L'essor de l'IA pourrait-il amener la renaissance de l'énergie nucléaire ?
Three Mile Island, une centrale électrique américaine tristement célèbre pour la fusion nucléaire qui s'y est produite en 1979, est en train de redémarrer pour alimenter les nouveaux projets d'intelligence artificielle (IA).
Dans le cadre d'un accord annoncé en septembre avec le géant de l'énergie Constellation Energy, qui possède une partie de l'installation nucléaire, l'entreprise américaine Microsoft utilisera l'énergie de la centrale pour alimenter ses centres de données.
En marge de cet accord, Constellation Energy a annoncé que la centrale serait rebaptisée "Crane Clean Energy Center".
"Cet accord est une étape importante dans les efforts déployés par Microsoft pour contribuer à la décarbonisation du réseau, conformément à son engagement de devenir une entreprise à bilan carbone négatif", déclare Bobby Hollis, vice-président de Microsoft chargé de l'énergie, dans un communiqué.
Les quantités importantes d'énergie requises par l'IA pourraient bien contribuer à remettre l'énergie nucléaire sur le devant de la scène dans les années à venir.
Ces dernières semaines, les géants de la technologie Google et Amazon ont tous deux annoncé qu'ils allaient utiliser des mini-réacteurs nucléaires pour alimenter leurs centres de données.
Une énergie relativement peu chère
L'intérêt de Microsoft pour l'énergie nucléaire s'inscrit dans le cadre des efforts déployés par les États-Unis pour développer leur production d'énergie renouvelable.
Graham Peaslee, professeur émérite de physique à l'université de Notre Dame, souligne que, *si les États-Unis veulent rester "à la pointe de l'IA", ils auront besoin de fermes de serveurs beaucoup plus grandes, qui requièrent beaucoup plus d'énergie*.
"Les ordinateurs sont de plus en plus petits, mais le fait est qu'il faut un bâtiment de la taille d'un terrain de football pour les contenir tous, et qu'il faut une quantité astronomique d'électricité pour les alimenter", explique-t-il.
L'accord est également une décision économique, selon l'expert. La construction de nouvelles centrales pourrait coûter des milliards de dollars, alors que le redémarrage d'anciennes centrales est beaucoup plus rentable.
Graham Peaslee prédit que d'autres entreprises emboîteront le pas à Microsoft dans les années à venir.
La relance pourrait avoir des répercussions économiques et environnementales sans précédent, car la réussite du projet permettrait de produire suffisamment d'électricité pour 800 000 foyers.
Une tentative pour calmer les inquiétudes
En 1979, la centrale de Three Mile Island, en Pennsylvanie, a été le théâtre du pire incident nucléaire commercial de l'histoire des États-Unis, lorsque le réacteur de l'unité 2 a subi une fusion partielle avant de s'arrêter.
Bien que certaines parties de la centrale aient été préservées, des inquiétudes subsistent quant à la sécurité de la centrale et à la faisabilité des projets de Microsoft.
Bien que le réacteur de l'unité 2 soit toujours en phase de déclassement, l'accord avec Microsoft prévoit la réouverture du réacteur de l'unité 1 de la centrale, qui a fonctionné en toute sécurité et de manière indépendante jusqu'en 2019.
Charles McCombie, spécialiste des réacteurs nucléaires et expert en gestion des déchets radioactifs, estime que cette relance est une décision judicieuse pour Microsoft.
"L'impact de Three Mile Island, sur le plan technique, physique et sanitaire, est largement surestimé, en particulier aux États-Unis", affirme-t-il. "Personne n'est mort lors de la fusion partielle et certaines parties de la centrale ont continué à fonctionner avec succès pendant des décennies".
Charles McCombie affirme que *l'énergie nucléaire connaît actuellement une "tendance à la hausse", que suivent des pays du monde entier - en Occident, en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud*.
"La principale raison, de mon point de vue, est l'aspect environnemental", déclare-t-il. "Les centrales nucléaires ont enfin été reconnues par l'Union européenne et par plusieurs gouvernements comme étant propres - un mot important".
Enfin, l'expert affirme que l'énergie nucléaire sera cruciale pour répondre à la demande en centres de données aux États-Unis, qui devrait doubler d'ici 2030 pour alimenter les systèmes d'IA, selon les données de l'US Data Center.
L'Europe rattrapera-t-elle son retard ?
En mars, l'Europe a tenu son premier sommet sur l'énergie nucléaire, au cours duquel 14 des 27 chefs de gouvernement de l'UE se sont réunis pour discuter de l'avenir de l'énergie nucléaire et d'une éventuelle réincorporation des activités liées à l'énergie nucléaire.
Au cours de la convention, le commissaire chargé du Marché intérieur, Thierry Breton, a proposé l'Acte sur les technologies nucléaires de l'UE, un texte législatif qui permettrait de développer ce secteur en Europe.
Le Comité économique et social européen a quant à lui tenu une conférence le 17 octobre pour évaluer les derniers développements scientifiques concernant l'énergie et les déchets nucléaires et pour discuter de la possibilité pour les communautés locales de "s'exprimer".
Charles McCombie affirme que l'appétit pour l'énergie nucléaire a "massivement augmenté" avec le développement des centres de données au cours des dernières années, et pas seulement aux États-Unis.
La Finlande, un pays qui progresse dans le domaine de l'élimination des déchets radioactifs, en est un exemple. Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), en 2021, l'énergie nucléaire a représenté 33 % de la production totale d'électricité en Finlande.
Des installations de stockage géologique sont actuellement mises en place pour traiter les déchets radioactifs dans le pays, comme à Onkalo, où des barres radioactives usagées seront stockées pendant 10 000 ans dans une voûte creusée à 450 m de profondeur dans le socle rocheux d'une île finlandaise.