Guerre en RD Congo: à Uvira, les habitants "traumatisés" après les combats entre le M23 et l'armée congolaise
Par Séraphine Charpentier
Au surlendemain de son entrée dans Uvira, l'AFC-M23 tente désormais de "sécuriser" ses positions. Des tirs résonnent encore dans certains quartiers de la ville du Sud-Kivu, ce jeudi 11 décembre, après les combats de la veille opposant les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et leurs supplétifs Wazalendo aux rebelles. Des cadavres jonchent le sol par endroits. Un habitant se dit "traumatisé psychologiquement et physiquement" auprès de TV5MONDE.
Au surlendemain de son entrée dans Uvira, l'AFC-M23 tente désormais de "sécuriser" ses positions. Des tirs résonnent encore dans certains quartiers de la ville du Sud-Kivu, ce jeudi 11 décembre, après les combats de la veille opposant les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et leurs supplétifs Wazalendo aux rebelles. Des cadavres jonchent le sol par endroits. Un habitant se dit "traumatisé psychologiquement et physiquement" auprès de TV5MONDE.
Dans le centre d'Uvira, des coups de feu résonnaient encore en ce jeudi 11 décembre. Des combats ont éclaté dans la ville du Sud-Kivu la veille, entre l'AFC-M23, soutenu par le Rwanda selon l'ONU, et l'armée congolaise soutenue par des militaires burundais et des Wazalendo. Deux jours après l'entrée dans la ville de l'AFC-M23, des cadavres sont visibles dans les rues, encore quasi vidées de leurs habitants.
"Au moment où je vous parle, il y a des corps qui jonchent le sol sur la voie publique. Il y en a aussi sur l'avenue qui mène vers la cathédrale Saint-Paul", témoigne auprès de TV5MONDE un membre de la société civile d'Uvira, ce jeudi 11 décembre. Il n'a pas pu préciser à TV5MONDE si les corps appartiennent à des Wazalendo, des volontaires qui se battent aux côté des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), ou à des civils. "Il n'y a pas d'armes aux côtés des cadavres. Ils ne sont pas en tenue militaire non plus", détaille-t-il.
Il a fui la ville mercredi soir aux alentours de 18 heures et se dirige vers le territoire de Fizi, plus au sud d'Uvira, en territoire congolais. À ses côtés, des membres des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), fuyant eux aussi les combats, affirme-t-il.
Plus d'eau courante ni de courant
Le membre de la société civile confirme que des combats sont encore en cours ce jeudi. L'AFC-M23 cherche les combattants pro-Kinshasa possiblement retranchés dans certains quartiers, selon des sources sécuritaires et locales interrogées par nos confrères de l'AFP. "On ne sait pas qui contrôle qui, mais ils (l'AFC-M23) nous disent qu'ils sont en train de se battre pour voir comment est-ce qu'ils peuvent sécuriser la ville", ajoute-t-il à TV5MONDE.
Un autre habitant, joint par TV5MONDE ce jeudi matin, a avoué n'être toujours pas sorti de chez lui depuis le matin du mardi 9 décembre, date à laquelle ont été aperçus les premiers combattants anti-gouvernementaux de l'AFC-M23 dans le nord de la ville. Ces derniers ont toutefois autorisé les habitants à pouvoir "vaquer à leurs occupations", ce jeudi.
"Selon les informations en ma possession, les gens sont autorisés maintenant à circuler. Certains s'approvisionnent en eau potable", nous raconte l'homme, habitant d'un quartier situé au nord-ouest d'Uvira. La ville n'a plus d'eau courante depuis "la semaine dernière" et pas de courant, décrit-il.
"Traumatisé psychologiquement et physiquement"
"J'ai fait une centaine de mètres dans la rue ce matin, simplement pour raccompagner quelqu'un qui est venu me rendre visite. Pour le moment, je ne veux pas sortir de ma maison, peut-être demain ou après-demain" raconte l'habitant qui se dit "traumatisé psychologiquement et physiquement" par les "tirs" et les explosions de mardi et mercredi.
Pour en savoir plus Est de la RD Congo: le président congolais Félix Tshisekedi accuse le Rwanda de "violer" l'accord de Washington
Drones, mortiers à guidage GPS, systèmes de lance-roquettes multiple: autant d'armements dont l'armée rwandaise aurait fait usage lors de son offensive sur Uvira, selon des sources sécuritaires interrogées par l'AFP. Mince preuve du retour à la vie d'Uvira, l'habitant du quartier nord-ouest a entendu "deux ou trois véhicules circuler depuis ce matin dans la rue". Les commerces eux restaient fermés ce jeudi.
