Soudan : le soutien du Kenya aux paramilitaires alimente les tensions
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Le Kenya se retrouve une fois de plus au cœur d’une tempête diplomatique après avoir annoncé sa volonté de soutenir les Forces de soutien rapide (RSF) du général Mohamed Hamdan Daglo, un groupe paramilitaire soudanais.
Cette décision intervient après que Nairobi ait accueilli une réunion cruciale de ce groupe mardi.Si le gouvernement kenyan affirme agir dans un souci de médiation et de soutien humanitaire, Khartoum perçoit cette initiative comme une violation flagrante de sa souveraineté.
Le 18 février, à Nairobi, une rencontre entre les leaders des FSR et des figures politiques et diplomatiques a eu lieu, marquant un tournant potentiel dans l’implication du Kenya dans la crise soudanaise. Cette réunion a vu la participation de Abdelaziz Adam Al-Hilu, président de la SPLA-Nord, un groupe rebelle soudanais. Lors de cette rencontre, Al-Hilu a souligné la gravité de la situation au Soudan, appelant à une solution immédiate au conflit, qui dure depuis avril 2023 et a fait plus de 24 000 morts et déplacé plus de 14 millions de personnes.
"La situation actuelle du Soudan est dramatique pour quiconque l’observe de l’extérieur. Aucune société ne peut se construire ou survivre dans de telles conditions", a déclaré Al-Hilu, insistant sur l’urgence de parvenir à un règlement durable du conflit. Ses propos, prononcés lors de cette réunion, ont mis en lumière les défis humanitaires et politiques qui frappent le pays, tout en mettant l’accent sur le rôle potentiel du Kenya dans le processus de paix.
Cependant, cette position suscite une forte réaction de la part de Khartoum. Le gouvernement du général Abdel Fattah Al-Burhan accuse le Kenya de s’ingérer dans ses affaires internes et de soutenir un groupe paramilitaire rebelle, ce qui, selon lui, constitue une violation de la souveraineté du Soudan. Le Kenya, déjà critiqué l’an dernier pour avoir hébergé Corneille Nangaa, un leader rebelle congolais, se trouve une nouvelle fois plongé dans une controverse diplomatique.
Une légitimation des FSR qui inquiète
Selon Abdul Karim, activiste soudanais, ce soutien aux FSR pourrait avoir des conséquences graves. "Le véritable danger de ce qui s’est passé hier, c’est que certains hommes politiques tentent de légitimer les Forces de soutien rapide pour former un nouveau gouvernement dans la région, ce qui risquerait de diviser davantage le Soudan", a-t-il averti. Cette position pourrait en effet exacerber les tensions internes au Soudan et entraver toute tentative de réconciliation nationale.
De son côté, le gouvernement kenyan défend sa position en affirmant que son soutien vise avant tout à faciliter le dialogue et à accueillir les réfugiés soudanais.
Le ministère kenyan des Affaires étrangères a précisé que le pays n’avait aucune arrière-pensée et qu’il souhaitait simplement aider à trouver une solution pacifique au conflit. Toutefois, de nombreux observateurs soulignent que le rôle du Kenya reste ambigu et que cette position pourrait avoir des répercussions juridiques.
Kisemei Mutisya, professeur à l’Université internationale de Riara, a rappelé que "le régime de Khartoum est légitime, même si sa popularité et son soutien peuvent être discutés." Il a averti que toute tentative de l’affaiblir de manière non diplomatique, comme celle du Kenya, pourrait ouvrir la voie à des actions juridiques devant la Cour internationale de justice. Cette mise en garde met en lumière le risque pour le Kenya de se retrouver dans une situation juridique complexe, ce qui pourrait nuire à ses relations diplomatiques à long terme.
Le conflit au Soudan, qui oppose l’armée soudanaise aux Forces de soutien rapide depuis plus de neuf mois, continue de dévaster le pays. Les combats ont fait plus de 24 000 morts et déplacé des millions de personnes, provoquant une crise humanitaire majeure.
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