devant une gare historique en briques construite en 1912, tandis qu'à Wabowden, un simple panneau jaune cloué près de la voie ferrée signale l'arrêt aux passagers.
Pour les habitants des petites localités situées le long de la ligne, le train constitue le seul trait d'union avec d'autres coins du Manitoba.
À Thompson, les passagers sont mieux lotis
Nombreux sont ceux qui prennent le train chaque semaine pour se rendre à Thompson ou en repartir. Avec près de 13 600 habitants, c'est la plus grande localité où le train s'arrête, à part Winnipeg, qui offre des services ou des commerces telles que des grandes surfaces et des restaurants.
Thompson, à mi-chemin entre Churchill et Winnipeg, est l'endroit où le voyage prend fin pour de nombreux habitants de Churchill.
Des communautés autochtones jalonnent la route
Après avoir quitté Thompson, le train se dirige vers des communautés autochtones éloignées, situées de part et d'autre de l'itinéraire.
Bien que le trajet soit court, il dure pendant des heures en train, et de nombreux passagers tuent le temps en jouant aux cartes, ou en discutant dans le wagon-restaurant.
À Thicket Portage, qui compte près de 150 habitants, les habitants déchargent leurs bagages et autres marchandises, nourriture, couches et autres produits de première nécessité.
Le train s'est également aventuré dans une autre zone de l'est de la Saskatchewan et dans le joli centre-ville de Canora, qui, étrangement, ne figurait pas sur la liste des arrêts.
Au fur et à mesure que le train se dirige vers le sud, le paysage change, la forêt du nord cède la place aux champs et au bétail de plus ne plus visibles à l'approche de Winnipeg, dans le sud du Manitoba.
Enfin, au terme de 49 heures de trajet, le train arrive en gare de Winnipeg.