Un aller-retour dans la journée : en Europe, des voyageurs d'un jour partagent leurs conseils
S'il est difficile d'envisager de prendre un vol à des centaines de kilomètres de chez soi, et de revenir le soir même, l'idée ne semble pas rebuter certains voyageurs express, qui ont même leur groupe Facebook "Extreme Day Trips", comptant pas moins de 240 000 abonnés.
Euronews Travel s'est entretenu avec le fondateur ainsi qu'avec plusieurs membres de ce groupe Facebook basé au Royaume-Uni, pour en savoir plus sur leur démarche.
Pourquoi les gens décident-ils d'entreprendre des voyages aussi courts ?
"Je dirais que c'est extrême dans la mesure où, compte tenu de la situation du transport ferroviaire au Royaume-Uni, il est moins cher d'aller à l'étranger, par exemple à Billund voir Legoland, que d'aller à Windsor [où se trouve Legoland au Royaume-Uni]", explique Nat Bocking, un technicien de cinéma du Suffolk.
Le prix des trains au Royaume-Uni reste souvent hors de portée pour beaucoup et, bien que les voyages en train soient nettement plus respectueux de l'environnement, il n'en reste pas moins que les vols vers l'étranger peuvent s'avérer bien moins chers qu'un billet de train.
Pour les personnes dont le budget est limité, l'avion est souvent le seul moyen de découvrir de nouveaux endroits et de faire une pause.
"Avant de rejoindre le groupe, je pensais que ces vols étaient moins chers que les billets de train... Quand j'ai vu que Ryanair proposait des vols à 1 pence l'aller, je me suis dit : "Qu'est-ce que j'ai à perdre ?", relate Nat.
Michael Cracknell, le fondateur du groupe, a effectué son premier voyage de ce genre en 2002, en se rendant en Suisse dans la journée.
Vingt ans plus tard, il a créé la page Facebook destinée à partager ses voyages, et depuis, sa popularité n'a cessé de croître. L'un de ses voyages les plus marquants a été son aller-retour à Athènes, qui nécessite quatre heures de vol depuis le Royaume-Uni.
Malgré une journée épuisante, Michael affirme que le voyage, en compagnie de son père de 80 ans et de ses deux frères, en valait la peine.
"On a eu assez de temps pour visiter l'Acropole, les jardins et le palais national.
On a également dégusté un excellent repas de trois plats dans un restaurant, Diogène, situé aux abords de l'Acropole. On est arrivés au centre-ville à 11h30, pour en partir à 19h", explique-t-il. "C'était suffisant pour explorer et passer une bonne journée".
Comme beaucoup de membres du groupe, Michael aime tenir compte du budget avant de planifier un voyage.
"Une journée complète [à Athènes] était également moins chère qu'un billet de train aller-retour Londres-Édimbourg - soit 149 livres sterling (179 euros) pour le voyage à Athènes contre 189 livres sterling (227 euros) pour le billet de train pour Édimbourg".
Si Michael que tout le monde ne peut pas se lancer dans ce genre d'expérience, il estime que ses échappées valent le détour, malgré leur brièveté.
"Tant que vous pouvez dormir dans un avion, ce n'est pas si mal ! Oui, les journées sont longues, mais on peut voir des endroits incroyables et vivre des expériences extraordinaires".
Pour de nombreux membres du groupe, le budget est un point crucial de ces voyages
Kari Brown, influenceuse de voyage, est une membre de longue date du groupe de Michael, et compte plus de 6 000 abonnés sur sa chaîne YouTube Kari on Travelling.
En tant qu'influenceuse, elle explique que le budget est un élément essentiel.
"Je veux que les gens puissent reproduire ce que nous faisons, donc dépenser 1 000 £
(1 200 €) pour un voyage, ce n'est pas faisable", explique-t-elle. "J'ai une liste de voyages intéressants que je peux faire tout de suite, notamment un tout-compris pour moins de 50 £ (60 €)... et aller en Italie manger une pizza pour le prix d'une pizza à emporter".
Son voyage le plus extrême jusqu'à présent ?
"Nous avons passé huit heures dans un bus de nuit de Londres à Disneyland Paris, où nous avons passé la journée, avant de revenir avec un trajet de huit heures".
"Il faut être prêt à être actif pendant 18 à 24 heures. Je quitte souvent la maison à 4 heures du matin pour prendre le premier vol, je passe la journée à découvrir une nouvelle ville, puis je prends le dernier vol pour rentrer chez moi au petit matin".
