Soutien de l'Ukraine : comment est financé l'effort de guerre et qui en paie le prix ?

Alors que les négociations entre les États-Unis, l'Union européenne, l'Ukraine et la Russie s'intensifient, un nouveau sujet émerge, mis en avant par le président états-unien Donald Trump : qui paie quoi dans cette guerre ?
Le débat sur les milliards versés dans l'effort de guerre pour aider l'Ukraine à repousser les attaques russes et sur la question du partage équitable de ce fardeau est désormais au cœur des discussions diplomatiques.
Euronews analyse exactement qui paie quoi et, plus important encore, quel est le poids de ce coût pour chaque pays.
En Ukraine, la guerre est la première dépense de l'État
En novembre dernier, le Parlement ukrainien, la Verkhovna Rada, a approuvé un budget militaire record de 2,23 trillions de hryvnias (environ 46,2 milliards d'euros) pour 2025. À l'époque, cela représentait 26,3 % du PIB du pays ou 55 % de son budget total.
En juillet, le montant a été révisé pour inclure 412,3 milliards de hryvnias (environ 8,6 milliards d'euros) supplémentaires pour le soutien du personnel militaire et l'achat et la fabrication d'armes, portant ainsi le total des dépenses à 31 % du PIB ou 67 % du budget du pays.
Les dépenses exprimées en pourcentage du budget indiquent la part des ressources propres d'un gouvernement allouées à une priorité, comme la défense, par rapport à l'ensemble de ses autres postes de défense. En revanche, les dépenses exprimées en pourcentage du PIB rapportent ce montant à la taille de l'ensemble de l'économie (y compris les entreprises privées et les autres activités) afin de mesurer le poids de cette guerre sur l'économie.
Le budget de défense de l'Ukraine s'élève à 2,64 billions de hryvnias (environ 54,7 milliards d'euros), un montant qui ne permet de répondre qu'aux besoins de survie immédiats du pays. En revanche, le coût total de la guerre, estimée à 700 milliards d'euros (incluant reconstruction, aide humanitaire, pertes économiques...) révèle un poids beaucoup plus important dans l'économie ukrainienne. Les dépenses militaires, aussi inédites soient-elles, ne représentent qu’une fraction de l’impact financier supporté par le pays.
Un impact moindre pour l'UE et les États-Unis
À titre de comparaison, les dépenses de l'Union européenne pour le soutien à l'Ukraine, qui comprennent à la fois les dépenses directes de l'UE et les dépenses bilatérales des États membres, s'élèvent à environ 72 milliards d'euros pour la période 2022-2024. Cela représente environ 0,3 % du PIB de l'UE par an.
Selon le département d'État, les dépenses des États-Unis pour la seule défense de l'Ukraine se sont élevées à 66,9 milliards de dollars (environ 57,4 milliards d'euros) au cours des trois mêmes années. Un chiffre bien inférieur aux 300 milliards de dollars que Donald Trump a mentionné par le passé. Cela représente environ 0,08 % du PIB américain par an.
Il n'est pas surprenant que le montant consacré à la défense de l'Ukraine par des puissances économiques comme les États-Unis et l'Union européenne ne représente qu'une infime partie de leur PIB annuel. Mais cela met en perspective le coût total et réel de la guerre menée par la Russie pour les Ukrainiens.
Un coût plus important pour les citoyens ukrainiens
Une autre façon de replacer les chiffres dans leur contexte est de voir combien chaque citoyen paie pour la défense de l'Ukraine. En prenant le budget de la défense du pays et en le divisant par le nombre d'habitants (environ 37,86 millions d'habitants - les données peuvent varier en fonction du nombre de réfugiés et de déplacés à l'intérieur des frontières du pays), chaque citoyen Ukrainien a payé, sur la période 2022-2024, 3 424 euros, soit 1 312 euros par an.
Ce montant est bien plus élevé, en valeur absolue et en proportion, que la contribution des citoyens américains ou européens.
Pour les États-Unis, il est plus difficile d'établir un montant précis des fonds envoyés à l'Ukraine depuis 2022, car les décisions de financements ou de versements effectifs ne correspondent pas aux lignes budgétaires de défense ou de dépenses, contrairement aux calculs pour l'Ukraine.
Mais en se basant sur les données de l'Institut de Kiel, qui établit un budget de 130,6 milliards de dollars (environ 112,17 milliards d'euros), comprenant à la fois le soutien à la défense et l'aide humanitaire sur au moins trois ans, chaque citoyen américain a dépensé 127 dollars (environ 109 euros) par an pour la défense de l'Ukraine.
Pour l'UE, l'Institut de Kiel évalue l'effort de guerre à 138 milliards d'euros. La guerre en Ukraine est donc revenue à 95 euros par an par citoyen européen. Mais contrairement à l'estimation américaine, ces données ne sont techniquement pas les mêmes pour l'ensemble de l'Union, car certains pays contribuent davantage, tandis que d'autres, comme la Hongrie, ne contribuent que très peu, voire pas du tout, en dehors du budget commun de l'UE.
En outre, certains pays européens non-membres de l'UE, comme la Norvège, contribuent à la défense de l'Ukraine par le biais d'un dispositif, la Facilité européenne de soutien à la paix (FEP). Mais la plupart des estimations de l'aide de l'UE à Kyiv n'incluent pas les fonds de la FEP.
Il est également important de prendre en compte le salaire annuel moyen d'un citoyen ukrainien, qui est d'environ 2 500 euros. Sa contribution à la guerre contre la Russie équivaut donc à un tiers de son salaire annuel. En Europe, il s'établit à 29 600 euros selon Eurostat, contre 62 000 dollars (environ 53 226 euros) aux États-Unis.
Pour l'Ukraine, un coût pharaonique
Pour l'Ukraine, les coûts liés à la reconstruction sont estimés à 448,6 milliards d'euros pour la prochaine décennie, soit près de neuf fois le budget de défense de 2025.
La quatrième évaluation rapide des dommages et des besoins de la Banque mondiale, publiée le 25 février dernier, fait état de 150 milliards d'euros de dommages directs aux infrastructures.
Dans le détail, les dégâts et la destruction des habitations sont les plus importants, avec 48,8 milliards d'euros, affectant 2,5 millions de ménages et nécessitant 71 milliards d'euros pour la reconstruction. Les infrastructures de transport ont subi 31,6 milliards d'euros de dégâts, nécessitant 66,7 milliards d'euros pour une remise en état complète. Le secteur de l'énergie, fortement visé en 2024, doit faire face à des coûts de reconstruction s'élevant à 58,2 milliards d'euros.
En comparaison, les États-Unis et l'Union européenne n'ont pas connu de coûts d'infrastructure directs ou de dommages dus aux combats, à l'exception d'incidents liés au sabotage russe, tels que les dommages causés aux câbles de télécommunications sous-marins dans la région de la Baltique en décembre 2024.
Ces chiffres ne reflètent que l'aspect économique de la guerre. Le coût le plus important est celui des vies perdues, des familles déplacées et des communautés détruites, des chiffres qu'aucun livre de comptes ne peut entièrement comptabiliser.
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