Budget 2026 : la taxe Zucman enterrée par l'Assemblée nationale, un échec pour le PS
Il n'y aura pas de taxe Zucman dans le projet de loi de finances, même dans sa version édulcorée.
Lors de l'examen de la partie "recettes" du projet de budget pour 2026, les députés ont largement rejeté ce vendredi 31 octobre l'instauration d'un impôt plancher de 2 % sur les patrimoines dès 100 millions d'euros.
Nommée d'après l'économiste français Gabriel Zucman, cette taxe a été portée par les socialistes, qui ont fait de leur demande de plus de "justice fiscale" un ultimatum pour ne pas voter la censure contre le gouvernement.
En plus de sa version "originale" défendue par l'ensemble de la gauche, le PS a proposé, seul, un amendement de compromis surnommé dans la presse la "taxe Zucman light" : un prélèvement de 3 % à partir de 10 millions d’euros, mais qui exclurait les entreprises innovantes et familiales. Les deux versions ont été écartées par la majorité des députés.
Le chef des députés PS, Boris Vallaud, a fustigé "l'intransigeance" du camp gouvernemental et a estimé qu’il n'y a pas, pour l'heure, eu "le moindre compromis" lors des débats budgétaires. "Vous faites, [...] je le crains, le mauvais chemin", s'est-il adressé au Premier ministre, Sébastien Lecornu, présent dans l'hémicycle.
Pour sa part, le chef du gouvernement a déclaré qu'il n'existait pas d'"impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", tout en rappelant la nécessité pour le pays avoir un budget 2026.
Lecornu va demander à ses ministres de réunir les représentants des groupes politiques "pour essayer de se mettre d'accord sur les grands principes de l'atterrissage d'un texte" budgétaire.
"La censure, maintenant, tout de suite"
Il a fallu quelques minutes à peine après l'échec de la taxe Zucman à l'Assemblée, pour que de nouveaux appels à la censure soient lancés. Mathilde Panot, cheffe de file des députés LFI, a appelé "l'ensemble des députés à la gauche à censurer ce gouvernement le plus rapidement possible", dénonçant "un pouvoir macroniste, qui décide de n'appliquer que son programme et refuse le minimum de justice fiscale".
Manuel Bompard, coordinateur de La France Insoumise, a également appelé à renverser le gouvernement.
"Après avoir détruit la taxe sur les holdings, l'alliance de la macronie, de la droite et de l’extrême-droite vient de rejeter tous les amendements introduisant une taxe Zucman, même allégée", a-t-il déploré, ajoutant qu'"il n'y a qu’une solution : la censure, maintenant, tout de suite !"
Du côté de la droite, le patron des députés LR, Laurent Wauquiez, s'est félicité du rejet de la taxe qui, selon ses termes, "aurait tué l'emploi et l'activité économique" en France.
"Ça finira par voir le jour", assure Zucman
Pour Gabriel Zucman, dont les travaux ont inspiré les législateurs de gauche, ce rejet est "le début d'un travail [...] d'explication, de pédagogie".
"Il y a une énorme majorité de la population qui est pour ce dispositif, pour cet impôt plancher pour les milliardaires", assure-t-il au micro de C à vous.
Mais pour lui, pas question d'en rester là. "Dans les semaines qui viennent, je vais continuer à expliquer, permettre aux citoyens de s'approprier ces savoirs, de s'armer intellectuellement. Ce qui est clair, c'est que ce sera un enjeu majeur de l'élection présidentielle de 2027", croit-il savoir, assurant que "ça finira par voir le jour", que ce soit dans des semaines, des mois ou des années. Cette dernière option qu'il préfère écarter. "Je ne pense pas que l'on se puisse se le permettre compte tenu de la situation dégradée des finances publiques", conclut-il.
Gabriel Zucman défend une taxation des super-riches "sans échappatoire possible". S'exprimant sur France Info vendredi matin, le professeur à l'École normale supérieure a martelé que "l'extrême richesse doit s’accompagner de devoirs incompressibles pour la communauté nationale".
"On a besoin que les ultra-riches fassent un effort", a-il déclaré, arguant que "ce sont eux qui sont le moins imposés, car ils payent deux fois moins d’impôts en proportion de leurs revenus que toutes les autres catégories sociales". Il a également jugé "irresponsable" ce rejet anticipé de son impôt plancher.
Le patron du PS, Olivier Faure, a reconnu, le jour du vote, à l'antenne de BFMTV et RMC, qu'il y avait une majorité contre le texte, y compris dans sa version allégée, du fait de l'opposition de la droite, de l'extrême droite et du bloc central.
Dans son interview, il a avancé des pistes alternatives sur l'imposition des plus fortunés, par un retour de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ou en taxant les très gros héritages.
"Nous n’avons pas avancé ni abouti", a-t-il constaté sur X au milieu de l'après-midi, après un déjeuner avec le Premier ministre et le chef de file des députés PS, Boris Vallaud.
Le RN change son fusil d'épaule
Le Rassemblement national, qui a obtenu jeudi une première victoire à l'Assemblée à l'occasion de sa niche parlementaire, lors d'un vote sur dénonciation de l'accord migratoire passé entre la France et l'Algérie en 1968, n'a pas souhaité soutenir la taxe Zucman, se disant opposé à tout nouvel impôt.
"Il n'en est pas question pour nous. Zucman : non. Ni hard, ni light, ni rien du tout", avait jugé Marine Le Pen, cheffe de file des députés RN à l'Assemblée.
Fin septembre, Jean-Philippe Tanguy, membre de la Commission des finances, estimait qu'il s'agissait d'"une fausse solution".
Jordan Bardella, président du parti, a également attaqué cette proposition avant le vote de ce vendredi, au "20 heures" de France 2. "Le projet de la gauche et le projet de Monsieur Zucman c'est de transformer la France en Venezuela sans le pétrole", a-t-il affirmé.
Pourtant, le parti d'extrême droite s'était abstenu lors du vote de la loi "instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultra riches", qui avait été adoptée en première lecture, en février dernier.
Une taxe sur les holdings limitée
Avant d'examiner les amendements autour de la taxe Zucman, les députés ont adopté un prélèvement ciblant les holdings patrimoniales, après que la droite a considérablement réduit son assiette.
Cette première mesure de taxation des hauts patrimoines, proposée par le gouvernement, ne risque pas de satisfaire la gauche qui a regretté une "mesurette", selon les termes de Clémentine Autain, députée du groupe écologiste et social.
La majorité des députés de gauche ont préféré s'abstenir lors du vote.
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