Prisonniers bélarusses libérés : un célèbre opposant a refusé l'exil forcé

Dans le cadre d'un accord négocié par les États-Unis, qui ont levé certaines sanctions à l'encontre de la compagnie aérienne nationale bélarusse Belavia, Minsk a libéré 52 prisonniers jeudi dernier. Parmi eux, 14 ressortissants étrangers, originaires de Pologne, de Lituanie, de Lettonie, d'Allemagne, de France et du Royaume-Uni.
Les prisonniers bélarusses libérés – parmi lesquels des opposants politiques, des journalistes et des syndicalistes indépendants – ont été accueillis dans des centres d’hébergement de la capitale lituanienne à leur arrivée. Beaucoup d'entre eux sont maintenant hébergés chez des proches, a déclaré à Euronews un militant bélarusse exilé en Lituanie.
Mais Mikolaï Statkevitch, la figure de l’opposition la plus en vue parmi les prisonniers libérés, manque à l'appel.
Alors que le bus transportant le groupe du Bélarus vers la Lituanie entrait dans la zone tampon entre les deux pays, le dissident de 69 ans aurait appuyé sur un bouton d'arrêt d'urgence et quitté le bus, refusant d'être contraint à l'exil de son pays natal.
Il a été identifié, vêtu de son uniforme de prisonnier, se trouvant dans la "zone neutre" entre les deux postes-frontières, sur une image de vidéosurveillance publiée par le journal d'opposition bélarusse Nasha Niva.
Quelques heures plus tard, il est retourné au Bélarus accompagné de soldats, mais marchant seul et sans entraves, selon le service national des gardes-frontières de Lituanie.
Le ministère lituanien des Affaires étrangères a également confirmé que Statkevich avait choisi de rester au Bélarus.
"Je peux confirmer qu'il y a une personne qui a souhaité rester. Elle se trouve actuellement sur le territoire du Bélarus, et non sur le sol lituanien", a confirmé un porte-parole du ministre, Kęstutis Budrys, à l'agence de presse ELTA.
Denis Koutchynski, conseiller de la cheffe de l'opposition bélarusse Svetlana Tikhanovskaïa, a également confirmé au média russe indépendant Dojd qu'il s'agissait bien de Mikolaï Statkevitch.
L'épouse de l'opposant, Marina, s'est refusée à tout commentaire, mais a indiqué à des proches contactés par Euronews que son mari n'était pas rentré chez lui et qu'il n'y avait aucune information sur l'endroit où il se trouvait.
Président du Parti social-démocrate bélarusse Narodnaïa Gramada, Statkevitch s'est présenté à l’élection présidentielle de 2010 contre le président Alexandre Loukachenko.
Il a été arrêté et relâché à plusieurs reprises dans les années qui ont suivi, avant d'être inculpé pour "organisation d'émeutes de masse" et condamné à une peine de 14 ans de prison en 2021.
Le combat constant de Mikalaï Statkevich pour la liberté et la démocratie lui a valu une popularité durable auprès d'une partie de la société bélarusse. Ancien lieutenant-colonel de l'armée, il bénéficierait également d'un soutien dans les rangs militaires.
"Il représente une autorité morale pour de nombreux Bélarusses et pourrait jouer un rôle décisif à l'avenir", a confié à Euronews un dissident bélarusse en exil à Vilnius.
Euronews avait rencontré le dissident et sa femme dans leur maison à Minsk en 2018, quelques jours seulement avant d'assister à l'une de ses nombreuses arrestations. À l'époque, Mikalaï Statkevich avait déjà passé un total de 8 ans en prison, mais se disait résolu à poursuivre son combat politique contre le régime de Loukachenko.
"Ce n'est pas un pays libre. Les gens n'ont aucune influence sur le pouvoir. Il y a encore des prisonniers politiques et ils sont torturés. Ce pays étouffe les gens, il est difficile d'y respirer. La peur règne ici en permanence", nous avait-il déclaré à l'époque.
Et de conclure :
Sous l'égide de la dirigeante de l'opposition en exil Svetlana Tikhanovskaïa, une conférence de presse avec les prisonniers libérés s'est tenue ce vendredi 12 septembre à Vilnius. Le secrétaire général du parti Narodnaïa Gramada, Sergueï Sparych, a déclaré avoir brièvement rencontré Mikolaï Statkevitch peu avant leur libération dans la prison où ils étaient détenus.
Il a décrit Statkevich comme étant "dans une excellente forme morale" et inspiré par les Bélarusses, malgré deux ans et sept mois passes à l'isolement, et un mauvais état de santé.
"Il ne peut pas y avoir de nation sans leader présent sur son propre territoire. Nelson Mandela n’aurait pas pu être le dirigeant du peuple sud-africain s’il avait été en exil. C'est pourquoi Nikolaï Statkevich est resté au Bélarus", a déclaré Sparych.
De son côté, Svetlana Tikhanovskaïa a appelé l'administration américaine à clarifier la situation de Statkevich. "Nous sommes heureux de voir des gens libres. Mais soyons honnêtes : ce qui s'est passé hier n'était pas une vraie liberté, c'était une déportation forcée", a-t-elle déclaré à l'ouverture de la conférence de presse.
"Nous sommes très inquiets du sort de Mikalaï Statkevich, qui a refusé de quitter le Bélarus - ce qui était son droit - et dont on ne sait rien aujourd'hui", a-t-elle dit, ajoutant que "toute personne libérée doit avoir le droit de choisir de rester ou de partir".
À l'heure où nous écrivons ces lignes, de nombreux autres militants politiques et défenseurs des droits de l'homme sont toujours détenus dans les prisons bélarusses. "Le président Trump a fixé l'objectif : la totalité des 1 300 prisonniers doivent être libérés. Nous continuerons à travailler avec l'administration américaine et nos alliés en Europe pour nous assurer que les libérations se poursuivent", a conclu Tikhanovskaïa.
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