Afflux de réfugiés vers des camps de transit burundais
L'AFC-M23 contrôle désormais la mairie d'Uvira, le siège du gouvernorat provincial et le poste-frontière juste avant le Burundi, selon les informations de l'AFP. La stratégie du groupe armé est de priver Kinshasa du soutien militaire de Bujumbura, selon des sources sécuritaires et des experts interrogés par nos confrères.
Ces derniers jours, un afflux de soldats burundais et congolais et des habitants effrayés par les combats qui faisaient rage ont fui vers le Burundi voisin. C'est là qu'ont été mis en place des camps de transit, à Gatumba notamment, à quelques centaines de mètres du territoire congolais.
Ils sont censés accueillir l'afflux de personnes en fuite. 40.000 réfugiés ont passé la frontière burundaise depuis le 5 décembre, selon Brigitte Mukanga-Engo, représentante du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) au Burundi, jointe par TV5MONDE.
Des familles "sans nourriture" depuis parfois une semaine
Dans ces camps de transit, la situation humanitaire et sanitaire est très fragile. TV5MONDE a pu se rendre dans celui de Kansega, dans la province de Bujumbura, ce jeudi 11 décembre. "La vie est difficile ici, ça nous dépasse. Il n'y a pas de toilettes, les enfants demandent de la nourriture aux parents alors qu’il n'y en a pas... Il y a trop de problèmes. Il n'y a pas de médicaments, nos enfants souffrent de la malaria", déplore Cécile Anastasie, une mère de sept enfants.
Avec son mari, elle a fui Sange, une ville située à une trentaine de kilomètres au nord d'Uvira et est arrivée dans ce camp, il y a une semaine maintenant. La mère de famille affirme ne pas avoir reçu d'assistance alimentaire depuis. Tous les neuf vivent sans aucun abri, à la merci de la pluie. Cécile supplie les parties prenantes du conflit de faire taire les armes, afin qu'ils puissent rentrer chez eux.
"Nous commençons à craindre vraiment pour notre santé, puisque nous trouvons des matières fécales à côté de nous. Cela va créer des maladies", explique Asituye Dilene Excausé, un réfugié congolais de Luvungi, à 60 kilomètres au nord d'Uvira. Il affirme avoir vu sur son chemin des morts causés par les combats et dit avoir tout perdu.
"Les familles passent la nuit à l'extérieur"
"Les familles passent la nuit à l'extérieur avec les enfants, il n'y a pas de nourriture, nous traversons un moment très difficile", déclare à TV5MONDE, la voix lasse, un habitant d'Uvira qui a fui vers le Burundi et se trouve actuellement dans un camp de militaires burundais à Gatumba. Il demande une assistance humanitaire d'urgence, afin que "les familles ne meurent pas de faim et de maladie".
"Pour le moment, il n'y a pas de ressources, on est à la fin de l'année, c'est la fin de tous les budgets pour la plupart des organisations. Mais nous sommes en train de lancer un appel inter-agences pour obtenir le soutien de nos donateurs, comme l'agence humanitaire de l'Union Européenne, qui a déjà déboursé une première assistance pour permettre d'amener de l'eau", précise Brigitte Mukanga-Engo, la représentante du HCR au Burundi, à TV5MONDE.
Le potentiel retour des réfugiés d'Uvira et d'ailleurs va "dépendre des relations entre l'AFC-M23 et le Burundi, mais aussi de la façon dont le gouvernement burundais collabore avec le gouvernement congolais", affirme de son côté le membre de la société civile qui a fui Uvira. "Si le Burundi ne collabore pas, cela veut dire que les gens ne pourront pas retourner chez eux, car c'est la seule frontière qui puisse les ramener à Uvira".
Le 4 décembre étaient signés aux États-Unis les Accords de Washington, censés poser les bases d'un arrêt des combats entre la RD Congo et le Rwanda. Au lendemain de la signature de l'accord, le président congolais Félix Tshisekedi accusait "des unités des forces de défense du Rwanda" de conduire et appuyer "des attaques à l'arme lourde" dans le Sud-Kivu. "La responsabilité des violations du cessez-le-feu" ne "peut être imputée au Rwanda", a répondu ce mercredi 10 décembre le Rwanda.
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