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Italie : Meta sous pression après l'affaire de la page Facebook "Mia Moglie"

Business • Sep 1, 2025, 8:51 AM
6 min de lecture
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En Italie, un scandale a éclaté autour d’une page Facebook intitulée "Mia Moglie" (ma femme, en italien) où des hommes publiaient des clichés sexuels de femmes de leur entourage sans leur consentement.

Les photos de femmes - certaines manifestement prises en secret, d'autres probablement destinées à rester privées - étaient suivies de commentaires dégradants et obscènes tels que "cette bouche est parfaite pour travailler" ou encore "la meilleure thérapie pour une femme est toujours la bite d'un homme".

Créée en 2019, la page est réellement devenu active en mai 2025, rassemblant près de 32 000 membres. En août dernier, l'autrice et scénariste Carolina Capria a alerté de son existence sur Instagram en publiant une capture d’écran, appelant au signalement massif de la page. Après plusieurs plaintes adressées à Meta et aux autorités locales, la plateforme Facebook a fermé "Mia Moglie" le 20 août dernier.

Selon sa politique contre l’exploitation sexuelle des adultes, Meta interdit notamment le partage ou la menace de distribution d'images intimes non consensuelles, qu'elles soient réelles ou fictives. Il est également interdit de prendre secrètement des images de parties du corps couramment sexualisées et de les partager, de menacer de les partager ou d'exprimer l'intention de distribuer des conversations sexuelles privées sans consentement.

"Nous n'autorisons pas les contenus qui menacent ou encouragent la violence sexuelle, l'agression sexuelle ou l'exploitation sexuelle sur nos plateformes", a déclaré le porte-parole de Meta.

Le phénomène n'est ni nouveau ou exceptionnel. En 2017, Facebook avait déjà fermé un groupe francophone baptisé "Babylone 2.0", où plus de 50 000 membres échangeaient des images intimes de femmes sans leur consentement.

Après la disparition de "Mia Moglie", des médias italiens ont repéré la création de nouveaux groupes similaires sur Facebook et Telegram, bien que moins fréquentés pour l’instant.

Une modération jugée insuffisante

En 2024, le Conseil de surveillance de Meta, un organe indépendant créé en 2020 par le groupe, avait exhorté le groupe à renforcer sa lutte contre les deepfakes sexuels non consensuels. Mais pour de nombreux experts, les efforts du géant américain restent très insuffisants.

"La violence de genre en ligne est devenue normalisée, y compris sur les plateformes de Meta, l'impunité étant la règle plutôt que l'exception", déplore Silvia Semenzin, sociologue numérique et chercheuse postdoctorale à l'Université de Madrid.

Un rapport publié la même année par le Center for Countering Digital Hate révélait qu’Instagram n’avait pris aucune mesure dans 93 % des cas de commentaires abusifs visant des femmes politiques américaines connues.

Selon Silvia Semenzin, Meta concentre ses efforts sur la protection des enfants dans la lutte contre la violence sexiste.

L'avocate Cathy La Torre partage cette critique. Selon elle, Meta agit rapidement face aux cas d’abus d’enfants ou de contenus commerciaux, mais tarde lorsqu’il s’agit d’images non consensuelles de personnes ordinaires.

Cette différence de traitement s'explique notamment par la sensibilité des États-Unis à la question de l’exploitation sexuelle des mineurs et l’intérêt économique de protéger les activités publicitaires.

Un manque de transparence

Pourtant, des outils existent. Meta s’appuie notamment sur des "signaleurs de confiance", des ONG habilitées à traiter les contenus illégaux.

En Italie, l’association Permesso Negato accompagne les victimes d’images intimes diffusées sans leur accord. Toutefois, peu d'informations sur ce signaleur de confiance apparaissent sur les chaînes de Meta.

"Meta ne dit pas ces choses et ne le fait pas parce que la modération a un coût et qu'ils préfèrent gérer ces problèmes avec l'intelligence artificielle", regrette Cathy La Torre.

La tendance s’est confirmée début 2025, lorsque Mark Zuckerberg a annoncé la suppression progressive des vérificateurs de faits américains.

Contactée par Euronews Next à ce sujet, Meta n’a pas répondu.

Les institutions également en cause

Pour les experts, Meta n’est pas seul responsable : les institutions internationales et le système politique italien ont également leur part de responsabilité.

"Les régulateurs doivent appliquer la loi sur les services numériques (DSA) et les cadres similaires en renforçant la surveillance, les sanctions et les exigences de transparence", souligne Silvia Semenzin.

La loi sur les services numériques (DSA) de l'Union européenne établit des règles pour protéger les droits des consommateurs en ligne. Le règlement, qui est entré en vigueur en 2024, a été salué par les experts comme une étape cruciale, mais reste à consolider.

L’Italie, de son côté, accuse un retard dans l’élaboration de lois spécifiques.

"Si les législateurs adoptent des lois, les plateformes doivent s'y conformer. Mais en Italie, nous n'élaborons pas ces lois parce que les membres du parlement et du gouvernement n'ont aucune connaissance du cyberespace", tranche Cathy La Torre.

Ce manque d'expertise se reflète également dans la population en général : en 2023, seuls 45,8 % des Italiens possédaient des compétences numériques de base, contre 55,6 % en moyenne dans l’UE, selon la Commission européenne.

D’autres pays, comme l’Allemagne, ont adopté des mesures plus fermes. Berlin a instauré dès 2017 une loi obligeant les plateformes à supprimer rapidement les discours de haine.

Rome ne semble pas aussi affirmé. Néanmoins, l'autorité italienne de la concurrence (AGCOM) n'a pas hésité à infliger des amendes à Meta pour des pratiques liées aux données personnelles et à la concurrence déloyale, mais sans s’attaquer directement à la violence sexiste en ligne.

Dans le sillage de l’affaire "Mia Moglie", un autre espace en ligne a fait scandale : le forum "Phica.eu", créé en 2005. Il rassemblait des milliers d’abonnés partageant des photos intimes et des deepfakes. Après des années de pétitions et de plaintes, il a finalement été fermé la semaine dernière.