Scandale Shein : le gouvernement français "engage la procédure de suspension" de la plateforme
Une journée d'ouverture agitée pour Shein au Bazar de l’Hôtel de Ville (BHV) de Paris. Le gouvernement français a annoncé en début d'après-midi "engager la procédure de suspension" contre le géant chinois de la fast-fashion "sur instruction du Premier ministre".
Selon le communiqué du ministère de l'Économie et des Finances transmis aux médias, dont Euronews, la procédure durera "le temps nécessaire pour que la plateforme démontre aux pouvoirs publics que l’ensemble de ses contenus soient enfin en conformité avec nos lois et règlements".
"Un premier point d’étape devra être fait par les ministres dans les 48 prochaines heures", a ajouté Bercy.
Cette annonce survient alors que Shein a ouvert ce mercredi à 13 heures au BHV son tout premier magasin physique au monde, malgré les protestations de la mairie de Paris, du gouvernement français, des syndicats de travailleurs ainsi qu'une pétition en ligne signée par plus de 110 000 personnes.
Le groupe chinois fait face à un scandale retentissant lié à la vente de poupées pédopornographiques sur son site Internet, qui fait l’objet d’une enquête par le parquet de Paris.
Les Galeries Lafayette se désolidarisent
La Société des Grands Magasins (SGM), qui gère le BHV, indique que l’ouverture du premier magasin Shein, d’une superficie de plus de 1 000 m², constitue la première étape d'une implantation physique plus importante de Shein en France.
D’autres espaces de ventes devraient en effet ouvrir leurs portes prochainement aux Galeries Lafayette de Dijon, Reims, Grenoble, Angers et Limoges, également détenus par la SGM.
Refusant d’associer son nom au géant chinois de la mode, le groupe Galeries Lafayette a annoncé mardi la fin de son partenariat avec la SGM pour sept complexes commerciaux en France.
Dans un communiqué commun, les deux groupes disent s'être "mis d'accord pour mettre fin aux contrats d'affiliation qui les liaient depuis 2021 pour les sept magasins détenus et exploités sous enseigne Galeries Lafayette par le groupe SGM" à Angers, Dijon, Grenoble, Le Mans, Limoges, Orléans et Reims.
Cette décision, qui devrait entrer en vigueur dans les prochaines semaines, "entraînera le retrait de l'enseigne Galeries Lafayette et permettra au groupe SGM d'exploiter ces magasins sous une nouvelle identité, qui sera dévoilée prochainement".
La direction des Galeries Lafayette avait précédemment exprimé sa vive opposition au "positionnement" et aux "pratiques" de Shein, qu’elle considère "en contradiction avec [son] offre et [ses] valeurs".
Basé à Singapour, Shein a été épinglé à plusieurs reprises pour les conditions de travail qu’il impose à ses employés ainsi que pour l'importante empreinte carbone de ses usines de fabrication.
"Je suis archi-contre" : Agnès b. retire son stand du BHV
Une dizaine d’enseignes ont également décidé de quitter le BHV pour protester contre l’installation du magasin Shein.
Parmi elles, la célèbre créatrice de mode Agnès b. - de son vrai nom Agnès Troublé - qui a annoncé qu’elle retirait son stand homme au BHV, déplorant une décision "contraire à l'éthique de la maison".
"Je suis archi-contre cette fast-fashion qui est pire que tout. Il y a des emplois qui sont menacés, c'est très mauvais", estime la créatrice. "Moi, j'aime les vêtements qui sont de bonne qualité, avec des bonnes matières. On achète ça et on est tranquille pour très longtemps. C'est le contraire de Shein".
"La maison agnès b. a le regret d’annoncer son départ du BHV. La fermeture du point de vente interviendra dans les prochaines semaines. Fidèle à ses valeurs et à ses engagements en faveur d’une mode honnête et durable, respectueuse des personnes et de la planète, agnès b. déplore l’implantation de la marque SHEIN au sein d’un réseau de distribution français", indique le communiqué de la marque.
La créatrice refuse par ailleurs d’être "associée" au scandale des poupées pédopornographiques, une histoire qu'elle qualifie de "révulsante, absolument dramatique".
L'entreprise chinoise sommée de s'expliquer sur la vente de poupées pédopornographiques
Les dirigeants de Shein seront convoqués le 18 novembre par la mission parlementaire d'information, après que la vente de poupées sexuelles à l’apparence de jeunes filles a été signalée sur la plateforme de vente en ligne de la société.
Le député de la Loire et vice-président des Républicains, Antoine Vermorel-Marques, somme notamment les dirigeants de s’expliquer sur les "bénéfices qu'ils se sont faits avec ces poupées pédopornographiques".
Il souhaite aussi leur demander "s'ils sont capables de sortir la liste exhaustive de tous les clients qui ont acheté ces poupées et la transmettre sans délai à la justice" et d’expliquer "les processus qu'ils ont mis en place pour que ça ne se reproduise plus".
Dénonçant un "scandale d'État", le député affirme que "n'importe quel commerce qui vendrait des poupées pédopornographiques se verrait fermer dans la minute par un arrêté préfectoral".
"Et là, parce que c'est une plateforme en ligne, parce qu'elle se cache derrière la notion de marketplace en disant 'je ne suis pas responsable de ce que je vends, mais je fais des bénéfices quand même sur ce que je vends' on ne ferme pas la plateforme", déplore-t-il.
Dans le même temps, le parquet de Paris a annoncé lundi avoir reçu "quatre signalements de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), concernant les sites Shein, AliExpress, Temu et Wish".
La DGCCRF dénonce notamment "l’accessibilité de contenus sexuels par des mineurs, ainsi que la mise en vente d’objets sexuels revêtant l'apparence d'enfants, et donc à caractère pédopornographique".
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