Panthéonisation de Robert Badinter : "Chaque jour devant nous doit être un 9 octobre", assure Macron

Vingt mois après son décès, Robert Badinter, artisan de l’abolition de la peine de mort en France, a fait, ce jeudi 9 octobre, son entrée au Panthéon. La cérémonie solennelle, présidée par Emmanuel Macron, a été une parenthèse pour le chef d'État, en pleine crise politique après la démission de son Premier ministre, Sébastien Lecornu, et la difficulté de former un gouvernement qui puisse durer dans le temps.
"Pour Robert Badinter, chaque jour devant nous doit être un 9 octobre", date de la loi de 1981 portant l'abolition de la peine de mort, a déclaré le chef de l'État sous la nef du Panthéon. "Il entre au Panthéon et nous entendons sa voix qui plaide ses grands combats essentiels et inachevés : l'abolition universelle de la peine de mort, la lutte contre le poison antisémite et ses prêcheurs de haine, la lutte pour la défense de l'État de droit", a-t-il ajouté.
Durant cette cérémonie, son discours a résonné. Celui qu'il prononça à l'Assemblée nationale, le 17 septembre 1981, pour obtenir l'abolition de la peine de mort en France. "Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue", assurait-il.
Plusieurs temps forts ont rythmé cette soirée. Julien Clerc a interprété la chanson L'assassin assassiné. Puis, Guillaume Galienne a lu un texte de Victor Hugo, précurseur dans la lutte contre la peine de mort. Un texte qui a été sélectionné par la philosophe Élisabeth Badinter, veuve de l'ancien garde des Sceaux.
Robert Badinter repose désormais symboliquement au Panthéon. Si son corps est toujours au cimetière de Bagneux, volonté de sa femme pour ne pas qu'ils soient séparés, plusieurs objets iconiques ont été déposés dans le cénotaphe : sa robe d'avocat, une copie de son discours sur l'abolition de la peine de mort et trois livres, dont un de Victor Hugo. Au sein du caveau VII, celui "des révolutionnaires de 1789", dont Condorcet, l'abbé Grégoire et Gaspard Monge.
L'hommage autour de cette panthéonisation prévue de longue date, la cinquième du mandat d'Emmanuel Macron, a débuté mercredi soir, avec une veillée funèbre au Conseil constitutionnel qu'il présida de 1986 à 1995.
Sa tombe dégradée
Mais quelques heures avant la cérémonie, la tombe de l'ancien ministre de la Justice a été vandalisée, ont indiqué les autorités. La phrase "Éternelle est leur reconnaissance, les assassins, les pédos, les violeurs, la République le [Robert Badinter, NDLR] sanctifient", a été taguée à la peinture bleue sur sa pierre tombale.
Rapidement, l'inscription a été nettoyée par les services de la ville de Paris et une enquête a été ouverte du chef de profanation de sépulture, a indiqué le parquet de Nanterre dans un communiqué.
Outre son combat contre la peine de mort, Robert Badinter a milité contre l'antisémitisme et le négationnisme. Sous sa direction, la France a aussi dépénalisé l'homosexualité.
"Honte à ceux qui ont voulu salir sa mémoire", a écrit Emmanuel Macron, sur X. "Ce soir, il entrera au Panthéon, la demeure éternelle de la conscience et de la justice. La République est toujours plus forte que la haine", a-t-il ajouté.
"Les inscriptions retrouvées par la police mettent en accusation ses engagements contre la peine de mort et pour la dépénalisation de l’homosexualité", a déclaré Marie-Hélène Amiable, la maire de Bagneux (Hauts-de-Seine), où Robert Badinter est enterré. "Elles sont indignes de cet ancien ministre et sénateur, porteur des avancées historiques qui ont permis d’abolir la peine de mort en France, en 1981 et de dépénaliser l’homosexualité en 1982", a-t-elle écrit dans un message posté sur X.
"Ignoble agression"
Ce jeudi, la classe politique a condamné cette dégradation.
"Honte aux profanateurs comme à tous ceux qui se réjouissent de cet acte. Ils apprendront que les idées ne meurent pas et que leur lâcheté n’intimidera aucun de ceux qui entendent prolonger l’œuvre humaniste de Robert Badinter", a écrit Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti socialiste.
"Ignoble agression d'extrême droite contre la tombe de Robert Badinter. Ça suffit. La France, c'est Robert Badinter. La République doit châtier sans hésiter ceux qui la provoquent", a, de son côté, assuré Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumise.
"Il faut à la fois n'avoir aucune dignité et être d'une rare stupidité pour oser profaner la tombe de Robert Badinter, aujourd'hui comme tous les autres jours", a déclaré Marine Tondelier, secrétaire nationale des écologistes. "Les “messages” inscrits sur la tombe laissent peu de doutes sur l'obédience politique de l'auteur de cet acte révoltant, et prouvent si cela était nécessaire que la bataille contre l'obscurantisme n'est jamais gagnée et que nous devons poursuivre les combats de Robert Badinter", a-t-elle ajouté.
À droite, Jordan Bardella, président du Rassemblement national, a dénoncé "la profanation de la tombe de Robert Badinter, le jour même de sa panthéonisation" qui est "une ignominie qui doit être fermement condamnée et sanctionnée".
Une boussole morale
Avocat et penseur de renom, Robert Badinter était surtout connu pour son combat acharné contre la peine de mort. Il avait raconté avoir vu l’un de ses propres clients être décapité par la guillotine, utilisée en France jusque dans les années 1970.
En tant que ministre de la Justice sous le président François Mitterrand, il a surmonté l’opposition de l’opinion publique et obtenu le soutien du Parlement pour abolir la peine capitale, en 1981.
Né à Paris en 1928 dans une famille juive, Robert Badinter a été témoin des horreurs nazies et de la collaboration française pendant la Seconde Guerre mondiale et a perdu son père dans le camp d’extermination de Sobibor. En tant qu’avocat, il a ensuite poursuivi en justice un célèbre négationniste.
Robert Badinter a ensuite présidé le Conseil constitutionnel, a été sénateur pendant 16 ans et a été considéré comme une boussole morale par de nombreux Français pour sa défense des droits humains.
Situé au cœur de Paris, le Panthéon est connu comme le "temple des grands hommes et des grandes femmes de la nation". Robert Badinter y rejoindra d'autres grandes figures françaises honorées sur ce site, telles que le philosophe Voltaire, la scientifique Marie Curie, l’écrivain Victor Hugo et le héros de la Résistance Jean Moulin.
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