Afrique du Sud : bras de fer autour de la loi sur l’expropriation des terres
La réforme foncière sud-africaine suscite une controverse majeure, aussi bien sur le plan national qu’international. L’Alliance Démocratique (DA), deuxième parti politique du pays et membre de la coalition gouvernementale, a engagé un recours en justice contre la loi sur l’expropriation des terres, adoptée par le président Cyril Ramaphosa.
Cette législation permet à l’État de saisir des terres sans compensation dans certaines circonstances, notamment lorsque des négociations pour un rachat équitable ont échoué.
Si le gouvernement défend un texte nécessaire pour corriger les inégalités foncières héritées de l’apartheid, ses opposants dénoncent une atteinte aux droits de propriété et une menace pour la stabilité économique.
Une contestation politique et judiciaire
L’Alliance Démocratique, parti historiquement opposé au Congrès National Africain (ANC), estime que cette loi donne à l’État un pouvoir excessif et qu’elle est contraire à la Constitution. « Aucun gouvernement démocratique ne devrait pouvoir exproprier des biens sans compensation », affirme le parti, qui demande son annulation.
Le contexte politique rend cette bataille d’autant plus sensible. Lors des élections nationales de 2024, l’ANC a perdu sa majorité absolue pour la première fois depuis 1994 et doit désormais gouverner en coalition avec plusieurs formations, dont la DA. Cette dernière voit dans cette loi une tentative de l’ANC de renforcer son influence en redistribuant des terres sans garanties suffisantes pour les propriétaires.
Des tensions diplomatiques avec les États-Unis
Sur le plan international, la réforme a provoqué une vive réaction du président américain Donald Trump. Estimant que la loi vise principalement les fermiers blancs sud-africains, issus de la minorité afrikaner, il a signé un décret exécutif suspendant toute aide américaine à Pretoria.
Cette décision repose sur plusieurs accusations formulées par Donald Trump et certains groupes conservateurs américains : selon eux, des terres seraient déjà confisquées et les fermiers blancs feraient face à des violences ciblées. Pourtant, le principal syndicat agricole sud-africain dément toute expropriation effective et les experts affirment qu’il n’existe pas d’attaques concertées contre cette communauté. Le gouvernement sud-africain a également condamné ces déclarations, dénonçant une manipulation des faits et un prétexte pour sanctionner sa politique étrangère.
Washington critique également la position de l’Afrique du Sud dans le conflit israélo-palestinien, notamment après que Pretoria a accusé Israël de génocide devant la Cour internationale de justice. À cela s’ajoutent les liens de plus en plus étroits du pays avec la Russie, la Chine et l’Iran, perçus par les États-Unis comme un éloignement stratégique.
Enjeu économique et social
La réforme foncière est une question hautement sensible en Afrique du Sud. Plus de 30 ans après la fin de l’apartheid, la répartition des terres reste profondément inégalitaire : une grande partie des terres agricoles reste entre les mains de la minorité blanche, tandis qu’une majorité de Sud-Africains noirs en sont toujours privés.
Le gouvernement assure que la loi vise à redistribuer des terres inutilisées ou sous-exploitées, sans porter atteinte aux droits fondamentaux des propriétaires. « Il ne s’agit pas de prendre des terres de manière arbitraire, mais de garantir un usage plus équitable des ressources foncières », a déclaré Cyril Ramaphosa.
Cependant, la crainte d’une instabilité dans le secteur agricole est réelle. De nombreux analystes mettent en garde contre un impact négatif sur l’investissement et la production alimentaire si la loi est appliquée sans garanties suffisantes. L’ancienne réforme foncière du Zimbabwe, qui avait conduit à une chute de la production agricole et à une crise économique, reste un exemple préoccupant pour certains observateurs.
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