...

Logo Yotel Air CDG
in partnership with
Logo Nextory

"Une base militaire russe géante" : Kyiv met en garde contre la militarisation de la Crimée occupée par la Russie

Europe • Mar 12, 2025, 9:57 AM
14 min de lecture
1

"La Russie ne s'arrêtera pas", a déclaré Olha Kuryshko à Euronews lors de sa première visite officielle à Berlin en tant qu'envoyée de l'Ukraine pour la Crimée.

Moscou a utilisé la péninsule ukrainienne, dont elle s'est emparée en 2014, pour lancer des attaques contre l'Ukraine même, y compris son invasion à grande échelle en février 2022, a-t-elle expliqué.

"La Crimée fait partie intégrante de l'Ukraine", a déclaré Mme Kuryshko, notant que "sans la Crimée, il ne peut y avoir de sécurité ou d'intégrité territoriale".

Bien que l'administration Trump ait laissé entendre cette semaine que l'Ukraine pourrait devoir céder des terres à la Russie lors des pourparlers de paix, le président ukrainien Volodymyr Zelensky souligne régulièrement l'importance de libérer tous les territoires occupés par la Russie, y compris la Crimée.

Mme Kuryshko, ancienne experte en plaidoyer auprès de CrimeaSOS, une organisation qui souligne l'illégalité de l'occupation de la péninsule par la Russie, a officiellement pris ses nouvelles fonctions en janvier.

En tant qu'avocate, Mme Kuryshko s'est sentie obligée d'agir après l'occupation de la Crimée par la Russie en 2014. "J'ai une profonde responsabilité envers ceux qui vivent sous l'occupation. Nous devons amplifier leurs voix et nous tenir à leurs côtés dans ce combat", a-t-elle déclaré.

La Crimée étant toujours sous occupation russe, elle ne peut pas s'y rendre ni travailler sur place. "Cela fait déjà dix ans que je travaille sur la Crimée", a-t-elle déclaré.

Cette expérience lui a permis de nouer des liens avec des militants de la péninsule, ce qui l'a rendue très consciente des menaces qui pèsent sur leur sécurité. "Nous sommes prudents lorsque nous parlons aux gens", ajoute-t-elle.

Les personnes vivant en Crimée peuvent être poursuivies pour tout lien ou signe de soutien à l'Ukraine, qu'il s'agisse d'un message privé sur Telegram ou du port du bleu et du jaune, les couleurs du drapeau ukrainien.

"Notre forme de communication consiste désormais à aider les gens à partir. Pour atteindre le territoire contrôlé par l'Ukraine, ils doivent traverser la Russie et le Bélarus, ce qui est extrêmement dangereux", explique Olha Kuryshko.

Pendant ce voyage, les contacts sont limités, car les appareils personnels sont souvent inspectés par le service fédéral de sécurité russe (FSB).

Système de répression et disparitions forcées

Pour quitter la Crimée occupée ou y entrer, les habitants doivent passer par des camps de filtration, où ils sont interrogés et souvent soumis à une grave détresse psychologique. Leurs effets personnels, y compris les smartphones, les tablettes et les ordinateurs portables, sont fouillés de fond en comble.

Au cours des premiers mois de l'invasion russe, un grand nombre de ces centres ont également été recensés dans d'autres régions occupées de l'Ukraine.

Selon Oksana Filipishyna, analyste à l'Union ukrainienne des droits de l'homme d'Helsinki (UHHRU), l'un des principaux objectifs de ces camps était d'empêcher les personnes considérées comme menaçantes pour l'État russe d'entrer sur le territoire russe.

"Dans la pratique, cela signifie identifier le personnel militaire ukrainien ancien ou actuel, les fonctionnaires, les activistes de la société civile et les patriotes pro-ukrainiens", a-t-elle déclaré à Euronews.

