Présidentielle en Côte d'Ivoire: Simone Ehivet, ex Gbagbo, "la dame de fer" qui espère peser sur le scrutin

Par Pierre Desorgues


Simone Ehivet, ex-épouse de Laurent Gbagbo, est candidate à l'élection présidentielle du 25 octobre 2025. Une candidature qui sonne comme une résurrection politique, sept ans après sa sortie de prison et trois ans après son divorce avec l'ancien président de la Côte d'Ivoire. Elle espère peser sur un scrutin où le président Alassane Ouattara est donné largement favori.

Simone Ehivet, ex-épouse de Laurent Gbagbo, est candidate à l'élection présidentielle du 25 octobre 2025. Une candidature qui sonne comme une résurrection politique, sept ans après sa sortie de prison et trois ans après son divorce avec l'ancien président de la Côte d'Ivoire. Elle espère peser sur un scrutin où le président Alassane Ouattara est donné largement favori.
C'est une image qui a fait le tour du continent. Nous sommes le 11 avril 2011, des hommes en armes, des soldats des Forces républicaine pro-Ouattara, rentrent dans le palais présidentiel de Cocody, le quartier huppé d'Abidjan. Dans sa chambre, Laurent Gbagbo met une dernière chemise propre avant d'être arrêté. Simone Gbagbo est, elle, prostrée sur le lit conjugal, le visage marqué.
C'est à ce moment-là, pense-t-on, la fin politique du couple Gbagbo. C'est en tous cas le dénouement de quatre mois de tensions, violences et d'une bataille de 10 jours dans la capitale auxquels il faut ajouter plusieurs jours de bombardements de l'armée française. Plus de 3.000 personnes sont tuées lors de cette crise.

Le couple présidentiel refusait de reconnaître la victoire d'Alassane Ouattara. Simone Gbagbo est alors accusée par le nouveau pouvoir d'avoir été liée aux "escadrons de la mort" contre les partisans du candidat.
Laurent Gbagbo est transféré à Korhogo (nord) puis aux Pays-Bas auprès de la CPI. Simone, elle, est détenue à Odienné, dans le nord-ouest de la Côte d’Ivoire. Elle est condamnée en 2016 à 20 ans de prison pour "atteinte à la sûreté de l’État".
Une femme politique guidée par sa foi évangélique
Simone Ehivet était en effet plus qu'une première dame. Elle formait avec son ancien mari un redoutable tandem avec Laurent Gbagbo, lorsque celui-ci était président de 2000 à 2011. "Guidée par sa foi évangélique, elle avait formé autour du président Laurent Gbagbo un petit clan jusqu'au-boutiste avec le pasteur Moïse Koré, le pasteur du couple présidentiel. Pour eux, le monde était binaire et Alassane Ouattara et ses partisans incarnaient une figure du mal", explique Jean-Pierre Dozon, anthropologue des religions, à TV5MONDE.
"Cet entourage évangélique, autour de Simone Gbagbo a eu des effets nocifs sur les propres choix du président. Ils avaient une forme d'ascendant sur lui et on se rend compte que le régime à la fin des années 2000 jusqu'à la capture du couple en avril 2011 était un régime bicéphale", ajoute le chercheur.

Simone Ehivet est née en 1946 à Moosou, près de la station balnéaire de Grand-Bassam. Elle est élevée par son père gendarme. Elle obtient dans un premier temps une licence de lettres à Abidjan puis part faire ses études à Paris où elle obtient un doctorat sur le langage tambourinée en 1981.
Passionnée de politique, elle rencontre celui qui sera son futur mari Laurent Gbagbo à son retour en Côte d'Ivoire. Le pays fonctionne alors sous le régime du parti unique de Félix Houphouët-Boigny. Femme politique, avec d'autres militants socialistes, elle fonde clandestinement le Front populaire ivoirien (FPI). Le parti est interdit et le couple sera alors arrêté un temps par le Premier ministre de l'époque un certain Alassane Ouattara.
"Le vieux", Félix Houphouët-Boigny, meurt en 1993 et le champ politique du pays s'ouvre à partir de 1990 au multipartisme. Elle est élue députée en 1995 puis devient la présidente du groupe parlementaire de son parti avant de soutenir politiquement son mari, épousé en 1989. Syndicaliste, un temps, marxiste à ses débuts politiques, elle devient évangélique dans les années 1990.
Laurent Gbagbo est élu président en 2000 contre le général Robert Guéi. Elle est l'une des voix fortes de la présidence. Elle et son mari doivent faire face à la rébellion qui éclate en 2002. Elle incarne tout au long de la présidence de Laurent Gbagbo, une ligne refusant tout compromis avec la rébellion et les soutiens de Alassane Ouattara.
Graciée par Alassane Outarra
En 2018, elle est donc graciée par Alassane Outarra au nom de la "réconciliation nationale." Dans la foulée de l'acquittement de Laurent Gbagbo par la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye en mars 2021, où il était poursuivi pour crimes contre l'humanité, elle a vu son mandat d'arrêt international également levé.
Laurent Gbagbo est de retour en Côte d'Ivoire en 2021 après dix ans d'absence au bras d'une autre femme. Il demande le divorce avec Simone avec qui il a eu deux filles. L'une des premières sorties avec sa nouvelle femme se déroule à la cathédrale catholique d'Abidjan, marquant ainsi une autre rupture avec Simone dont il avait épousé la croyance évangéliste.
En 2022, l'ancien couple présidentiel divorce. Simone Ehivet décide de revenir à la vie politique en 2023. Elle quitte le FPI et fonde son propre parti politique le Mouvement des générations capables (MGC).
Que pèse politiquement son parti dans l'opinion publique africaine? Difficile à dire. Son parti n'a concouru à aucune élection générale. Les principales figures de l'opposition Tidjiane Thiam, l'ex-président Laurent Gbagbo, Charlé Blé Goudé, ou Pascal Affi N'Guessan, ancien Premier ministre ont été exclus. Simone Ehivet, ex-madame Gbagbo, reste une figure connue des Ivoiriens.
(Re)lirePrésidentielle en Côte d’Ivoire: qui pour incarner l'opposition à Alassane Ouattara?
Interrogée sur France 24, l'ancienne première dame de Côte d'Ivoire estime ne pas être un alibi démocratique du pouvoir en place et affirme être bien ancrée dans l'opposition. "J'appelle tous les Ivoiriens à me soutenir pour obtenir l'alternance. Aujourd'hui l'opposition subit beaucoup d'arrestations dans le pays. On ne peut pas dire que la gouvernance d'Alassane Ouattara soit sans reproches. Je crois que c'est possible. Je peux devenir la première présidente de la Côte d'Ivoire. Vous m'appellerez madame la présidente", assure la candidate.
À 79 ans, elle espère donc fédérer les oppositions à Alassane Ouattara mais elle reste cependant une personnalité politique très clivante. Sa candidature rappelle les crises politiques du pays dans les années 2000 et 2010.
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