UE-Mercosur : des agriculteurs européens s'insurgent contre un accord imminent
Des agriculteurs européens sont descendus dans la rue à Bruxelles pour manifester ce mercredi contre l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur, à l'appel de la fédération paysanne européenne Coordination Européenne de la Via Campesina (ECVC) et du syndicat agricole FUGEA.
En négociation depuis 1999 et signé en 2019, cet accord entre l'UE et cinq pays d'Amérique latine - le Brésil, l'Argentine, le Paraguay, l'Uruguay et plus récemment la Bolivie - qui n'a jamais été appliqué, pourrait obtenir un feu vert la semaine prochaine lors du sommet du G20 qui se tient les 18 et 19 novembre à Rio de Janeiro au Brésil.
Concurrence déloyale
Les manifestants estiment que son adoption créerait une concurrence déloyale à l'agriculture européenne.
"L'accord UE-Mercosur est très défavorable pour l'Europe. Il sera peut être favorable pour vendre des voitures, mais très défavorable au niveau agricole, déclare à Euronews Pierre Maison, membre de la Coordination Européenne de la Via Campesina (ECVC). Ça va encore tuer les petits producteurs parce que ça va tirer les prix vers le bas et en plus on va importer de la viande de bœuf par exemple qu'on produit chez nous".
Le producteur laitier de Haute-Savoie (France), dont l'élevage est touché cette année par la fièvre catarrhale ovine, craint que l'accord ne porte un coup fatal à de nombreux producteurs déjà en difficultés.
"On a passé une année assez difficile en Europe. On a quand même eu beaucoup d'aléas climatiques et des maladies sur les animaux et sur le bétail", rappelle-t-il.
Les opposants de cet accord craignent également des conséquences sociales, sanitaires et environnementales telles que la hausse de la déforestation pour l'élevage de bétail.
Manon Aubry, eurodéputée française La Gauche (GUE/NGL), dénonce une "folie sanitaire" : "30 % des pesticides qui sont autorisés au sein des États du Mercosur sont interdits dans l'Union européenne et ils vont quand même entrer sur le marché européen", alerte la députée européenne.
Elle dénonce également "une folie climatique" : "Pourquoi aller chercher à l'autre bout du monde ce qu'on sait et ce qu'on peut produire ici dans l'Union européenne ?"
Benoît Cassart, eurodéputé belge (Renew Europe) réclame quant à lui la création de "clauses miroirs"."Si on impose aujourd'hui, par exemple, la disparition d'un grand nombre de produits phytosanitaires en Europe pour améliorer la biodiversité, ce n'est quand même pas pour aller tuer la biodiversité à l'autre côté du monde en augmentant la la déforestation", estime-t-il.
Un marché de 720 millions de consommateurs
Cet accord vise à intensifier les échanges de biens et de services entre l’UE et les économies sud-américaines via la suppression progressive des barrières commerciales et des droits de douane, et l'homogénéisation des normes et des réglementations. Une aubaine pour les tenants du libre-échange.
"On ouvrirait le plus grand marché, plus de 700 millions de personnes dans lesquelles nos entreprises, même nos agriculteurs et nos fournisseurs de services, auraient des opportunités", soutient Javier Moreno Sánchez, eurodéputé espagnol (S&D).
"Vu le contexte géopolitique actuel, avec l'invasion de Poutine en Ukraine, avec les Chinois qui veulent tous les marchés, avec les élections américaines qui viennent d'avoir lieu, il faut qu'on pense à diversifier un petit peu nos partenaires", rappelle-t-il.
Les États membres se livrent à un bras de fer depuis 25 ans. Si l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie font campagne pour, la France, la Pologne et l'Autriche y sont frontalement opposés.
Reste donc à voir si l'Union européenne donnera son feu vert à cet accord, malgré l'opposition catégorique de certains États membres, et au risque de provoquer la gronde du secteur agricole.
Today