Vérification des faits : non, le chef de l'OTAN n'a pas menacé d'expulser les États-Unis

Selon un article publié sur le réseau de médias sociaux Threads, Mark Rutte, secrétaire général de l'OTAN, aurait menacé d'expulser les États-Unis de l'alliance si le président élu Donald Trump "cédait l'Ukraine au [président russe Vladimir] Poutine".

La crainte qu'une victoire de Trump à l'élection présidentielle américaine de novembre puisse entraîner une diminution du soutien à l'Ukraine - voire une capitulation face à l'invasion russe - préoccupe depuis longtemps l'OTAN et l'ensemble du continent européen.

Tout au long de sa campagne présidentielle et même avant, M. Trump a vivement critiqué le soutien que les États-Unis apportaient à Kyiv et n'a cessé d'affirmer qu'il pourrait rapidement mettre fin à la guerre une fois au pouvoir, ce que beaucoup ont interprété comme le fait qu'il fasse pression sur l'Ukraine pour qu'elle abandonne le territoire que la Russie a occupé en échange de la paix.

Néanmoins, Trump n'est pas encore au pouvoir, la situation actuelle n'a donc pas changé, et rien ne prouve que Rutte ait parlé d'expulser les États-Unis de l'OTAN, même si Trump décide de réduire son soutien.

L'OTAN ne dispose pas d'un mécanisme spécifique pour suspendre ou expulser un membre. Les pays peuvent quitter volontairement l'organisation en invoquant l'article 13 du traité.

En fait, toutes les déclarations publiques de M. Rutte au sujet de M. Trump depuis l'élection présidentielle américaine font référence à une collaboration étroite entre les deux parties.

Immédiatement après le résultat de l'élection, qui a vu Trump triompher de Kamala Harris pour remporter un second mandat, M. Rutte s'est rendu sur X pour dire qu'il avait félicité le nouveau président pour sa victoire.

"Son leadership sera à nouveau essentiel pour que notre alliance reste forte", a déclaré l'ancien premier ministre néerlandais, ajoutant qu'il se réjouissait de travailler à nouveau avec lui.

Un jour plus tard, il s'est à nouveau exprimé sur X en disant plus ou moins la même chose, précisant que cette fois-ci, il avait personnellement félicité M. Trump.

Le site web de l'OTAN contient également une déclaration officielle plus longue de M. Rutte.

Dans cette déclaration, il rappelle à M. Trump que "grâce à l'OTAN, les États-Unis ont 31 amis et alliés qui contribuent à promouvoir les intérêts américains, à multiplier la puissance américaine et à assurer la sécurité des Américains".

"Le président élu Trump a fait preuve d'un leadership américain fort tout au long de son premier mandat - un mandat qui a inversé la tendance en matière de dépenses de défense européennes, amélioré le partage transatlantique du fardeau et renforcé les capacités de l'Alliance", a déclaré M. Rutte.

Il a également déclaré que M. Trump verrait une "alliance plus forte, plus grande et plus unie" lorsqu'il reprendrait ses fonctions le 20 janvier, notant que les deux tiers des pays de l'OTAN consacrent désormais au moins 2 % de leur PIB à la défense et que les dépenses et la production de défense sont sur une trajectoire ascendante dans l'ensemble de l'alliance.

La dernière fois qu'il était président, M. Trump a reproché à plusieurs reprises aux alliés de l'OTAN de ne pas atteindre l'objectif de 2 % pour les dépenses de défense et a même suggéré de le porter à 4 %.

En juin de cette année, sur les 32 membres de l'OTAN, la Croatie, le Portugal, l'Italie, le Canada, la Belgique, le Luxembourg, la Slovénie et l'Espagne étaient les pays qui ne respectaient pas l'engagement de 2 %, selon les chiffres les plus récents.

La Pologne, l'Estonie et les États-Unis ont été les plus gros dépensiers, avec respectivement 4,12 %, 3,43 % et 3,38 %.

Lors d'un sommet de la Communauté politique européenne (CPE) à Budapest au début du mois de novembre, M. Rutte a en fait attribué à M. Trump l'évolution de l'OTAN vers des dépenses de défense plus élevées.

"Lorsqu'il était président, c'est lui qui, au sein de l'OTAN, nous a incités à dépasser les 2 % et aujourd'hui, grâce à lui également, l'OTAN, si l'on exclut un instant les chiffres des États-Unis, est au-dessus des 2 % et je pense que c'est en grande partie grâce à lui, à son succès, et que nous devons faire plus", a déclaré M. Rutte aux journalistes.

La victoire russe menace autant les États-Unis que l'Europe

Pour faire bonne mesure, l'OTAN elle-même a nié que M. Rutte ait jamais menacé d'expulser les États-Unis. Un porte-parole a déclaré à EuroVerify qu'il s'agissait d'une affirmation "bidon".

Néanmoins, M. Rutte et d'autres dirigeants de l'OTAN semblent vouloir souligner à M. Trump que l'invasion de l'Ukraine par la Russie représente un danger pour les États-Unis également, suite aux commentaires du président élu pendant la campagne, selon lesquels il retirerait son soutien à Kiev.

En réponse aux questions des journalistes lors du sommet de l'EPC, M. Rutte a déclaré que tout succès russe en Ukraine ne menacerait pas seulement l'Europe, mais aussi les États-Unis.

"Collectivement, nous devons travailler non seulement sur la menace de la Russie, mais aussi sur le fait que ces quatre pays [la Chine, l'Iran, la Corée du Nord et la Russie] travaillent ensemble et que maintenant, très bientôt, nous verrons que les États-Unis eux-mêmes sont menacés par ces nouveaux développements technologiques, grâce à la Russie qui donne ses dernières connaissances et technologies aux Nord-Coréens", a-t-il déclaré.

Qu'a dit M. Trump au sujet de l'OTAN, de la Russie et de l'Ukraine ?

L'inquiétude concernant le manque d'engagement de M. Trump envers l'Ukraine découle de ses précédents commentaires incendiaires sur Kyiv et l'OTAN, en plus de son apparente admiration pour M. Poutine.

Il s'est moqué de la capacité supposée du président ukrainien Volodymyr Zelensky à obtenir des fonds américains, a qualifié l'OTAN d'"obsolète" et a laissé entendre qu'il n'aiderait pas si la Russie tentait d'envahir d'autres alliés de l'OTAN.

"Chaque fois que Zelensky vient aux États-Unis, il repart avec 100 milliards de dollars. Je pense qu'il est le meilleur vendeur de la planète", a déclaré M. Trump lors d'un événement de campagne dans l'État de Géorgie.

En réalité, les États-Unis ont fourni environ 60 milliards de dollars (57 milliards d'euros) d'aide militaire à l'Ukraine depuis le début de l'invasion à grande échelle en 2022.

Lors d'un autre événement au début de l'année, le président élu a déclaré qu'il avait dit à "l'un des présidents d'un grand pays [de l'OTAN]", la dernière fois qu'il était en fonction, qu'il ne les protégerait pas s'ils ne payaient pas leur dû et que la Russie les attaquait.

"En fait, je les encouragerais [la Russie] à faire ce qu'ils veulent", a déclaré M. Trump. "Vous devez payer. Vous devez payer vos factures.

En février 2022, M. Trump a qualifié M. Poutine de "génie" et de "savant" pour la manière dont il a lancé l'invasion.

Toutefois, le Wall Street Journal a rapporté que Trump avait téléphoné à Poutine peu après sa réélection pour le mettre en garde contre une escalade de la guerre. Le Kremlin nie que cet appel ait eu lieu.