L'œuvre de Zdzisław Beksiński : une agitation qui vous entraîne comme dans un rêve

À l'occasion du 20e anniversaire de la mort du célèbre peintre polonais, 44 tableaux - dont 11 n'ont pas encore vu le jour - sont exposés dans la capitale du pays. Conservées chez des amis, elles sont des reliques personnelles, non pas des souvenirs, mais des traces presque vivantes de la présence de l'artiste. Beksiński les a peintes pour eux. Par besoin de proximité, et non pour les galeries.
"Les propriétaires de ces œuvres ont longtemps hésité. Ce ne sont pas des 'tableaux à vendre', ce sont des fragments d'une histoire commune", souligne Magdalena Jaworska, directrice du musée d'art fantastique, dans un entretien avec Euronews Varsovie.
"Pour les amateurs, c' est une chance unique de voir ce qu'était Beksiński de manière privée, affectueuse et personnelle ", ajoute-t-elle.
Sanok, Osaka, Varsovie
À cette collection privée unique s'ajoutent des œuvres du musée historique de Sanok, que l'artiste considérait comme l'unique héritier de son œuvre. Parmi elles, un héliotype de 1946, autoportrait poignant de sa jeunesse. Un dessin aussi tendre qu'une lettre. Une œuvre qui a survécu grâce à Stanislawa, la mère de Beksiński.
Mais ce n'est pas tout : cinq tableaux proviennent de la légendaire collection japonaise.
Ces œuvres, qui se trouvaient dans un musée d'Osaka, sont aujourd'hui de retour en Pologne grâce à un collectionneur privé. Elles sont comme des rêves récurrents : oubliées et pourtant familières.
Peintre de l'âme. Architecte de cauchemars
Beksiński n'expliquait pas ses peintures. Il ne donnait pas de titre, il n'élaborait pas.
Il voulait peindre des rêves. Pas la réalité, pas l'imaginaire. Les rêves - ceux qui vous réveillent couvert de sueur à 4 heures du matin et qui ne vous laissent pas de répit pendant quelques heures après le réveil.
Son travail n'est pas un manuel de symbolisme. C'est une agitation qui ne demande pas la permission. On peut être fasciné, on peut détourner le regard, mais personne ne reste indifférent.
Un photographe qui a abandonné son appareil pour peindre le silence
Une autre surprise attend les visiteurs de la place Koneser : 40 photographies grand format de l'artiste. Le premier amour de Beksiński. La première langue avec laquelle il a essayé de parler du monde. Il y a renoncé lorsqu'il a compris qu'il était impossible d'entrer dans chaque espace de l'âme avec l'appareil photo. Le pinceau s'est avéré être plus vaste.
"La peinture ne connaît pas de frontières. Et Beksiński le savait bien ", souligne Magdalena Jaworska.
Une place pour le maître
Si ses expositions attirent les foules (plus de 70 000 spectateurs à Varsovie pendant la pandémie, près de 50 000 à Gdansk en 2023), les milieux académiques le tiennent encore à distance. Trop sombre ? Trop émotif ? Trop peu philosophique ?
"C'est un art qui échappe à toute définition ", confie la directrice.
C'est peut-être pour cela qu'il frappe si fort, parce qu'il parle de ce qui est inconfortable mais vrai.
Le silence qui parle encore
Zdzisław Beksiński est mort tragiquement en 2005. Sa disparition a ébranlé le monde de l'art, mais elle n'a pas mis fin à la conversation qu'il entretenait avec ses spectateurs.
Aujourd'hui, son visage est visible sur les peintures murales du quartier d'Ursynów à Varsovie - une présence silencieuse dans le paysage urbain, un symbole de souvenir et de respect. Bien qu'il soit décédé, ses peintures nous parlent encore, comme s'il n'avait jamais cessé de peindre.
Une beauté apocalyptique
Son œuvre apaise-t-elle ou terrifie-t-elle ? La réponse est oui. Et c'est précisément ce qui fait sa force.
"Je vois une lueur d'espoir dans ses tableaux. Malgré la mort, la destruction et le vide, Beksinski n'imposait rien à personne. Il donnait de l'espace. La liberté. Le silence. Et dans ce silence, chacun peut entendre quelque chose de différent", souligne Mme Jaworska.
L'exposition est ouverte jusqu'au 28 septembre au Musée d'art fantastique de Varsovie. Les photographies accompagnant l'exposition sont visibles jusqu'à la fin du mois de juillet sur la place Koneser à Varsovie.
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