Sommet en Alaska : pour Trump et Poutine, des objectifs et des critères du succès différents

Alors que le compte à rebours est lancé pour le très attendu tête-à-tête en Alaska entre Donald Trump et Vladimir Poutine, Moscou et Washington ont envoyé des messages contradictoires sur leurs principaux objectifs et attentes pour le sommet.
Le président américain a déclaré qu'il pensait que Vladimir Poutine se rendait à la réunion avec l'intention de conclure un accord pour mettre fin à la guerre de Moscou en Ukraine.
"Je crois qu'il est maintenant convaincu qu'il va conclure un accord. Il va le faire. Je pense qu'il va le faire. Et nous allons le savoir - je vais le savoir très rapidement", a déclaré le 47e président américain lors d'une apparition sur Fox News Radio.
Ce n'est pas la première fois que le locataire de la Maison-Blanche fait une telle déclaration. Il a insisté à plusieurs reprises sur le fait que Poutine voulait mettre fin à son invasion massive de l'Ukraine ou, du moins, qu'il pouvait le convaincre, voire le pousser, à conclure une sorte d'accord.
Ces déclarations ne se sont pas concrétisées, du moins jusqu'à présent. Chaque fois que Trump a évoqué un éventuel cessez-le-feu, la Russie a poursuivi, voire intensifié, ses assauts sur la ligne de front et ses attaques aériennes contre l'Ukraine.
La rhétorique du président américain a changé ces derniers jours, devenant un peu moins convaincante - et beaucoup moins optimiste.
En début de semaine, les responsables de la Maison-Blanche ont même qualifié la réunion en Alaska d'"exercice en écoute".
Ces derniers jours, le président américain lui-même a minimisé l'importance de la rencontre, décrivant le sommet de vendredi comme "préparant la table pour la deuxième rencontre", qui aurait lieu entre Zelensky et Poutine en présence de Trump et éventuellement de dirigeants européens.
"Nous aurons la deuxième réunion si la première se passe bien", a déclaré Donald Trump, ajoutant qu'il préférerait que la deuxième réunion, entre Poutine et Zelensky, ait lieu "presque immédiatement" après sa rencontre de ce vendredi.
Lorsqu'on lui a demandé s'il pensait pouvoir convaincre M. Poutine d'arrêter de cibler les civils en Ukraine, M. Trump a répondu : "Je suppose que la réponse à cette question est non, parce que j'ai eu cette conversation (avec Poutine)".
Pourtant, Trump continue de croire qu'un accord sera signé en Alaska.
Que veut Moscou ?
Mais pour Moscou, l'ordre du jour semble différent.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a déclaré qu'aucun document ne devrait être signé lors du sommet en Alaska.
Bien que Peskov ait déclaré que ce serait une "erreur" de prédire le résultat des discussions de vendredi, il a souligné qu'il n'était pas prévu que le président russe Vladimir Poutine et le président américain Donald Trump formalisent un quelconque accord.
"Le président Poutine et le président Trump sont prêts à discuter et aborderont les questions les plus difficiles", a-t-il ajouté.
L'assistant de Poutine, Iouri Ouchakov, qui fait partie de la délégation russe à la réunion de vendredi, a déclaré que le sujet central du sommet de l'Alaska est le "règlement" de la guerre de la Russie en Ukraine, bien que la coopération économique et la sécurité mondiale soient également discutées.
Vladimir Poutine lui-même a tenu une réunion spéciale jeudi matin avec les autorités russes, déclarant que l'administration américaine "fait des efforts suffisamment énergiques et sincères pour mettre fin aux hostilités, résoudre la crise et parvenir à des accords qui sont dans l'intérêt de toutes les parties impliquées dans ce conflit".
Rappelant que l'objectif principal du Kremlin est de relancer, voire de normaliser les relations de la Russie avec les États-Unis - qui, pour le Kremlin, n'ont rien à voir avec l'Ukraine, - Poutine a déclaré que la réunion était importante "afin de créer des conditions à long terme pour la paix entre nos pays, en Europe et dans le monde entier".
Le président russe n'a mentionné aucune mesure visant à mettre fin à sa guerre contre l'Ukraine et s'est plutôt concentré sur les contacts entre Moscou et Washington, dans le but de positionner la réunion de vendredi comme un sommet des superpuissances mondiales.
L'Institut pour l'étude de la guerre, basé aux États-Unis, estime que le Kremlin utilise le sommet de l'Alaska pour présenter la Russie comme une puissance mondiale égale aux États-Unis et pour positionner Poutine comme un égal de Trump.
Mercredi, le principal négociateur russe et PDG du Fonds russe d'investissement direct Kirill Dmitriev a fait allusion à la conférence de Yalta de 1945 entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Union soviétique, affirmant que la conférence de Yalta avait "gagné la Seconde Guerre mondiale" et que Poutine et Trump allaient, de la même manière, "empêcher la Troisième Guerre mondiale".
Sergueï Aksionov, le chef de la région annexée de Crimée, installé par Moscou, a déclaré que Donald Trump devrait se rendre dans la région afin d'accepter une "nouvelle paix de Yalta" (en l’occurrence, cette ville est située en Crimée annexée - NDLR).
Les médias contrôlés par l'État russe ont également poussé la comparaison avec le sommet de Yalta, affirmant que "des personnes qui ont une réelle influence sur les processus mondiaux" seraient à la table en Alaska.
Donald Trump a rejeté les allégations selon lesquelles une rencontre en tête-à-tête avec le président américain pourrait être perçue comme une récompense pour Vladimir Poutine.
Mais même si la rencontre ne se passe pas bien et qu'il n'y a pas de second sommet avec les dirigeants ukrainiens et européens, Poutine sera déjà sorti de son isolement diplomatique pour la première fois depuis le début de son invasion massive de l'Ukraine - et le fait qu'il soit invité sur le sol américain et pas dans un pays tiers comme la Turquie ou les Émirats Arabes Unis, ne fait que le confirmer.
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