Présidentielle en Ouganda: qui est Bobi Wine, le candidat de l'opposition qui veut "destituer" Yoweri Museveni?
Par Jean-Luc Eyguesier
Par Séraphine Charpentier
En Ouganda, Bobi Wine, candidat de l'opposition à l'élection présidentielle de janvier 2026, a attiré une foule immense lors d'un meeting de campagne dans la capitale Kampala, ce lundi 24 novembre. Celui qui s'était déjà présenté en 2021 dit vouloir "destituer Museveni", le président ougandais, au pouvoir depuis près de 40 ans.
En Ouganda, Bobi Wine, candidat de l'opposition à l'élection présidentielle de janvier 2026, a attiré une foule immense lors d'un meeting de campagne dans la capitale Kampala, ce lundi 24 novembre. Celui qui s'était déjà présenté en 2021 dit vouloir "destituer Museveni", le président ougandais, au pouvoir depuis près de 40 ans.
Pour Bobi Wine, il semble n'y avoir qu'un pas entre la musique et la politique. Le musicien afro-pop et président de la Plateforme pour l'unité nationale (NUP), qui se décrit comme "un enfant du ghetto qui a quelque chose à dire à travers la musique (...)" sur son profil Instagram, est l'un des plus sérieux candidats à la présidentielle de janvier 2026.
Depuis sa candidature à l'élection de 2021, son objectif est resté le même: "Destituer du pouvoir" le quatrième plus vieux président d'Afrique, Yoweri Museveni, à la tête de l'un des pays les plus jeunes au monde. Le président ougandais, âgé de 81 ans, est à la tête du pays depuis près de 40 ans.
Lui et son gouvernement ont modifié la Constitution à deux reprises, supprimant à la fois les limites d'âge et de mandats pour accéder à la magistrature suprême. Le 23 septembre, la commission électorale ougandaise l'a autorisé à se présenter pour un nouveau mandat à l'élection présidentielle.
Bobi Wine arrêté et assigné à résidence plusieurs fois
Yoweri Museveni, ancien rebelle arrivé au pouvoir par la force, se décrit lui-même comme le "libérateur" de son pays. Il est reconnu pour l'avoir stabilisé, l'avoir développé économiquement et avoir lutté contre une grave épidémie de Sida. Mais il tient aussi son pays d'une main de fer et est accusé par ses détracteurs de réprimer l'opposition, de violer les droits humains et de corruption.
Bobi Wine lui-même est l'objet d'intimidations. Il a été arrêté et assigné à résidence plusieurs fois ces dernières années. L'opposant de 43 ans a aussi reçu des menaces de la part du fils du président et chef de l'armée, Muhoozi Kainerugaba. En mai, ce dernier s'est vanté d'utiliser "comme punching-ball" le chef de la sécurité de l'opposant, Eddie Mutwe, qu'il déclarait détenir de force "dans (son) sous-sol". S'adressant à Bobi Wine, il lui avait dit être le "prochain".
Un hymne pour les vendeurs de rue
Mais Bobi Wine compte bien surfer sur son aura auprès de la jeunesse du pays, qu'il dit être derrière lui. En Ouganda, l'âge moyen avoisine les 17 ans. 80% de la population a moins de 35 ans.
Bobi Wine, Robert Kyagulanyi Ssentamu à la ville, incarne pour eux la promesse d'un changement. Dans un article du journal suisse Le Temps, on apprend qu'il a grandi dans l'un des ghettos les plus pauvres de la capitale. Il étudie la musique, le théâtre et la danse à l'Université Makerere.
Au début de sa vingtaine, c'est la musique qui lui fait connaître son premier succès avec ses titres Ghetto et Kiwaani, des "hymnes à la survie dans les ghettos", décrit Le Temps. Ses chansons le font connaître par delà même les frontières de l'Ouganda. En Afrique de l'Est, il est désormais surnommé le "président du ghetto".
Dans sa chanson “Tugambire ku Jennifer”, analysée par Charles Lwanga pour l'Université de Cambridge, le message porté par Bobi Wine est puissamment politique. Dans celle-ci, il condamne la brutalité de l'application d'une loi de 2011, interdisant les vendeurs de rue. L'hymne est repris par les vendeurs de rue eux-mêmes, qui s'adresseront aux autorités "uniquement par l'intermédiaire de Wine", après avoir eu recours à la violence et aux vols en guise de première protestation.
De plus en plus habité par sa conscience politique, Bobi Wine comprend que la musique, aussi puissante soit-elle, a ses limites dans les changements qu'elle peut instiguer. Il retourne sur les bancs de l'université, cette fois pour étudier le droit, raconte Le Temps.
La pop star contre le président
En 2017, il remporte un siège au Parlement, dans le district de Kyadondo East, après avoir fait cavalier seul. Il ne s'arrête pas dans la critique du pouvoir et s'attire dès lors les foudres du pouvoir. Il s'opposera notamment à la "suppression de la limite d’âge pour exercer la fonction de président", rapporte encore Le Temps.
Sa musique est rapidement interdite de diffusion, la police tente d'empêcher ses concerts. En 2018, le député d'opposition est battu violemment et torturé. Une information qualifiée de "fake news" par le président Yoweri Museveni.
"Outre Bobi Wine, 33 personnes ont été inculpées de trahison à la suite des affrontements qui ont opposé des partisans du parti au pouvoir et de l’opposition. De toute évidence, il s'agit d'une chasse aux sorcières destinée à réduire au silence l'opposition politique dans le pays", déclarait le 23 août 2018 la directrice du programme Afrique de l’Est, Corne de l’Afrique et Grands Lacs à Amnesty International.
À son retour des États-Unis où il a été soigné de ses blessures, c'est toute la capitale ougandaise qui est placée sous haute sécurité. La voie rapide reliant Kampala à l'aéroport d'Entebbe est complètement fermée, des barrages de police sont installés sur l'ancienne route de l'aéroport, des fouilles sont effectuées sur les véhicules se rendant vers l'aéroport, constate le 20 août 2018 l'AFP. La jeunesse, derrière Bobi Wine, fait peur au pouvoir qui interdit manifestations et rassemblements publics.
En 2021, premier affrontement par les urnes entre Bobi Wine et Yoweri Museveni
En 2021, Bobi Wine créé son propre parti, la Plateforme de l’unité nationale (NUP). Après s'être enregistré comme candidat à l'élection présidentielle, il est embarqué dans un véhicule de police et rapporte à l'AFP s'être fait torturer par la police. Ses partisans feront aussi l'objet de fortes pressions.
L'opposant continue la course à la présidentielle qu'il perd, obtenant 35% des votes contre 58% pour le président sortant. Bobi Wine accuse alors le président de fraude électorale. L'Union européenne, les Nations unies et des groupes de défense des droits se disaient préoccupés par le déroulé de l'élection. Seule une mission de l'Union africaine a pu surveiller le scrutin, les États-Unis s'étant vus refuser la permission de surveiller les bureaux de vote par le pays.
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