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Gaia nous donne les clés de la Voie lactée

• May 17, 2018, 5:03 PM
9 min de lecture

Dans cette édition de Space, nous sommes à l'Observatoire de Paris pour rencontrer des astronomes travaillant sur Gaia : cette mission unique a déjà permis d'étudier plus d'un milliard d'étoiles de la Voie lactée dans l'idée à terme, de résoudre quelques-uns des mystères de notre galaxie.

Frédéric Arenou, ingénieur de recherche au CNRS, fait partie des quelques centaines de scientifiques qui fouillent dans la quantité astronomique de nouvelles données fournies par le télescope spatial européen Gaia. La mission vient de ​dresser le catalogue d'étoiles le plus riche jamais élaboré. L'espoir, c'est que grâce à lui, nos connaissances sur la Voie lactée connaissent - comme l'Univers - une phase d'expansion.

​Frédéric Arenou nous présente une image artistique de notre galaxie: "La Voie lactée fait 100.000 années lumière de longueur, nous sommes à peu près à 26.000 années lumière du centre et on la connaît très mal, on connaît mal le nombre de bras de la galaxie, où se forment les étoiles : eh bien, Gaia va nous le dire," affirme-t-il.

​Gaia devrait nous en dire long. Le télescope de l'ESA - l'Agence spatiale européenne - a réalisé des mesures de haute précision de près d'1,7 milliards d'étoiles : soit plus de dix fois plus que lors de la précédente mission européenne avec le satellite Hipparcos.

​C'est tout simplement, une étape décisive dans l'histoire de l'astronomie. "D'un seul coup, on a un échantillon énorme d'objets pour lequels on connaît leur distance, donc leur luminosité," souligne Frédéric Arenou. "Donc à partir de leur luminosité, on va pouvoir déduire leurs propriétés physiques qu'on essayait d'extrapoler avec d'autres méthodes auparavant : là, d'un seul coup, on a une réponse !" s'enthousiasme-t-il.

La meilleure image de la Voie lactée jamais réalisée

Cartographier les étoiles, ​c'est l'essence même du travail des astronomes depuis des siècles. L'une des grandes tentatives internationales a débuté justement à l'Observatoire de Paris en 1887 : un projet appelé "La Carte du ciel" qui a abouti à des cartes stellaires complexes.

Aujourd'hui, les astronomes disposent d'un télescope qui peut prendre des images d'une définition d'un milliard de pixels.

"Gaia se trouve à 1,5 millions de kilomètres de la Terre, il est aligné sur un axe Soleil-Terre-Gaia, il tourne sur lui-même en six heures et il a plusieurs mouvements," nous explique Chantal Panem, chef de projet exploitation Gaia au CNES. "Ce qui fait qu'il peut observer toute la galaxie et en quelques années, on a une carte complète du ciel," assure-t-elle avant de préciser : "Gaia dispose de trois instruments : un astromètre qui mesure notamment les positions, un photomètre qui mesure les couleurs et un spectromètre qui mesure les vitesses radiales qui sont les vitesses d'éloignement et de rapprochement des étoiles," dit-elle.

Le Finlandais Timo Prusti qui dirige l'équipe scientifique dédiée à Gaia au sein de l'ESA nous montre le résultat le plus spectaculaire : une vue exceptionnelle de notre galaxie depuis l'espace, la meilleure image de la Voie lactée qui ait jamais été réalisée.

"Nous mesurons l'ensemble des étoiles que nous observons dans différents secteurs du ciel," indique Timo Prusti en nous présentant cette image. "On voit une structure aplatie : c'est le disque de la Voie lactée ; on voit qu'il y a des zones sombres devant : cela veut dire qu'à ces endroits, on voit moins d'étoiles alors qu'en réalité, il y a plus d'étoiles, mais il y a de la poussière devant et c'est pour cela qu'on ne voit pas d'étoiles," déclare-t-il.

Des surprises ?

Les données de Gaia ont été réunies sous la forme d'une animation inédite de la Voie lactée. Elle montre en accéléré comment les étoiles se déplacent dans l'espace et le temps dans notre région de la galaxie. En observant cette animation et en étudiant l'ensemble des informations, les astronomes sont capables de scruter l'obscurité et de distinguer des choses qu'ils ne s'attendent pas forcément à voir.

"On pense que notre Voie lactée est un disque avec une structure spirale où tout se déplace dans une magnifique rotation," rappelle Timo Prusti. "Mais ce que l'on constate déjà avec ces dernières données fournies par Gaia, c'est que les étoiles - un peu plus loin de notre Soleil - ne se comportent pas de manière aussi régulière que ce que l'on pensait : elles sont perturbées," fait-il remarquer. "Quelque chose a perturbé notre Voie lactée et on ne sait pas encore ce que c'est, mais je m'attends à ce que de nombreuses études soient menées sur ce point en particulier," conclut-il.

Être en mesure d'explorer le passé et l'avenir de notre galaxie de l'intérieur - depuis un poste d'observation au sein de la Voie lactée -, c'est la promesse de toute une série de découvertes dans l'ensemble des champs de l'astronomie.

​François Mignard, directeur de recherche émérite au CNRS, est l'un des pères fondateurs de la mission Gaia. Il espère notamment que cela permettra de résoudre l'un des grands mystères de notre galaxie : combien de bras compose sa structure spirale ?

"Il y a maintenant, tous les ingrédients avec cette remise de données : on a les mouvements et les distances pour étudier les bras," précise François Mignard. "Mais la question n'est pas simplement de savoir : 'Est-ce qu'il y a des bras, est-ce qu'il n'y en a pas ?' C'est : 'Les étoiles présentes dans ces bras sont-elles différentes ? Sont-elles nées en même temps ? Y a-t-il une histoire particulière des bras ? Est-ce que l'un des bras n'est pas le résultat d'une fusion avec une galaxie extérieure ? C'est à ces questions là que les gens vont tenter de répondre et les données Gaia sont absolument fondamentales pour ce type d'études," insiste-t-il.

​"Il n'y a rien de fixe, tout bouge"

Évidemment, l'astronomie a beaucoup évolué depuis la fondation de l'observatoire de Paris il y a 351 ans. Les télescopes spatiaux permettent aujourd'hui de réaliser des mesures de précision d'objets qui se trouvent à des millions d'années lumière et notamment de découvrir que tout est en mouvement...

"Il n'y a rien de fixe, tout bouge," indique l'ingénieur de recherche Frédéric Arenou. "On tourne avec la Terre autour du Soleil à 30 km/s : ça fait 100.000 km/h ; puis le système solaire lui-même se déplace dans la galaxie à 230 km/s : c'est énorme et notre galaxie est elle-même dans un 'groupe local' et elle bouge dans ce groupe local à 60 km/s et le groupe local lui-même bouge à 600 km/s : ça doit faire 2 millions de km/h : c'est gigantesque. Tout est en mouvement !" lance le scientifique.

​Cette nouvelle publication de données par Gaia marque un tournant dans l'étude de la Voie lactée.

Et l'histoire est loin d'être finie : le satellite continue d'envoyer tous les jours quantité d'informations. Une nouvelle série de données devrait être rendue publique dans les prochaines années.