Après le processus de sélection, de nombreux détenus ont disparu dans des colonies pénitentiaires ou des prisons russes. "Aucun citoyen ukrainien qui s'y trouvait ne savait s'il en sortirait vivant", a déclaré le Commissaire aux droits de l'homme du Parlement ukrainien, Dmytro Loubinets à Euronews.

Des rapports font également état de fouilles humiliantes, d'interrogatoires invasifs, d'exécutions extrajudiciaires, de tortures et d'un manque de soins médicaux. Tout ce qui est perçu comme pro-ukrainien ou lié aux forces armées ukrainiennes peut avoir de graves conséquences.

Filipishyna a ajouté que si certains captifs ont finalement été libérés et expulsés vers différentes régions de Russie, d'autres ont connu un sort bien plus sombre. "L'identification de civils pro-ukrainiens a conduit à leur détention immédiate. Nombre d'entre eux ont été envoyés dans des centres pénitentiaires russes".

Les critiques affirment que ces camps et centres violent le droit humanitaire international, notamment la quatrième convention de Genève, qui définit le traitement des civils en temps de guerre. Ils ajoutent que le Statut de Rome qualifie ces activités de crimes contre l'humanité et appellent la communauté internationale à réagir à ces violations des droits de l'homme.

Les personnes qui franchissent la frontière sont à la merci des agents russes. Leniye Oumierova, une Tatare de Crimée de 25 ans, a été arrêtée par les autorités russes alors qu'elle traversait la frontière russo-géorgienne pour se rendre en Crimée occupée afin de s'occuper de son père, chez qui un cancer avait été diagnostiqué en décembre 2022.

D'abord accusée d'avoir enfreint les règlements de la zone réglementée, Mme Oumierova a été détenue dans un centre de détention près de Vladikavkaz. Elle a ensuite été enlevée par les forces de sécurité, emmenée dans un lieu inconnu, puis transférée dans un centre à Beslan.

Après des mois d'accusations forgées de toutes pièces et d'abus de procédure, elle a finalement été transférée à la prison moscovite de Lefortovo, où elle a fait l'objet de fausses accusations d'espionnage. En septembre 2024, Oumierova est retournée en Ukraine dans le cadre d'un échange de prisonniers.

Une entrée de la prison de Lefortovo, à Moscou, en Russie, vendredi 30 novembre 2018.
Une entrée de la prison de Lefortovo, à Moscou, en Russie, vendredi 30 novembre 2018. Vladimir Kondrashov/Copyright 2018 The AP. All rights reserved.

"La capture et la torture d'otages constituent un acte de terrorisme au sens de la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme et un crime de guerre au sens de l'article 8 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale", a déclaré M. Loubinets, le médiateur ukrainien, à Euronews.

"J'ai lancé des appels répétés aux États membres de l'ONU et au Comité international de la Croix-Rouge (CICR), leur demandant de réagir et de tenir le pays agresseur pour responsable. Cependant, les crimes de guerre se poursuivent : La Russie tue quotidiennement des citoyens ukrainiens, publiquement et cyniquement, avec un sentiment d'impunité absolue", a-t-il ajouté.

Près de 20 000 enfants ukrainiens déportés , certains via la Crimée

Depuis le début de l'invasion russe en février 2022, près de 20 000 enfants ukrainiens ont été déportés ou déplacés de force.

En mars 2023, la Cour pénale internationale (CPI) a délivré des mandats d'arrêt à l'encontre du président russe Vladimir Poutine et de la commissaire aux droits de l'enfant Maria Lvova-Belova en raison de ces déportations.

Certains enfants ukrainiens sont d'abord emmenés dans des camps en Crimée, par exemple. Mme Kuryshko a décrit la péninsule comme "une plaque tournante logistique", avec environ six camps connus où les enfants sont détenus.

"Ils n'y restent pas longtemps, mais pendant ce temps, leurs papiers sont changés. Ensuite, ils sont emmenés en Russie et souvent proposés à l'adoption", a-t-elle expliqué. Une fois que l'identité d'un enfant a été modifiée, les autorités ukrainiennes ont du mal à le retrouver.

