Etoilé à Paris, le chef Alan Geaam de retour au Liban

Par AFP Par Rita el HAGE © 2025 AFP

Le chef libanais Alan Geaam était arrivé à Paris sans le sou en clandestin. Un quart de siècle plus tard, il revient au Liban auréolé de son étoile Michelin pour diriger les cuisines d'un grand hôtel de Beyrouth et donner un avant-goût de son métissage culinaire.
En 1999, le Libanais alors âgé de 24 ans débarque au Champ de Mars, au pied de la tour Eiffel, avec 200 francs en poche et aucune adresse pour se loger.
Né au Liberia, puis ayant grandi au Liban, il se lance à l'assaut de son rêve français et monte peu à peu tous les échelons de la chaîne alimentaire dans la restauration: plongeur, commis, cuisinier, chef, propriétaire, et se voit décerner en 2018 une étoile au célèbre guide Michelin, fait rarissime pour un chef libanais.
A Paris, il multiplie les projets et les succès grâce à ses plats qui, selon le guide Michelin, "marient le patrimoine français et des influences libanaises avec une grande justesse" au point où "le terme de +métissage+ n'a jamais été aussi approprié". Mais les terres et le terroir de ses ancêtres lui manquent cruellement.

"Etre loin du Liban a toujours été une amertume", affirme à l'AFP cet autodidacte. Malgré tout, dans un pays que certains fuient, "la décision de revenir n'était pas facile", de surcroît après ses succès en France.
"En France, j'ai ma famille, mes enfants et mes restaurants", poursuit-il, assurant que son coeur est "partagé" entre les deux pays. Au Liban, "ce n'est pas une question d'ouvrir un restaurant ou d'un travail (..) c'est un projet personnel et sentimental", ajoute-t-il.
"Mon histoire"
Et pour son retour, l'enfant prodigue a posé ses valises à l'hôtel Le Gray, dans le centre de Beyrouth, tout juste restauré après avoir été gravement endommagé lors de l'explosion du port en 2020, pour y diriger trois restaurants dont l'un, Padam, servira des plats français et italiens et un autre, Qasti ("mon histoire" en arabe), du nom d'un de ses bistrots à Paris, sera consacré à la cuisine libanaise.
L'une des passions du chef est d'insuffler des saveurs orientales dans la cuisine occidentale. A l'instar de l'escalope de foie gras laquée à la mélasse de grenade, un produit phare du terroir libanais.

Pour Alan Geaam, sa mère, Elham, "est le chef le plus formidable". "Elle a été mon mentor et mon inspiration", dit-il. "C'est elle qui m'a appris que je ne peux pas cuisiner tous les jours sans aimer les gens, qu'il faut bien recevoir et être généreux".
Né au Liberia, Alan Geaam, de son vrai prénom Azzam, a grandi dans les quartiers populaires de Tripoli, la principale ville du nord du Liban où son père avait une épicerie.
Enfant, il préférait regarder les émissions de cuisine à la télévision, plutôt que les dessins animés.
Pendant la guerre civile (1975-1990), trois obus atteignent l'appartement familial. Mais ce n'est qu'en 1999 qu'il décide de quitter sa ville, l'une des plus pauvres de la Méditerranée. Il paye des passeurs pour arriver en France, dort sur des bancs publics et devient travailleur clandestin.
En cuisine, il raconte avoir appris "en observant" pour se familiariser avec la cuisine française. "J'ai pris mon temps, et après 20 ans, j'ai décidé de me lancer dans l'aventure de la cuisine libanaise", dit le chef, qui arbore au col de sa veste deux petits drapeaux brodés: l'un de la France, l'autre du Liban.
Yesterday