"Bloquons tout" : la France secouée par une journée de manifestations et de blocages

La France connaît ce mercredi une journée de fortes tensions à l’appel du mouvement "Bloquons tout".
Protéiforme et dépourvu de leaders identifiés, ce mouvement antigouvernemental est né sur les réseaux sociaux durant l'été, nourri par l'indignation face à l’inflation, l’austérité et une classe politique jugée déconnectée. Bénéficiant d’un large écho en ligne, il a également reçu le soutien de certaines formations de gauche.
La mobilisation de mercredi devrait servir de baromètre à la colère sociale, alors que le pays traverse une profonde crise politique et voit entrer en fonction son nouveau Premier ministre, Sébastien Lecornu.
430 actions recensées et 29 000 manifestants en début d'après-midi
En début d'après-midi, le ministère de l'Intérieur recensait 430 actions, 273 rassemblements et 157 blocages réunissant 29 000 manifestants sur l'ensemble du territoire. 105 incendies sur la voie publique ont également été enregistrés.
Selon le ministère de l’Intérieur, à 13 heures, les forces de l’ordre avaient procédé à 295 interpellations, dont 171 en région parisienne.
80 000 policiers et gendarmes déployés à travers la France
Près de 80 000 policiers et gendarmes ont été déployés sur l’ensemble du territoire. "Aucun blocage ne sera toléré", a prévenu le ministre de l’Intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau.
Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a indiqué s'attendre à des actions "coups de poing", le mouvement ayant été "repris par l'ultragauche", tout en estimant qu’il ne mobiliserait pas "la société civile".
Une cellule interministérielle de crise a été activée en début de matinée au ministère de l’Intérieur.
Plusieurs tentatives de blocage à Paris
Les premières actions ont débuté dès 5h ce mercredi partout en France.
Dans la capitale, des manifestants ont mis le feu à des poubelles dans la matinée, monté des barricades et tenté d’envahir le périphérique, rapidement dispersés par les forces de l’ordre.
À la porte d’Orléans, une cinquantaine de manifestants ont tenté de bloquer la circulation en direction de l’aéroport d’Orly dès 6h, sans succès.
Les tensions se sont également accentuées autour de la gare du Nord, où la police a fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser plusieurs centaines de personnes scandant "Macron, démission".
"Je manifeste aujourd’hui parce qu’on en a marre de tout", a témoigné Marie, étudiante et comédienne. "On veut montrer à Macron qu’on ne supporte plus cette situation. Il ne peut pas continuer à nous ignorer", a ajouté la jeune femme, venue dénoncer les coupes budgétaires qui toucheront le secteur culturel.
D’autres riverains se sont montrent plus nuancés. "Je comprends la colère, mais casser n’apporte rien. Au final, ce sont les contribuables qui paient", a estimé Nesrine, cheffe de projet à Montreuil.
Un conducteur anonyme, prenant l'initiative de dégager les vélos et les poubelles qui barricadaient la route a déclaré qu'il soutenait les manifestations : "Je comprends leur colère. Il faut faire quelque chose."
En début d'après-midi, de nombre de protestataires ont convergé vers la place centrale du Châtelet où plusieurs syndicats ont appelé à se rassembler.
Mobilisation dans tout le pays
Dans de nombreuses villes de France, des tentatives de blocages ont eu lieu sur des ronds-points habituellement très fréquentés et des manifestations sont prévues dans l'après-midi.
À Caen, un viaduc a été bloqué par des manifestants. À Rennes, plusieurs ronds points étaient bloqué tôt dans la matinée. À Bordeaux, les forces de l’ordre ont rapidement débloqué un dépôt du réseau de tramways de la ville dans la matinée.
À Toulouse, environ 200 manifestants ont bloqué pendant moins d’une heure un rond-point dans le quartier de Jolimont, avec des barrières, des pneus et tout ce qu’ils pouvaient trouver aux alentours.
Dans l'est du pays, aux portes de Strasbourg, la circulation a été coupée dans les deux sens sur l'autoroute M35.
À Marseille, un cortège de près de 400 personnes s’est rassemblé dès 7h au pied de la tour CMA CGM. Après avoir été repoussé vers le port industriel, les manifestants ont bloqué brièvement la circulation, sans s’approcher du siège de l’entreprise, protégé par un important dispositif de sécurité.
La circulation ferroviaire impactée
Dans le Sud-Ouest, des dégradations de câbles ont été signalées par la SNCF entre Marmande et Agen, entraînant une perturbation des circulations ferroviaires entre Bordeaux et Toulouse, ainsi qu'une autre à Colomiers, ville de la périphérie toulousaine.
La SNCF a également annoncé que la circulation restait «interrompue entre Toulouse et Auch en raison d’un acte de malveillance ayant dégradé des câbles cette nuit. Elle le restera toute la journée».
La société ferroviaire a également indiqué que plusieurs "tentatives d’envahissement" de gares ont été déjouées, notamment à la Gare du Nord à Paris, à Marseille et à Montpellier.
La circulation est également coupée par des occupations de voies à Cherbourg et Valence, selon la SNCF.
Les lycéens mobilisés
Une centaine de lycées ont été perturbés, dont 27 complètement bloqués, notamment à Paris, Montpellier, Rennes et Lille.
Selon l’Union syndicale lycéenne, des actions ont été menées dans 150 lycées sur 3 700 établissements en France.
Des mobilisations étudiantes ont également été recensées à Paris, Rennes, Grenoble, Montpellier, Toulouse, Lyon, Mulhouse et Nice, selon l'Union étudiante et l'Unef.
Du côté du personnel en grève, la Rue de Grenelle établit un mouvement suivi dans les collèges et lycées autour de 6 %.
715 actions de grève recensées
Selon un sondage Ipsos, 46 % des Français déclarent soutenir le mouvement, une proportion qui grimpe à plus de la moitié chez les électeurs du Rassemblement national. Deux syndicats, la CGT et SUD, se sont joints à la journée d’action, alors qu’une nouvelle grève d’ampleur est prévue le 18 septembre.
Le syndicat CGT a recensé "715 actions de grève dans des entreprises ou des administrations" dans tout le pays, a indiqué la secrétaire générale du syndicat Sophie Binet.
Éric Challal, représentant du syndicat SUD Rail à Paris, affirme quant à lui que "la colère couvait depuis des mois, depuis l’annonce du plan Bayrou.". "On nous demande toujours de travailler plus, alors qu’on a déjà du mal à garder la tête hors de l’eau. Faire porter aux salariés la responsabilité du déficit est insupportable", poursuit-il.
D’autres secteurs s’apprêtent à rejoindre le mouvement. Les pharmaciens, menacés par des coupes dans les remboursements de soins, annoncent qu’ils manifesteront la semaine prochaine. Leurs syndicats alertent sur le risque de fermeture de 6 000 officines sur les 20 000 que compte la France.
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