L'Allemagne s'oppose au projet de l'UE visant à lutter contre la diffusion de contenus pédopornographiques

Les pays de l'UE ne sont pas parvenus à s'entendre sur des mesures visant à lutter contre la diffusion de matériel pédopornographique en ligne.
Le "non" de l'Allemagne à la dernière proposition lors d'une discussion entre les États membres mercredi a été décisif pour la retirer de l'ordre du jour de la réunion des ministres de la Justice de l'UE qui se tiendra la semaine prochaine.
En quoi consiste le projet ?
L'un des points les plus controversés - qui oblige les services de messagerie tels que WhatsApp, Telegram et Signal à analyser les messages et à vérifier la présence d'images, de vidéos et de liens susceptibles de contenir des contenus pédopornographiques - reste le principal point d'achoppement.
En 2022, la Commission européenne a présenté son plan - baptisé CSAM - pour lutter contre la diffusion en ligne de contenus pédopornographiques. Les données de l'exécutif suggèrent que pour la seule année 2023, 1,3 million de cas d'abus sexuels sur des enfants ont été signalés dans l'UE, dont plus de 3,4 millions d'images et de vidéos.
Selon Bruxelles, les méthodes de détection volontaire des entreprises numériques ne sont pas suffisantes et, en outre, les fournisseurs de services sont soumis à des règles différentes d'un pays à l'autre.
Le Parlement européen a déjà voté en faveur de changements majeurs qui réduiraient les parties les plus ambitieuses du projet. Fin 2023, la commission des Libertés civiles a adopté une position qui rejette le balayage généralisé des contenus et cherche explicitement à protéger le chiffrement des messages de bout en bout.
Du côté des États membres, les gouvernements ont eux aussi exprimé des inquiétudes quant à la protection des droits fondamentaux, de la vie privée et de la cybersécurité.
Scanner les messages cryptés de bout en bout
Le texte actuellement sur la table des négociations autoriserait l'analyse des messages texte pour vérifier s'ils diffusent des contenus pédopornographiques, par l'intermédiaire de services de messages cryptés de bout en bout.
Les pays favorables au projet actuel sont la Bulgarie, le Danemark, la France, la Hongrie et l'Irlande. En revanche, l'Autriche, la Finlande, la Pologne, l'Allemagne et les Pays-Bas figurent parmi les opposants.
Dans une déclaration faite mercredi, la ministre allemande de la Justice et de la Protection des consommateurs, Stefanie Hubig, a affirmé que le contrôle des chats "doit être un tabou dans un État de droit".
"Les communications privées ne doivent jamais faire l'objet d'une suspicion générale", a-t-elle déclaré, ajoutant que "l'État ne doit pas non plus obliger les messagers à analyser en masse les messages pour y déceler des contenus suspects avant de les envoyer".
Dans une lettre adressée au Parlement fin septembre, le gouvernement néerlandais avait également déclaré que la proposition actuelle ne répondait pas à ses préoccupations concernant la protection des droits fondamentaux en jeu, "en particulier dans les domaines de la vie privée et de la confidentialité de la correspondance et des télécommunications, ainsi que de la sécurité du domaine numérique".
Des logiciels espions "sur des millions d'appareils"
Les groupes de défense de la vie privée ont déjà mis en garde contre ces mesures, notamment European Digital Rights (EDRI), qui a déclaré que cette mesure impliquerait de "déployer des logiciels espions personnalisés sur des millions d'appareils".
Le Danemark, qui préside jusqu'à la fin de l'année les réunions tournantes des ministres de l'UE, pourrait désormais présenter une proposition révisée.
En l'absence d'accord, des règles temporaires issues de la directive "vie privée et communications électroniques" resteront en place.
Celles-ci permettent aux fournisseurs de services de messagerie en ligne d'utiliser volontairement des technologies spécifiques pour détecter et supprimer les contenus illicites. Les eurodéputés et les gouvernements de l'UE ont accepté l'année dernière de prolonger ces mesures jusqu'au 3 avril 2026.