Mali: les six routiers sénégalais enlevés par des djihadistes présumés ont été libérés

Par TV5MONDE avec AFP


Six routiers sénégalais enlevés jeudi dans l’ouest du Mali par des jihadistes présumés ont été libérés vendredi soir, selon un syndicat. Une annonce qui intervient alors que le GSIM multiplie les attaques pour asphyxier Bamako en coupant l’axe Dakar-Bamako.

Six routiers sénégalais enlevés jeudi dans l’ouest du Mali par des jihadistes présumés ont été libérés vendredi soir, selon un syndicat. Une annonce qui intervient alors que le GSIM multiplie les attaques pour asphyxier Bamako en coupant l’axe Dakar-Bamako.
Des djihadistes présumés avaient enlevé jeudi 7 septembre dans l'ouest du Mali six chauffeurs routiers sénégalais dans le cadre d'une stratégie visant à asphyxier Bamako. Ils ont été libérés vendredi soir, a annoncé samedi à l'AFP un syndicat de transporteurs, des informations non confirmées par le gouvernement.
Le chef de l'Union des transporteurs routiers du Sénégal (URS), Gora Khouma, a indiqué dans un message audio transmis à l'AFP que "nos délégués nous ont informés de leur libération hier (vendredi) soir". Un transporteur ayant plusieurs chauffeurs parmi ceux enlevés a confirmé avoir été informé de leur remise en liberté.
Vendredi, l’URS avait annoncé que "six de nos compatriotes sénégalais (...) ont été enlevés au Mali par des groupes djihadistes". L'information avait alors été confirmée par le porte-parole du gouvernement sénégalais, Moustapha Njekk Sarré. Mais samedi, ce dernier s’est montré plus prudent, disant manquer d’"éléments probants" sur cet enlèvement.
Dans un communiqué publié le même jour, le ministère sénégalais des Affaires étrangères a également affirmé n’avoir "à ce stade, aucun élément vérifiable" permettant de confirmer l’enlèvement signalé ni d’établir avec certitude l’identité des personnes concernées.
Les six routiers enlevés étaient "deux conducteurs et quatre apprentis", kidnappés jeudi sur un axe routier de la zone de Kayes, avait détaillé le responsable de l'URS Gora Khouma, joint au téléphone par l'AFP.
Ils circulaient à bord de trois camions chargés de marchandises, avait précisé à l'AFP Daouda Lô, un porte-parole de l'URS, sans préciser la nature des biens convoyés.
Un blocus pour asphyxier Bamako
Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda, avait annoncé mercredi soir la mise en place d’un "blocus" dans l'ouest du Mali, par où transitent la majorité des biens qu'importe ce pays enclavé depuis le Sénégal, notamment du carburant.
Ces opérations ont rapporté des attaques contre des véhicules de transport et des perturbations des échanges avec le Sénégal, d'où proviennent des produits essentiels comme le carburant.
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Le Mali, pays pauvre enclavé, importe l'essentiel de ses produits. Par le nord passent notamment ceux convoyés par la route depuis le port de Dakar jusqu'à Bamako. D'autres arrivent de Mauritanie. Des marchandises sont aussi acheminées à partir du port ivoirien d'Abidjan, au sud du pays.
Le groupe djihadiste veut empêcher l'entrée de carburant importé, notamment du Sénégal, et a menacé les transporteurs de brûler leurs camions-citernes ou de tuer les chauffeurs.
Multiplication des attaques
Le GSIM multiplie depuis plusieurs semaines les attaques contre des cibles économiques et industrielles, en vue d'affaiblir la junte au pouvoir au Mali. À Nioro du Sahel, localité de la région de Nioro, "les accès à la ville sont fermés" à cause du blocus des djihadistes, a indiqué vendredi à l'AFP un habitant.
"Nous amenons le carburant du Sénégal généralement, mais avons préféré arrêter pour le moment nos activités. Les djihadistes ont brûlé déjà des bus et nous ne voulons pas subir des dégâts", a déclaré à l'AFP un responsable d'une société malienne de transport.
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Un chef d'une compagnie transportant des passagers entre Bamako et Dakar via Kayes a dit à l'AFP avoir également "arrêté ses activités jusqu'à nouvel ordre, compte tenu de la situation sécuritaire". Les deux se sont exprimés sous couvert de l'anonymat pour des raisons de sécurité.
"L’État est en train de prendre des dispositions pour assurer la sécurité des biens et des personnes sur l’axe routier Bamako-Dakar", a affirmé à l'AFP une source proche du ministère chargé des Transports.
Un corridor stratégique menacé
En raison de l'insécurité dans l'ouest du Mali, des responsables de compagnies de transports de marchandises et de passagers maliens ont affirmé vendredi à l'AFP avoir arrêté leurs activités dans la zone.
Le Sénégal n'a jamais subi d'attaque djihadiste sur son sol mais des assauts islamistes coordonnés ont été menés le 1er juillet à ses portes, contre des positions de l'armée malienne dans plusieurs villes de l'ouest du Mali, causant la mort d'au moins un civil.
Une des localités ciblées, Diboli, est située à moins de 500 mètres de la localité sénégalaise de Kidira. Les attaques avaient été revendiquées par le GSIM.
Le Sénégal a renforcé depuis quelques années les mesures de sécurité à sa frontière avec le Mali, qui a également renforcé les patrouilles.

Des attaques en forte hausse
Le GSIM "cherche à s'implanter au Sénégal et en Mauritanie depuis la région frontalière commune du sud-ouest du Mali, où le mouvement djihadiste affilié à Al-Qaïda a augmenté ses activités de façon exponentielle", a relevé fin avril une étude du think tank sénégalais Timbuktu Institute.
Dans cette région, le groupe a "multiplié par sept" ses actions violentes entre 2021 et 2024, ciblant les forces de sécurité, les postes de douane et les convois sur les routes vers Bamako, la Mauritanie et le Sénégal, selon l'étude.
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"L'objectif principal est de couper les routes d'approvisionnement vers Bamako dans une double logique de délégitimer les autorités maliennes et de se créer des réseaux économiques qui peuvent financer leurs activités dans la région", avait expliqué à l'AFP Bakary Sambe, directeur de Timbuktu Institute, lors de la parution.
Une crise sécuritaire régionale
Le secteur de Kayes revêt une valeur stratégique pour le GSIM. La région représente environ 80 % de la production d'or du Mali et sert de corridor commercial vers le Sénégal, premier fournisseur du pays, abonde le groupe de réflexion Soufan Center.
Le Mali est en proie depuis 2012 à une profonde crise sécuritaire nourrie notamment par les violences de groupes affiliés à Al-Qaïda et à l'organisation État islamique (EI), ainsi que de groupes criminels communautaires.
Les militaires au pouvoir à Bamako depuis le double coup d'État de 2020 et 2021 ont tourné le dos à l'ancienne puissance coloniale française et se sont rapprochés de la Turquie et de la Russie.
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