Dizzy Clarke, enseignante, ne peut voyager que le week-end et pendant les vacances scolaires.
"J'ai une règle : si les vols sont moins chers que le train pour Londres, je prends un vol", dit-elle. "Pour moi, le train pour Londres coûte environ 30 livres sterling aller-retour (36 euros), c'est donc mon point de repère".
"Pour moi, ces voyages me permettent de me retrouver et de me rappeler que je suis une femme capable de voyager seule, et que j'ai besoin de 12 heures sans avoir à parler ou à être responsable de quelqu'un d'autre", explique Dizzy à Euronews Travel.
Les adeptes de ces voyages express prennent-ils en compte l'impact climatique ?
Les trajets en avion affichent à l'évidence un bilan carbone peu enviable, vu leurs émissions. À l'échelle mondiale, on estime que l'industrie aéronautique est responsable de près de 3 à 4 % des émissions de CO2, et qu'elle a contribué de manière significative au réchauffement de la planète au cours des dernières décennies.
De nombreux membres du groupe Facebook incitent donc à compenser leur propre empreinte carbone.
"Chaque fois que je prends l'avion, je fais un don à une organisation caritative qui s'occupe de planter des arbres", explique Michael.
Pour Dizzy, cet aspect revêt peu d'importance.
"En dehors de ces voyages, mon mode de vie a un faible impact sur l'environnement. Je campe pendant cinq semaines chaque été et je ne prends pas de vols long-courriers, je ne loge pas à l'hôtel, etc.", explique-t-elle. "Dans l'ensemble, le prix est un facteur de motivation, mais ce qui compte avant tout, ce sont les expériences et les souvenirs avec des amis, seul ou en famille."
Quels sont les conseils de ces adeptes des excursions express ?
"Lorsque vous aurez acquis de l'assurance, vous pourrez alors essayer des choses plus avancées, plus complexes et plus éloignées", assure Michael.
"Il faut toujours avoir un plan de secours. Il est important de se laisser porter par le courant et d'accepter que l'on ne peut pas tout contrôler".
Bien que ces voyages soient censés se dérouler en 24 heures, des problèmes tels que des retards de vol peuvent survenir. Ce qui peut conduire à prendre une nuit d'hôtel pour faire face à l'imprévu.
Son meilleur conseil pour faire face aux pires situations ? "Emportez un nécessaire de toilette !".
Ce que ne manque pas de faire Dizzy, qui emporte un chargeur portable et du rechange, au cas où les plans seraient annulés. En tant que voyageuse économe, elle affirme qu'il faut regarder à la dépense.
"Réservez au début du mois, lorsque vous êtes payé, et faites-en une priorité. Respectez votre budget. Apportez des tupperwares avec des en-cas en cas de retard... et une bouteille d'eau vide" pour faire le plein gratuitement, dit-elle.
"Les retards de vol font partie de la vie. Il faut adopter une attitude positive", conseille-t-elle. "Il ne faut pas être stressé, donc ne pas trop planifier ni se surmener. Il faut connaître la géographie de votre destination".
"Ne pensez pas à la destination", assure Nat, "trouvez simplement un vol et un horaire qui vous conviennent, et réservez-les dès maintenant - puis réfléchissez à ce qu'il y a à voir sur place".
"C'est pourquoi je fais maintenant la plupart de mes excursions d'une journée en solitaire. Allez là où le vol est le moins cher. Ne planifiez pas trop, laissez-vous porter par le courant. Profitez-en pour ce que c'est, ne stressez pas si vous n'atteignez pas les lieux incontournables".
Kari conseille d'adopter différentes approches pour les excursions d'une journée, en fonction de l'endroit où l'on souhaite se rendre, et affirme que les applications sont une d'un grand secours.
Elle recommande Skyscanner, pour comparer les prix, et se sert de l'application Extreme Day Trip (qui n'est pas affiliée au groupe Facebook). "Si je sais quel jour je veux voyager, mais que je n'ai pas d'idée sur l'endroit et que je veux juste essayer autre chose".
Elle aime aussi utiliser l'application Visit A City "pour trouver des choses à faire".
La chose la plus importante pour Kari ? Rester ouvert d'esprit.
"Lorsque nous sommes allés en Suisse, nous avions prévu de faire l'ascension du Cervin, mais Zermatt a été fermé en raison d'une inondation (alors que nous étions en vol) et nous sommes allés à Grindelwald à la place".
Une expérience qui ne l'a pas découragée pour autant, loin de là.