France : des mairies font flotter le drapeau palestinien, avant la reconnaissance officielle

Alors que le président français Emmanuel Macron doit officiellement reconnaître un État palestinien lundi soir devant l'Assemblée générale des Nations unies, au moins 52 mairies françaises ont pris les devants, malgré la consigne d'interdiction donnée par le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, au nom des principes de neutralité du service public.
"Ce soir, le président de la République annoncera à l’ONU la reconnaissance de l’Etat de Palestine. Nantes accompagne cette décision historique de la République française en hissant, pour la journée, le drapeau palestinien", a déclaré lundi matin la maire socialiste de Nantes, Johanna Rolland.
"Loin des instrumentalisations, loin des propos outranciers, notre responsabilité est de refuser le silence et de faire tout ce qui est en notre pouvoir, ici et maintenant, pour que cesse l’horreur", estime quant à elle la maire de Rennes, Nathalie Appéré.
En l'honneur "d'une date historique", le conseiller régional d'Île-de-France Yannick Trigance, a également fait hisser le drapeau palestinien sur le fronton de l'Hôtel de Ville de Saint-Denis, en présence du premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure.
"Il ne s'agit pas d'un acte militant de longue durée", affirme le maire socialiste de la commune", Mathieu Hanotin. "Nous avons fait le choix de le faire sur un moment, c'est le temps de la reconnaissance de l'État de Palestine".
"Un geste de paix et de justice"
La mairie écologiste de Lyon - qui affichait depuis le début de l'été une banderole sur les grilles de l'Hôtel de Ville appelant à un cessez-le-feu et à la reconnaissance de l'État de Palestine - s'est également jointe au mouvement,
"C’est un geste de paix et de justice, qui s’inscrit dans la tradition lyonnaise : une ville attachée à l’humanisme, au droit, à l’autodétermination des peuples, à la lutte contre toutes les formes de haine, et qui refuse la confusion et les amalgames", a indiqué le maire de la Cité des Gaules, Grégory Doucet.
Dénonçant une situation "terrible" dans les territoires palestiniens, l'édile affirme toutefois "que cette reconnaissance n’est pas un aboutissement", mais qu'elle "doit ouvrir la voie à la paix, à la justice et à la sécurité pour tous".
Plusieurs villes françaises, comme Saint-Ouen, ont choisi de hisser à la fois les drapeaux palestinien et israélien. Ces derniers ont également été projetés ensemble dimanche soir sur la tour Eiffel, avec le drapeau de la Paix.
Mettant en garde contre "les risques d'importation sur le territoire national d'un conflit international en cours" et "les troubles graves à l'ordre public identifiés localement", Bruno Retailleau avait précédemment exhorté les préfets à faire respecter un "principe de neutralité des services publics" dans leur commune.
Le secrétaire général du ministère de l’Intérieur, Hugues Moutouh, avait précisé samedi que "l'État non seulement ne demande pas le pavoisement, mais demande le non-pavoisement".
L'extrême droite dénonce "une faute extrêmement grave"
La reconnaissance d'un État palestinien vient cristalliser les profondes divisions que la guerre à Gaza engendre depuis bientôt deux ans au sein de la classe politique française.
Pour le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, l'initiative d'Emmanuel Macron est "une faute, alors que le Hamas détient toujours des otages israéliens".
"Elle revient à récompenser les atrocités commises le 7 octobre, lors de l’attentat le plus meurtrier jamais connu par l’État d’Israël", estime-t-il. "Jamais une solution à deux États, qui doit rester un horizon, ne sera possible tant que les barbares du Hamas ne seront pas réduits à néant".
La cheffe de file des députés RN, Marine Le Pen, affirme quant à elle qu'Emmanuel Macron reconnaît aujourd'hui "le Hamastan", et "pas la Palestine".
"C'est une faute extrêmement grave, notamment à l'égard des nations qui luttent contre le terrorisme islamiste", déclare-t-elle dans un message sur X.
Il convient de rappeler qu'Emmanuel Macron a lui-même déclaré, lors d'un récent entretien pour la chaîne américaine CBS, que la libération des otages était une "condition" à l'ouverture d'une ambassade dans un État palestinien.
Dans sa lettre adressée en juillet dernier au chef de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, le chef de l'État avait également appelé à "un cessez-le-feu, à la libération de tous les otages et à une aide humanitaire massive à la population de Gaza".
"Il faut aussi garantir la démilitarisation du Hamas, sécuriser et reconstruire Gaza. Il faut enfin bâtir l’État de Palestine, assurer sa viabilité et permettre qu’en acceptant sa démilitarisation et en reconnaissant pleinement Israël, il participe à la sécurité de tous au Proche-Orient", ajoutait le communiqué.
Soutien de la gauche
La reconnaissance d'un État palestinien a en revanche a été accueillie avec enthousiasme par toutes les composantes de la gauche, même si des nuances existent.
Outre le PS, à l'initiative du pavoisement des mairies avec le drapeau palestinien, le PCF et les Écologistes, Raphaël Glucksmann (Place publique) a salué la décision présidentielle, affirmant qu'"aujourd'hui, à la tribune de l'ONU, la France est du côté du droit, tout en précisant que "l'acte d'aujourd'hui ne changera pas la donne sur le terrain".
La France Insoumise (LFI) appelle à davantage de pression sur le gouvernement israélien.
Le coordinateur national de la formation de gauche radicale et député de Marseille, Manuel Bombard, estime que la cité phocéenne "doit agir contre le génocide à Gaza en stoppant l’accord de coopération avec Jérusalem et le jumelage avec Haïfa".
Quant à la présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale, Mathilde Panot, elle a repris la publication de Marine Le Pen sur X, l'accusant de soutenir "des génocidaires".
Le discours de Macron attendu lundi soir au siège des Nations unies
Le président de la République s'exprimera lundi soir à 21 heures devant l'Assemblée générale des Nations unies pour reconnaître officiellement l'État de Palestine, comme il s'y était engagé en juillet.
La Belgique, Andorre, le Luxembourg, Malte et Saint-Marin le reconnaîtront également ce lundi, tandis que le Portugal, le Royaume-Uni, l'Australie et le Canada l'ont fait hier.
Sur les 193 membres de l'ONU, une quarantaine seulement ne reconnaissent pas l'État palestinien. C'est notamment le cas des États-Unis, du Japon, de la Corée du Sud, du Cameroun, du Panama ou de la plupart des pays d'Océanie.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, a fustigé les nouvelles reconnaissances et assuré que son gouvernement continuera à chercher "la paix par la force".
"J'ai un message clair pour les dirigeants qui reconnaissent un État palestinien. [...] Vous offrez une récompense énorme au terrorisme", a-t-il déclaré. "J'ai un autre message pour vous : cela n'arrivera pas. Aucun État Palestinien ne verra le jour à l'ouest du Jourdain".
Alors que l'armée israélienne durcit son offensive étendue dans la ville de Gaza, le Hamas - dont les chiffres sont jugés fiables par l'ONU mais ne font pas de distinction entre civils et combattants - fait état de plus de 65 000 morts dans l'enclave palestinienne depuis le début du conflit, déclenché par les massacres du 7-Octobre en Israël.
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