France : prolonger les centrales nucléaires "plus avantageux" que construire de nouveaux réacteurs ?
Prolonger l'utilisation des centrales nucléaires serait plus avantageux pour le système électrique français que la construction de nouveaux réacteurs, affirme la Cour des comptes dans un rapport de 120 pages publié lundi.
"La maintenance des centrales et la poursuite de leur exploitation jusqu’à 60 ans, voire au-delà, nécessitent de poursuivre la mobilisation par EDF d’importantes ressources financières [...] mais ces investissements paraissent rentables pour l’exploitant", indique-t-il.
Le rapport ajoute que les activités de maintenance sur le parc nucléaire français se sont "intensifiées" entre 2014 et 2024, avec des "dépenses annuelles afférentes atteignant désormais un niveau supérieur à 6 milliards d'euros courants, soit une augmentation de 28 %" par rapport à la période 2006-2014.
La Cour des comptes explique cette augmentation par le vieillissement des réacteurs - qui ont pour la plupart atteint leur limite prévue de fonctionnement de 40 ans - ainsi que par le "rehaussement continu du niveau de sûreté" depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011.
Relance du nucléaire en France
La prolongation du parc nucléaire français est au centre du projet de relance annoncé en 2022 par le président Emmanuel Macron, qui comprend également la construction de six nouveaux réacteurs de type EPR2. Un projet qui illustre le revirement du gouvernement français sur la question du nucléaire au cours des dernières années.
En 2020, lors du premier mandat d'Emmanuel Macron, l'État avait ordonné la fermeture des deux réacteurs de Fessenheim, dans l'est du pays, et prévu l'arrêt de douze autres d’ici à 2035.
Cinq ans plus tard, la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) du gouvernement prévoit au contraire de "poursuivre le fonctionnement des réacteurs électronucléaires après 50 ans puis 60 ans, tant que toutes les exigences de sûreté applicables sont respectées", tout en construisant les six réacteurs supplémentaires.
Prolonger les centrales existantes de 40 à 60 ans coûterait 51 € par MWh, selon la Cour des comptes, qui affirme que ce montant est "très compétitif par rapport à la construction de nouvelles capacités de production [...], sous réserve que les prévisions de production soient effectivement atteintes et que les prix de vente de l’électricité ne soient pas dégradés".
Pour comparaison, au mois de janvier, la Cour avait estimé que le coût de construction et de mise en service de six nouveaux réacteurs s'élèverait à 79,90 €/MWh.
Pour les Sages de la rue Cambon, la prolongation de réacteurs au-delà de 60 ans est désormais "inévitable", sous peine de voir la production nucléaire française réduite de moitié d'ici 20 ans.
Améliorer la disponibilité des réacteurs
Selon la Cour des comptes, EDF a montré qu'elle était capable de répondre à des "crises industrielles majeures", comme la corrosion sous contrainte sur des tuyauteries qui l'avait obligé à arrêter environ la moitié de ses réacteurs en 2022.
La Cour note cependant "la persistance de difficultés structurelles" dans les opérations de maintenance, alors que la durée des arrêts a eu tendance à s'allonger ces dernières années.
Le plan START 2025, lancé par EDF en 2019, vise justement à améliorer la disponibilité des réacteurs - qui est tombée à 74 % en 2014-2024 contre 80 % durant la période 2006-2014 - en raccourcissant les arrêts programmés.
Mais le programme de rénovation et de modernisation des centrales nécessitera des investissements conséquents : le plan "Grand carénage" prévoit un minimum de 100,8 milliards d'euros de dépenses entre 2014 et 2035. La Cour des comptes exhorte EDF à améliorer "son suivi financier" pour s'assurer de la "maîtrise des coûts et délais".
Le nucléaire domine toujours le bouquet énergétique français
Si la production d'énergie éolienne et photovoltaïque est en hausse constante en France, elle reste cependant le pays au monde qui dépend le plus de l'énergie nucléaire pour sa production d'électricité nationale.
Selon les chiffres de Statista, l'atome représentait plus de 67 % de la production totale d'électricité en France en 2024. À titre de comparaison, la part de l'énergie nucléaire aux États-Unis était inférieure à 20 %.
En mai 2025, la France comptait 57 des 439 réacteurs nucléaires en activité dans le monde, juste derrière la Chine, qui en possède 58, et loin devant la Russie et le Japon, qui en comptent 36 et 33 respectivement. Les États-Unis sont de nouveau en tête avec 94 réacteurs en activité.
En termes de puissance électrique installée, le nucléaire est cependant passé récemment sous la barre des 40 % de puissance installée dans l'Hexagone, cédant du terrain aux éoliennes et aux panneaux photovoltaïques.
L'écart entre la puissance installée et la production réelle dépend du facteur de charge des équipements, qui est lui-même dépendant des conditions météorologiques, tels que le vent ou l'ensoleillement, nécessaires pour les énergies renouvelables.