En France, une femme sur quatre a déjà subi des violences économiques au sein du couple
Par Terriennes
Par Isabelle Mourgere
24% des femmes ont déjà subi des violences économiques de la part de leur conjoint, selon une étude menée en France. Et parmi elles, les plus jeunes y sont particulièrement confrontées: "c’est le cas de 37% des femmes de 18-35 ans qui ont déjà été en couple".
24% des femmes ont déjà subi des violences économiques de la part de leur conjoint, selon une étude menée en France. Et parmi elles, les plus jeunes y sont particulièrement confrontées: "c’est le cas de 37% des femmes de 18-35 ans qui ont déjà été en couple".
Aujourd'hui encore, un mari peut faire opposition à la carte bancaire de son épouse, avoir la mainmise sur le compte joint, empêcher l'autre de se créer une épargne, ou encore prendre des crédits sans l'accord de sa conjointe et créer un surendettement impactant l'ensemble du foyer...
"Toutes ces violences économiques instaurent un rapport de domination et, de fait, une dépendance économique des femmes à leur partenaire", estime Mine Günbay, directrice de la Fédération nationale Solidarité Femmes. Pour elle, "les violences économiques sont le terreau des violences conjugales".
28% des femmes vivant en couple n’ont pas de compte courant personnel. Etude Crédit Mutuel/Solidarité femmes
Dans cette étude menée par le Crédit Mutuel pour Solidarité femmes, 32% des femmes interrogées ont été confrontées à des violences physiques, verbales ou économiques. 24% des femmes ont déjà subi des violences économiques au sein de leur couple.
12% des femmes disent avoir subi un contrôle de leurs finances par le conjoint. 10% des femmes interrogées disent avoir déjà subi, de la part de leur compagnon ou conjoint, un détournement des sommes dédiées à la vie du ménage ou au soin des enfants.
"28% des femmes vivant en couple n’ont pas de compte courant personnel", ajoute l'étude, précisant que ce chiffre "tend à progresser" (23% en 2024).
Chantage économique contre faveur sexuelle
"Dans cette enquête qu'on a pu mener avec l'IFOP, il s'agit souvent de questions de chantage économique: 'Si tu ne m'accordes pas cette faveur sexuelle, je priverai les enfants de gouter', ce sont des verbatim que nous avons pu recueillir à travers notre centre d' écoute", précise Mine Günbay, qui s'exprimait lors de la 21e rencontre Femmes du monde organisée à Bobigny, le 17 novembre 2025.
Le non-paiement des pensions alimentaires constitue un des éléments les plus importants de pourquoi les violences continuent au sein du couple, même après la séparation, en moyenne de plus de un an à deux ans après les violences. Mine Günbay, directrice Fédération nationale Solidarité femmes
Des violences économiques qui ne sont pas sans conséquences pour les femmes dans leur vie quotidienne et leur gestion du foyer : 57% de celles qui en sont victimes déclarent avoir rencontré des difficultés pour couvrir leurs besoins de base.
Plus grave encore : 15% des femmes qui ont subi des violences économiques ont connu le surendettement (10%) ou ont été interdites bancaires (9%). "Monsieur va pouvoir s'endetter sans que les banques, par exemple, se préoccupent de savoir si madame est bien d'accord", rapporte Mine Günbay.
A ces situations s'ajoute un aspect encore plus impactant pour les femmes: le non-paiement des pensions alimentaires, qui constitue "un des éléments les plus importants de pourquoi les violences continuent au sein du couple, même après la séparation, en moyenne de plus de un an à deux ans après les violences".
En 2022, Solidarité femmes a lancé une campagne intitulée #Eyemoney qui permettait de montrer comment la question du contrôle des dépenses des femmes pouvait se faire de manière très insidieuse, perverse et empêcher le débat.
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Fuir le foyer, mais à quel prix?
Un constat qui permet de répondre à ces questions qu'on peut parfois entendre: "Pourquoi elles partent pas, pourquoi à la première gifle, elles ne partent pas?"
48% des femmes de notre étude n'auraient pas les moyens de pouvoir se financer un logement seule par exemple. Mine Günbay
"Quand on pose la question de savoir pourquoi les femmes ne quittent pas un conjoint violent, ce n'est pas toujours parce qu'elles n'ont pas conscience des violences qu'elles sont en train de vivre", estime Mine Günbay. "C'est aussi parce qu'elles n'ont pas les moyens économiques de pouvoir sortir de ces violences. Quand on n'a pas de ressource financière, c'est très difficile de partir. 48% des femmes de notre étude n'auraient pas les moyens de pouvoir se financer un logement seule par exemple".
Si plus d'un quart des femmes qui sont en couple n'ont pas de compte personnel, l'étude montre aussi que 32% d'entre elles n'ont pas de revenu personnel, "soit parce qu'elles sont interdites de travailler, soit parce qu'on leur a demandé s'occuper des enfants, soit parce que, structurellement, comme les congés parentaux sont encore très inégalitaires, eh bien, ce sont les femmes qui arrêtent de travailler pour s'occuper des enfants", rapporte la directrice de la Fédération nationale Solidarité Femmes.
En milieu rural, quand le conjoint violent est aussi l’associé sur l’exploitation, fuir devient encore plus compliqué. Le logement et le lieu de travail sont souvent indissociables: impossibilité de laisser ses animaux et ses terres derrière soi, absence de chômage ou de revenus quand le travail n’est pas déclaré.
"Pas d'émancipation sans autonomie financière"
Au sein du réseau national Solidarité femmes, les femmes sont parfois logées dans des hôtels, grâce à des mécénats privés, afin de les mettre en sécurité le temps de trouver une place en centre d'hébergement. "Ces femmes qui se retrouvent dans les hôtels, que ce soit 7 jours, 14 jours, 28 jours, dans le pire des cas, souvent, elles décident de repartir en se disant 'Je ne peux pas faire vivre ça à mes enfants. Je préfère, moi, subir les coups et que mes enfants aient un toit sur la tête'", pointe la militante.
C'est le nerf de la guerre, la question de l'argent, et, comme par hasard, c'est toujours les femmes qui sont en situation de précarité. Mine Günbay
Entre des places de crèche qui manquent et des inégalités de salaire qui perdurent, le constat est rude pour les femmes. Pour Miné Günbay, "il est important de se rappeler systématiquement que si on veut parler de l'émancipation des femmes, sans autonomie financière, cela n'arrivera pas, et c'est le nerf de la guerre, la question de l'argent, et, comme par hasard, c'est toujours les femmes qui sont en situation de précarité. Donc, il s'agit bien d'un système patriarcal qui repose sur la domination des hommes sur les femmes dans tous les aspects de la vie".
L'étude citée est basée sur 1 000 interviews de femmes âgées de 18 ans et plus, et sur un échantillon représentatif des femmes françaises (âge, profession, région, catégorie d’agglomération)
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