Casse du Louvre : le préjudice évalué à 88 millions d'euros "pour le seul volet économique"

Le musée du Louvre a estimé mardi que le préjudice total du récent cambriolage des joyaux de la Galerie d'Apollon est de 88 millions d'euros.
La procureure de Paris, Laure Beccuau a cependant souligné à l'antenne de RTL que même s'il s'agit d'une somme "extrêmement spectaculaire", elle "n'a rien de parallèle et de comparable au préjudice historique causé par ce vol".
Une nouvelle vague de dénonciations est en cours en France pour savoir qui est responsable de l'audacieux vol en plein jour, dimanche dernier.
Le chef de la sécurité du musée le plus visité au monde, Dominique Buffin, est confronté à des appels à la démission alors que la traque se poursuit pour retrouver le gang de quatre voleurs qui a perpétré ce crime sans précédent.
Lors des Questions au gouvernement, la ministre de la culture Rachida Dati a déclaré aux députés que les dispositifs de sécurité du Louvre "n'ont pas été défaillants".
Cependant les personnels du Louvre avaient signalé un manque d'investissement sur sa sécurité. Un rapport qui devrait être publié en novembre par la Cour des comptes révèle que malgré un budget annuel de 323 millions d’euros, "les montants engagés par le Louvre sur la sécurité sont de faible ampleur au regard des besoins estimés".
Les pistes d'investigation
Selon les experts en sécurité, la police envisage trois possibilités principales : un gang chargé d'une mission spéciale, des professionnels qualifiés qui ont exploité les faiblesses du musée ou un État "étranger" cherchant à causer une déstabilisation
Cette dernière explication peut sembler quelque peu farfelue et plus proche d'un film hollywoodien, mais dans les 48 heures qui suivent un tel raid, les experts affirment qu'il est trop tôt pour exclure toute piste d'enquête.
Toutefois, tout le monde s'accorde à dire qu'il est désormais peu probable que les bijoux soient retrouvés intacts.
Christopher A. Marinello, avocat et enquêteur spécialisé dans la récupération d'œuvres d'art, indique que les autorités interrogeront toute personne ayant eu des liens avec des vols de bijoux et des perquisitions similaires dans le passé.
En 2019, CGI, une société israélienne d'enquête privée, a aidé la police allemande à arrêter des criminels qui s'étaient introduits dans la Voûte verte de Dresde, l'un des plus anciens musées du monde, et s'étaient emparés de bijoux royaux sertis de diamants d'une valeur de plusieurs centaines de millions d'euros.
Il semblerait que la même société aide aujourd'hui les détectives français.
Mais l'avocat ne croit pas que ce butin inestimable ait été dérobé pour satisfaire les caprices d'un "mystérieux" personnage extrêmement riche.
"Je n'ai jamais vu d'affaire de vol sur commande. Ils ont choisi ces bijoux parce qu'ils pensaient pouvoir les démonter, enlever les montures, les diamants, les saphirs et les émeraudes et les emmener en Israël, à Anvers, en Inde, trouver un bijoutier véreux prêt à les retailler et personne ne saurait jamais ce qu'ils ont fait".
Car si ces œuvres sont pratiquement impossibles à vendre sur le marché libre, les bijoux volés dimanche sont sertis de plus de 24 saphirs, 38 émeraudes, une centaine de perles et environ 5000 diamants de tailles différentes.
Le musée du Louvre, cambriolé plusieurs fois dans son histoire, n'a pas toujours pu récupérer ses biens comme il l'a fait avec la Joconde volée en 1911. L'épée sertie de diamants de Charles X, dérobée en 1976, aussi dans la galerie d'Apollon, n'a par exemple jamais été retrouvée.
Coûts indirects de la sécurité
D'autres experts en sécurité ont fait remarquer que le Louvre de Paris a souffert de la publicité faite autour de ses infrastructures médiocres, ce qui, combiné à la sécurisation du site et à son accès facile au public, en fait une cible assez facile à atteindre.
Jean-Jacques Richard, consultant en sécurité globale, estime que des mesures supplémentaires auraient pu être prises, mais que la surveillance automatique et manuelle de haute technologie, 24 heures sur 24, nécessite des fonds.
"Il existe des dispositifs de protection du périmètre qui réagissent aux mouvements ou aux vibrations, des vitres renforcées, des patrouilles aléatoires et régulières ainsi que des exercices d'intervention programmée, tout cela peut faire une différence substantielle", explique Jean-Jacques Richard.
"Oui, il y a un prix à payer pour la sécurité, mais l'absence de mesures suffisantes a également un coût lorsque des objets du patrimoine national disparaissent ou, dans le pire des cas, lorsque des vies sont perdues. Dans le cas du Louvre, non seulement des objets inestimables ont disparu, mais l'image même de la France a été ternie", ajoute-t-il.
Et le Louvre n'est pas le seul à être victime de cambriolages. Les vols de musées sont en augmentation en Europe et la France n'est pas épargnée. En septembre, c'est par exemple 6 kg d'or qui ont été dérobés dans le Muséum d'histoire naturelle de Paris. Une ressortissante chinoise de 24 ans a été mise en examen et placée en détention provisoire pour ces faits.
"Une blessure"
Rachida Dati a toutefois admis, s'adressant à la représentation nationale, qu'il s'agissait d'un coup dur pour la nation.
Ce vol est "une blessure pour nous tous", a-t-elle déclaré à l'Assemblée. "Parce que le Louvre est bien plus que le plus grand musée du monde. C'est une vitrine de notre culture française et de notre patrimoine commun".
Huit objets ont été dérobés, selon les autorités : un diadème, un collier et une boucle d'oreille en saphir provenant d'une parure liée aux reines françaises du XIXe siècle Marie-Amélie et Hortense ; un collier et des boucles d'oreille en émeraude provenant de la parure de l'impératrice Marie-Louise, seconde épouse de Napoléon Bonaparte ; une broche reliquaire ; et le diadème de l'impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, et sa grande broche en forme de nœud de corsage, une parure impériale très prisée du XIXe siècle.
Le Louvre est resté fermé au public lundi et mardi. Selon les informations d'Euronews, le musée ouvre à nouveau ces portes mercredi.
Yesterday