"Je me suis battue par la parole": Monique Pelletier, une voix pour les femmes s'éteint

Par Terriennes


On lui doit la criminalisation du viol dans la loi française et la pérennisation de la loi Veil sur l'IVG. Monique Pelletier est décédée à 99 ans. Avocate, ancienne ministre, elle a consacré sa vie au service des droits des femmes et de l'égalité.

On lui doit la criminalisation du viol dans la loi française et la pérennisation de la loi Veil sur l'IVG. Monique Pelletier est décédée à 99 ans. Avocate, ancienne ministre, elle a consacré sa vie au service des droits des femmes et de l'égalité.
"Je n'aurais jamais abandonné, ce n'est pas dans ma nature". Infatigable combattante pour les droits des femmes, Monique Pelletier était venue raconter son parcours, en janvier dernier, quelques mois avant sa disparition, sur le plateau de TV5monde.
Je pense qu'il y a encore beaucoup, beaucoup à faire. Je ne dis pas 'Gloire à nous, c'est merveilleux, les femmes ont tous les droits'. Ce n'est pas vrai. Monique Pelletier, sur TV5monde
"Je pense qu'il y a encore beaucoup, beaucoup à faire. Je ne dis pas 'Gloire à nous, c'est merveilleux, les femmes ont tous les droits'. Ce n'est pas vrai", ajoutait-elle. "Dans la vie, dans les entreprises, au quotidien, les femmes ont toujours de lourds handicaps", estimait l'ex-femme politique.
Ministre déléguée à la Condition féminine de 1978 à 1979 puis de la Condition féminine et des familles de 1979 à 1981, Monique Pelletier a notamment oeuvré pour la criminalisation du viol, qui n'était alors qu'un délit.
Pérenniser la loi Veil
En 1979, elle est la ministre de Raymond Barre et s'attelle à la reconduction définitive de la loi légalisant l'interruption volontaire de grossesse, votée dans un premier temps pour une période de cinq ans seulement.
"Le débat s’annonçait ardu", se souvient Monique Pelletier dans un témoignage au JDD.
"Toutes sortes de lieux communs circulaient, du genre 'Maintenant que c’est permis, on va avorter pour pouvoir aller au ski'. C'est un climat dont on a très peu parlé à l’époque, et qui était très difficile", témoigne-t-elle. Elle jugeait alors important qu'une femme se devait de défendre ce texte.
Sur la question du droit à l'avortement, "Il reste à faire plus à faire que ce qui a été fait", estimait-elle encore en janvier 2025 sur notre chaîne.
(Re)lire 26 novembre 1974 : Simone Veil présente son projet de loi sur la légalisation de l'avortement
Agressée au Sénat
En 2016, Monique Pelletier signe une tribune pour dénoncer l'impunité face au harcèlement sexuel. 37 ans après les faits, elle déclare avoir été agressée par un sénateur. Elle l'accuse de l'avoir embrassée de force, à la fin d'un entretien s'étant déroulé dans un bureau du Sénat.
Il se jette sur moi et me fait un baiser avec la langue. J'étais contre la cheminée, je ne pouvais pas bouger. Monique Pelletier
"Je me lève pour prendre congé et je m'adosse à la cheminée pour lui dire encore deux mots sur la manière dont je pense entamer le débat (sur la pérennisation de la loi Veil, ndlr)", raconte-t-elle.
Elle poursuit: "Là, il se jette sur moi et me fait un baiser avec la langue. J'étais contre la cheminée, je ne pouvais pas bouger". Sortant précipitamment du bureau, elle va se rincer la bouche, rapporte-t-elle dans le JDD.
C'était "la première fois" que cela lui arrivait, et ce jour-là, elle n'a "rien dit, rien fait". L'agression intervient quelques minutes avant qu'elle ne prononce un discours crucial sur l'IVG, elle ne pouvait alors "rien lâcher", explique-t-elle plus tard, reconnaissant avoir "honte" de son silence.
Défendre les femmes victimes de violences
Longtemps, cette présidente d'honneur du Conseil national Handicap s'est exprimée publiquement notamment via son compte X, s'inquiétant du sort des femmes victimes de violences ou dénonçant le scandale des Ehpad.
Beaucoup de femmes restent ignorantes de leurs droits ou sont encore insuffisamment recherchées pour leurs qualités. Monique Pelletier
"Beaucoup de femmes restent ignorantes de leurs droits ou sont encore insuffisamment recherchées pour leurs qualités", s'indignait-elle dans un entretien au Point.
"Une femme libre"
"La France perd une grande voix pour les droits des femmes, pour leur dignité, pour l'égalité. Son engagement a ouvert des conquêtes majeures et laisse un héritage immense", a réagi Aurore Bergé, ministre de l'Égalité entre les femmes et les hommes, sur X.
"Le Conseil constitutionnel salue la mémoire d'une femme libre, d'une grande juriste et d'une républicaine exemplaire", lit-on dans un communiqué de l'institution. Nommée par Jacques Chirac en 2000, cette ancienne avocate au barreau de Paris a siégé au Conseil constitutionnel jusqu'en 2004.
Pour elle, le mouvement #Metoo en France a été une grande victoire. "Je me suis battue par la parole", lançait-elle sur le plateau de l'émission L'invité sur TV5monde. Sa parole résonne aujourd'hui.
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