Burkina Faso: la coordonnatrice de l'ONU priée de quitter le pays après un rapport "mensonger" sur la situation des enfants

Par TV5MONDE avec agences


Les autorités burkinabè ont déclaré, ce lundi 18 août, la coordonnatrice résidente de l'ONU, la Mauricienne Carol Flore-Smereczniak, "persona non grata". En cause? Sa "responsabilité" dans un rapport véhiculant, selon Ouagadougou, "des informations graves et mensongères" qui attribue à l'armée des "violations contre des enfants".

Les autorités burkinabè ont déclaré, ce lundi 18 août, la coordonnatrice résidente de l'ONU, la Mauricienne Carol Flore-Smereczniak, "persona non grata". En cause? Sa "responsabilité" dans un rapport véhiculant, selon Ouagadougou, "des informations graves et mensongères" qui attribue à l'armée des "violations contre des enfants".
Des "contrevérités" et un rapport jugé "sans sources objectives" qui débouchent sur un renvoi du pays. Comme sa prédécesseure Barbara Manzi en 2022, le Burkina Faso a déclaré "persona non grata" la coordinatrice régionale des Nations Unies, Carol Flore-Smereczniak, suite à un rapport de l'ONU faisant état de "six violations graves" contre des enfants dans ce pays d'Afrique de l'Ouest sur la période du 1er juillet 2022 au 30 juin 2024.
"La plupart" sont attribuées aux "Forces de défense et de sécurité" burkinabè et à leurs supplétifs civils. "Au cours du dernier trimestre de 2023, le nombre de violations graves commises contre des enfants, en particulier les meurtres et les atteintes à l’intégrité physique d’enfants, a fortement augmenté", est-il écrit dans ce rapport, intitulé "Les enfants et le conflit armé au Burkina Faso", adressé le 19 mars 2025 par le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.
Le Burkina est miné depuis près de dix ans par les attaques meurtrières de groupes armés jihadistes affiliés à Al-Qaïda et au groupe État islamique. Le pays est dirigé depuis près de trois ans par une junte souverainiste, avec à sa tête le capitaine Ibrahim Traoré, qui a pris le pouvoir après un putsch en septembre 2022, assurant faire de la reconquête du territoire une "priorité". Mais le pays reste pris dans une spirale de violences.
"Le rapport rend compte des effets du conflit sur les enfants au Burkina Faso, mettant en évidence les tendances et les constantes relatives aux six violations graves commises contre des enfants, à savoir le recrutement et l'utilisation d’enfants, le meurtre ou la mutilation d'enfants, le viol et autres formes de violence sexuelle sur la personne d'enfants, les attaques dirigées contre des établissements scolaires, des hôpitaux et des personnes protégées liées à des écoles ou à des hôpitaux, l’enlèvement d’enfants et le refus d’accès humanitaire", est-il écrit en résumé du document.
"Un rapport élaboré par une équipe spéciale"
"Il ressort que ce rapport a été élaboré par une équipe spéciale, coprésidée par la coordonnatrice résidente du système des Nations Unies au Burkina Faso", a affirmé lundi le gouvernement burkinabè dans un communiqué.
"Pour sa responsabilité dans la coprésidence de l'élaboration d'un rapport compilant des données sans sources objectives, sans preuves ni justificatifs, véhiculant des informations graves et mensongères", Carol Flore-Smereczniak "est déclarée persona non grata sur le territoire du Burkina Faso", a-t-il annoncé.
"2.483 violations graves"
Le porte-parole du secrétaire général des Nations unies a déclaré à l'AFP que l'ONU avait "appris avec regret" la décision de la junte, estimant qu'elle ne s'appuyait sur aucune base légale. "Le système des Nations unies, mené par la coordonnatrice résidente, s'est consacré à travailler avec les autorités pour soutenir les efforts de développement et fournir une indispensable aide humanitaire", a souligné Stéphane Dujarric, ajoutant que "la doctrine de la persona non grata ne s'applique pas aux officiels des Nations unies".
"Seul le Secrétaire général (...) a l'autorité pour décider, après une enquête minutieuse, du retrait d'un officiel des Nations unies", a-t-il ajouté. Le rapport fait état de "2.483 violations graves" commises contre "2.255 enfants" entre juillet 2022 et juin 2024, dont "501 violations graves (20%)" attribuées aux "Forces de défense et de sécurité" burkinabè et à leurs supplétifs civils.
"Dans un style narratif citant indistinctement les terroristes et les institutions de défense et de sécurité du Burkina Faso, ce rapport qui ressemble à une compilation d'affirmations sans fondements et de contre-vérités ne comporte en annexe, ni copies de rapports d'enquêtes, ni arrêts de justice pour étayer les cas prétendus de violations contre des enfants attribués aux vaillants combattants burkinabè", a regretté Ouagadougou.
"Le Gouvernement du Burkina Faso (...) réitère sa totale disponibilité à coopérer avec l'Organisation des Nations unies, à travers des représentants et des équipes pays résolument engagés dans un accompagnement vrai et sincère", a-t-il ajouté. Originaire de Maurice, Mme Carol Flore-Smereczniak avait été nommée en juillet 2024.
Des supplétifs civils pointés du doigt
En mars, elle avait été convoquée par le ministre burkinabè des Affaires étrangères, qui avait condamné auprès d'elle l'usage par des agences de l'ONU des expressions "groupes armés non étatiques" et "milices" pour désigner respectivement les "terroristes" et les supplétifs civils engagés aux côtés de l'armée dans la lutte antijihadiste.
"Le Gouvernement s'étonne de la persistance de certaines agences du système des Nations Unies au Burkina Faso dans l'utilisation avec légèreté et à dessein des terminologies équivoques cachant une volonté manifeste de légitimation ou de requalification de la barbarie dont le peuple burkinabè est victime depuis une décennie", a-t-il dit lundi dans le communiqué.
En 2024, le Burkina Faso est le pays qui a enregistré le plus de morts dus au "terrorisme" pour la deuxième année consécutive avec 1.532 victimes, sur un total mondial de 7.555, rapporte l'Indice mondial du terrorisme.
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