"Au cours de ces trois années de guerre à grande échelle, les enfants grandissent, leurs visages changent et il devient encore plus difficile de les retrouver", a ajouté Mme Kuryshko. Souvent, le seul moyen pour eux de revenir est de contacter eux-mêmes leurs proches.

La Crimée, bastion militaire russe

Selon des sources russes, près de deux millions de personnes résident encore en Crimée. En décembre de l'année dernière, le média ukrainien Euromaidan Press a rapporté que la Crimée occupée avait subi un "changement démographique massif", avec environ un million de nouveaux résidents - probablement en provenance de Russie - s'installant dans la péninsule.

Dans le même temps, la population d'origine a été chassée par une "répression systématique". Depuis 2022, au moins 20 000 habitants ont également été enrôlés de force dans l'armée russe.

Selon Mme Kuryshko, la vie quotidienne en Crimée est marquée par une peur constante. "On a peur tout le temps, et de petites choses - comme porter les mauvaises couleurs ou des symboles qui pourraient ressembler à quelque chose d'ukrainien - peuvent conduire à des poursuites", a-t-elle expliqué.

Ships make way near to the Kerch bridge, in background, near in to Kerch, Crimea, Monday, Nov. 26, 2018.
Ships make way near to the Kerch bridge, in background, near in to Kerch, Crimea, Monday, Nov. 26, 2018. AP/Copyright 2018 The AP. All rights reserved.

Outre le fait de vivre dans la peur, Mme Kuryshko a évoqué d'autres problèmes auxquels les habitants sont confrontés, notamment la pénurie de médicaments et la destruction de l'environnement.

"Depuis le début de l'invasion à grande échelle, les médecins ont reçu l'ordre de donner la priorité à l'armée. Cela signifie que les médicaments et le personnel sont principalement disponibles pour les soldats, tandis que les citoyens ordinaires attendent souvent des mois pour recevoir un traitement ou des médicaments.

"La Crimée est essentiellement une gigantesque base militaire russe", a-t-elle ajouté.


Today

Dans quel pays européen les travailleurs sont-ils les plus ouverts à l'IA ?
Europe • 2:49 PM
4 min
La majorité des employés de l'UE estiment que l'intelligence artificielle a un impact positif sur leur travail, mais le taux d'approbation varie considérablement d'un pays à l'autre.<div class="small-12 column text-center article__button"><a href="https:/
Read the article
Qui est touché ou menacé par le feu croisé de la guerre tarifaire entre les États-Unis et l'Europe ?
Europe • 2:47 PM
7 min
Les industriels européens examinent avec attention la liste de produits établie par la Commission européenne en réponse aux droits de douane américains sur l'acier et l'aluminium, et tout le monde n'est pas satisfait.<div class="small-12 column text-cente
Read the article
Euronews a célébré le lancement de son bureau polonais à Varsovie
Europe • 9:00 AM
2 min
Euronews a célébré le lancement officiel du bureau polonais, sa treizième langue sur ses antennes. L'événement s'est déroulé à Varsovie en présence de très nombreux invités, dont le prix Nobel de la paix, Lech Wałęsa.<div class="small-12 column text-cente
Read the article
Lech Wałęsa sur Euronews : les populistes et les démagogues vont "mettre le feu au monde"
Europe • 8:44 AM
5 min
L'ancien président polonais Lech Wałęsa appelle les générations futures à défendre la démocratie et prévient que les populistes et les démagogues "mettront le feu au monde".<div class="small-12 column text-center article__button"><a href="https://fr.euron
Read the article
Reportage : à bord du Capricorne, un navire de déminage français en Méditerranée
Europe • 12:12 AM
2 min
Euronews a rejoint le navire chasseur de mines français Le Capricorne pour une journée lors de l'exercice Ariadne 2025 en Grèce.<div class="small-12 column text-center article__button"><a href="https://fr.euronews.com/my-europe/2025/03/14/reportage-a-bord
Read the article