Le vote de la nouvelle Commission européenne révèle une majorité instable au Parlement
La nouvelle Commission européenne d'Ursula von der Leyen a reçu le feu vert du Parlement, mais le résultat du vote laisse présager des négociations complexes pour les cinq années à venir.
Les 370 votes favorables représentent 54 % de l'ensemble des suffrages exprimés, et encore moins (51 %) du nombre total de députés européens (719).
Il s'agit de la majorité la plus faible de l'histoire pour une nouvelle Commission européenne.
Combien de groupes formeront la majorité ?
Les résultats des votes montrent que les trois groupes centristes qui formaient la majorité de la législature précédente n'ont pas pu garantir la moitié des votes dans l'hémicycle.
Le Parti populaire européen (PPE), les Socialistes et Démocrates (S&D) et Renew Europe ont totalisé 308 voix, loin du seuil nécessaire de 360 voix.
Pour des raisons différentes, le PPE de centre-droit et les S&D de centre-gauche ont subi d'importantes défections.
Le Parti populaire espagnol, membre du PPE avec 22 eurodéputés, a ainsi voté contre le nouveau collège parce qu'il inclut la vice-présidente espagnole Teresa Ribera, membre de son parti rival de centre-gauche, le Parti socialiste, affilié aux Socialistes et Démocrates européens.
Les socialistes belges et français se sont opposés à la décision d'Ursula von der Leyen de nommer le conservateur italien de droite Raffaele Fitto au poste de vice-président, ce qui a également coûté à la Commission les voix de plusieurs eurodéputés socialistes italiens. Les 14 eurodéputés S&D allemands ont voté contre ou se sont abstenus.
Face à cette division apparente au sein des groupes centristes du Parlement européen, la Commission aura probablement besoin de se rapprocher de la gauche ou de la droite de l’hémicycle pour faire passer des lois dans les années à venir.
"Je pense que nous pourrons trouver un accord avec les Verts d'une part, ou les Conservateurs et Réformistes européens d'autre part", a déclaré à Euronews David McAllister, un eurodéputé allemand chevronné du PPE.
Ce scénario a d'ailleurs été envisagé par le leader du PPE, Manfred Weber, qui a évoqué un "large centre au Parlement européen, des Verts à CRE" lors d'une conférence de presse la veille du vote.
Cependant, ni les Verts ni CRE n'ont entièrement soutenu la Commission européenne. Le groupe des Verts/ALE était divisé, avec 27 voix pour, 19 contre et six abstentions, tandis que le groupe CRE comptait 39 législateurs contre, 33 pour et quatre abstentions.
Verts et conservateurs en désaccord
Ni les Verts ni les Conservateurs et Réformistes européens ne semblent cependant vouloir coopérer ensemble.
"Il n'y a pas de véritable majorité aujourd'hui dans l'Union européenne. Manfred Weber pense qu'il peut un jour se tourner vers l'extrême droite pour construire des alliances, en détruisant notamment les lois environnementales", a déclaré à Euronews l'eurodéputée verte Marie Toussaint, qui a voté contre le collège avec l'ensemble de sa délégation française.
"Et puis le lendemain, quand ça l'arrangera, il se tournera vers la coalition des démocrates et des forces pro-européennes. C'est absolument indigne".
D'autres membres des Verts ont voté en faveur de la nouvelle Commission, mais continuent de souligner leur désaccord avec ce qu'ils considèrent comme un net virage à droite.
"Nous avons toujours des problèmes fondamentaux avec Raffaele Fitto en tant que vice-président exécutif, et nous pensons vraiment que c'est une erreur. Mais il est également clair que nous voulons travailler maintenant", a déclaré Bas Eickhout, co-président du Groupe des Verts/ALE, à Euronews après le vote.
Division au sein de la droite dure
De l'autre côté, les eurodéputés conservateurs qui ont soutenu la Commission affirment que leur choix a été fait précisément pour inverser le Pacte vert et changer les politiques de la législature précédente.
"Il se peut que les chiffres soient différents dans ce Parlement par rapport au précédent. Je pense que le rôle des conservateurs européens sera de déplacer l'axe de cette législature européenne vers la droite", a déclaré à Euronews Carlo Fidanza, chef de la délégation des Frères d'Italie, la plus importante au sein du groupe CRE.
Les législateurs du PiS, le parti polonais membre du CRE, ont quant à eux voté contre la Commission, mais cela n'a pas inquiété le co-président du CRE, Nicola Procaccini, qui a rappelé la tradition du groupe de laisser aux délégations la liberté de choix.
"Dans l'UE, la Commission n'est pas liée à une majorité au Parlement européen. Il n'y a pas eu de 'majorité Ursula' la dernière fois, et il n'y a pas de majorité aujourd'hui. Chaque vote aura une majorité différente, basée sur le contenu", a-t-il affirmé.
C'est le sentiment qui prévaut à Strasbourg après le vote, et la présidente de la Commission européenne le sait probablement, Ursula von der Leyen n'ayant pas mentionné le mot "majorité" lors de son long discours de présentation du collège des commissaires au Parlement.
Son mantra reste la coopération avec les forces politiques "pro-UE", "pro-Ukraine", et "pro-état de droit", adaptable aux Verts ou aux Conservateurs selon les circonstances et les sujets abordés.
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