"Il faut juste persévérer" : les travailleurs de la santé en Ukraine face aux coupures d'électricité après les attaques russes

"Il y avait des bombardements à l'extérieur. Nous avons entendu les bruits et toutes nos fenêtres ont été brisées, mais nous ne pouvons pas arrêter le processus. Nous devons simplement continuer", a déclaré le Dr Yevheniia Poliakova.

Il était "impossible de compter" les coupures de courant à la maternité de Zaporijjia, dans le sud-est de l'Ukraine, où elle travaille comme obstétricienne, à la suite des attaques russes, a-t-elle ajouté.

Malgré ces conditions difficiles, elle et son personnel doivent continuer à aider les femmes à accoucher.

"Cela arrive tous les jours. C'est très effrayant. Et je pense que notre instinct de base nous pousse à nous arrêter, mais il faut se forcer à continuer le processus, à calmer les femmes et à faire ce que l'on peut faire", a déclaré Mme Poliakova à Euronews Health.

L'impact des bombardements russes systématiques sur la santé en Ukraine fait l'objet d'un nouveau rapport de l'ONG américaine Physicians for Human Rights et de l'association ukrainienne Truth Hounds, spécialisée dans les enquêtes sur les violations des droits de l'homme.

Au cours de leur évaluation, les chercheurs ont interrogé plus de 2 200 professionnels de la santé en Ukraine et plus de neuf sur dix ont déclaré avoir subi une coupure d'électricité due à une attaque.

"Plus d'un quart d'entre eux ont déclaré que cela se produisait quotidiennement", a déclaré à Euronews Health Ouliana Poltavets, coordinatrice de la réponse d'urgence en Ukraine pour l'organisation Physicians for Humans Rights (Médecins pour les droits de l'homme).

"Les opérations chirurgicales interrompues ou retardées, les travailleurs de la santé contraints d'opérer dans l'obscurité, éclairés par une lampe de poche ou une lampe frontale, et les défaillances des systèmes de survie" sont quelques-uns des exemples donnés par Mme Poltavets sur la façon dont les pannes ont perturbé la fourniture de soins de santé.

Le rapport constate que les bombardements et les attaques ont entraîné des dommages sanitaires à court et à long terme et que "ces dommages peuvent être considérés comme des violations du droit international".

Impact sur les soins aux patients

Selon les chiffres du rapport, 36 atteintes permanentes à la santé et 20 décès ont été enregistrés.

Bien que ce ne soit "pas un chiffre élevé, ce sont 20 rapports de décès de trop. Chacun d'entre eux devrait donc faire l'objet d'une enquête", a déclaré Mme Poltavets.

En vertu du droit humanitaire international, et notamment de la Convention de Genève, les établissements de santé sont protégés contre les attaques, y compris celles qui entravent leur fonctionnement.

Au total, plus de 1 500 attaques contre le système de santé ukrainien ont été recensées depuis le début de l'invasion en février 2022, selon les données les plus récentes.

Les établissements de santé ont été des cibles directes dès le début du conflit. Par exemple, une maternité de la ville de Mariupol a été bombardée en mars 2022, faisant trois morts et 17 blessés.

"Il existe également des motifs raisonnables de croire que les attaques russes contre les infrastructures énergétiques peuvent être qualifiées de disproportionnées", a déclaré Poltavets.

"Ces attaques portent atteinte aux soins de santé et sont donc susceptibles d'enfreindre le principe de précaution, qui est un principe fondamental du droit international", a-t-elle ajouté, faisant écho aux conclusions du rapport.

Un lourd tribut pour les travailleurs de la santé

Plus de huit professionnels de la santé sur dix ont fait état d'une augmentation du stress et d'un épuisement professionnel. Un médecin a également raconté dans le rapport des ONG avoir assisté à la mort d'un collègue après une frappe sur l'hôpital Okhmatdyt de Kyiv, le 8 juin 2024.

Le rapport indique également qu'un travailleur sur cinq a déclaré avoir subi des "attaques directes contre son établissement de santé".

"L'électricité est l'élément vital du secteur de la santé, car elle alimente les appareils qui sauvent des vies et permet d'assurer les services médicaux de base", indique le rapport. Mme Poltavets et Mme Poliakova s'accordent à dire que les générateurs et les sources d'énergie de secours sont les ressources les plus nécessaires.

Bien que les travailleurs de la santé aient accès à des sources d'énergie de secours, quatre sur dix ont déclaré avoir subi des retards allant d'une heure à plusieurs jours.