Présidentielle au Cameroun : le "candidat consensuel" Issa Tchiroma Bakary dénonce "l'oligarchie" au pouvoir

Par Nidhya Paliakara NIDHYA PALIAKARA
Par Philippe Randrianarimanana NIDHYA PALIAKARA



Ancien ministre, président du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), Issa Tchiroma Bakary, est l’un des douze candidats retenus par le Conseil constitutionnel pour ce scrutin lors duquel se présente le président Paul Biya, 93 ans dont 43 au pouvoir, qui brigue un huitième mandat.
Le 13 septembre, une coalition de partis politiques et d’organisations de la société civile camerounaises réunies au sein de l’Union pour le changement 2025 a désigné Issa Tchiroma Bakary comme "candidat consensuel" pour la présidentielle du 12 octobre.
Pour l’heure, aucun autre candidat n’a rejoint l’ancien ministre de l’Emploi démissionnaire. C’est dire si la démarche de cette coalition est loin de rassembler l’ensemble de l’opposition camerounaise. Interrogé par Nidhya Paliakara dans le Journal Afrique de TV5MONDE, Issa Tchiroma Bakary défend la légitimité de sa désignation.
TV5MONDE : Au sein de l'opposition, vous ne faites vraiment pas consensus. Vous comprenez qu'une partie de l'opposition s'interroge sur la légitimité de cette désignation?
Issa Tchiroma Bakary : L’unanimité n’a pas été recherchée. Des hommes et des femmes de qualité, reconnus pour leurs valeurs intellectuelles et morales, issus de la classe politique et comme de la société civile, ont estimé qu’il était temps. Le jour où cela s’est passé il ne restait pas plus de trente jours avant l’élection présidentielle.
S’il fallait faire l’unanimité, probablement jusqu’au 12 octobre, date à laquelle cette élection doit avoir lieu, la probabilité était très forte de ne pas y arriver.
Il était question pour la classe politique comme pour la société civile de désigner quelqu’un de connu de tout le monde et dont les capacités et les qualités intellectuelles, spirituelles et morales sont connues et qui recèle donc ces qualités pour présider aux destinées de cette nation, en dépit de toutes les difficultés, en dépit de toute la complexité que nous connaissons.
C'est une espèce d'oligarchie qui gouverne aujourd'hui notre nation. Bien malin celui qui dirait qui actionne les manettes.
TV5MONDE : Vous êtes effectivement connu. Vous avez servi le pouvoir du président Biya pendant de longues décennies. En juin dernier, vous quittez le gouvernement dénonçant les maux qui minent le pays. Dans la foulée, vous annoncez votre candidature à la présidence. Est-ce que ce n'est pas un peu opportuniste comme démarche?
Je suis président d'un parti politique qui avait choisi d'accompagner le président Biya tout au long de sa carrière. Il s'est trouvé malheureusement que le président de la République à 93 ans avait complètement disparu des feux des projecteurs. Les Camerounais étaient dans l'inquiétude.
Il était naturellement question de faire face à cette situation, moi qui avais choisi de l'accompagner jusqu'à la fin de sa carrière politique (...) Mais après avoir gouverné pendant 43 ans, il n'a présenté à la nation camerounaise aucune personne pour lui succéder.
J'ai marqué de manière indélébile les esprits des Camerounais, qu'ils m'acceptent ou qu'ils me détestent.
TV5MONDE: Vous avez déclaré dans une interview que Paul Biya ne gouverne plus le Cameroun, que le pays est dirigé par procuration. Qui dirige aujourd'hui alors réellement le Cameroun?
C'est une espèce d'oligarchie qui gouverne aujourd'hui notre nation. Bien malin celui qui dirait qui actionne les manettes. Mais les Camerounais aujourd'hui n'en peuvent plus parce que la fonction présidentielle est une fonction à plein temps.
Nous ne pouvons pas nous le permettre, alors que notre nation traverse des zones de turbulences sévères, il y a péril en la demeure que les Camerounais demeurent dans l'incertitude.
Dès lors que notre partenaire a disparu des radars, il n'était plus possible de rester fidèle à un engagement qui devient un engagement à sens unique, alors que le président de la République avait cessé d'être perceptible, visible ou audible.
Je peux dire qui me menace. Il s'agit de quelqu'un de très connu, envoyé à mon domicile au nom de la Direction Générale de la Recherche Extérieure (DGRE), les services de renseignement au Cameroun, et qui parle au nom du chef de l'État.
TV5MONDE : Aujourd'hui, pensez-vous être l'homme de la rupture et non celui de la continuité?
Je suis persuadé d'être l'homme de la rupture. Je ne suis pas un inconnu. J'ai été tout au long de ma carrière politique, député, conseiller municipal, ministre. Comme ministre des Transports, personne ne peut contester ma performance. J'ai été ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement.
Je peux vous dire que j'ai marqué de manière indélébile les esprits des Camerounais, qu'ils m'acceptent ou qu'ils me détestent. Toujours est-il que j'ai servi avec foi et fidélité mon pays à ce poste là. Mon dernier portefeuille est celui de l'emploi et de la formation professionnelle. Avant mon affectation, je peux vous dire que la formation professionnelle n'existait pas.
TV5MONDE : Depuis l'annonce de votre candidature, vous dites recevoir des menaces. Savez-vous qui vous en veut et pourquoi selon vous?
Je ne saurais vous dire le pourquoi, mais je peux dire qui me menace. Il s'agit de quelqu'un de très connu, envoyé à mon domicile au nom de la Direction Générale de la Recherche Extérieure (DGRE), les services de renseignement au Cameroun, et qui parle au nom du chef de l'État.
Il est venu me dire que le président de la République n'accepte pas que je me mette à critiquer un régime que j'ai servi. Il me rappelle que par magnanimité, il avait décidé de mettre de côté des dossiers compromettants à mon sujet et qu'il suffirait simplement qu'il les remette à la justice pour que je sois incarcéré.
Sachant que je suis malade, il m'a affirmé que deux mois de traitement suffiraient pour que je trépasse. Ce que je vous dis, ce n'est pas des fantasmes, c'est la réalité.
Alors j'ai simplement répondu non, que j'ai servi avec loyauté, sans réserve et que j'ai défie quiconque de me prendre à défaut. En revanche, ma réponse vis-à-vis du chef de l'État était très simple : aussi longtemps que je serai vivant, je continuerai à porter l'espoir et l'attente des centaines de milliers de Camerounais, quoi qu'il m'en coûte.
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