"Notre patrie n'est pas à vendre": qui est Maïa Sandu, présidente de la Moldavie?

Par Terriennes avec AFP
Par Isabelle Mourgere avec AFP


Avant l'invasion de l'Ukraine, elle "n'était que" la première femme présidente d'une petite république post-soviétique. Aujourd'hui, confortée par la victoire de son parti pro-européen aux législatives, la Moldave Maia Sandu, 57 ans, fait figure de personnalité politique de premier plan, en s'opposant à l'influence russe.

Avant l'invasion de l'Ukraine, elle "n'était que" la première femme présidente d'une petite république post-soviétique. Aujourd'hui, confortée par la victoire de son parti pro-européen aux législatives, la Moldave Maia Sandu, 57 ans, fait figure de personnalité politique de premier plan, en s'opposant à l'influence russe.
"Le Kremlin pense que nous pouvons tous être achetés (...) que nous ne sommes pas un pays, mais juste un territoire. Mais la Moldavie est notre patrie. Notre patrie n'est pas à vendre".
Le message de la présidente moldave Maïa Sandu est on ne peut plus clair. Un message visiblement entendu par ses concitoyens qui ont voté dimanche 28 septembre en faveur de son parti proeuropéen PAS, vainqueur des élections législatives avec plus de 50% des voix. Il devance ainsi le Bloc patriotique prorusse, qui affiche un score de 24,26%.
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Un scrutin marqué par des tentatives d’intimidation et par une "campagne de désinformation sans précédent" menée par la Russie, selon un communiqué de l’Union européenne.
Face à la Russie
A 57 ans, Maïa Sandu est la première femme à occuper les plus hautes fonctions de la Moldavie, petite république post-soviétique de 2,6 millions d'habitants, voisine de l'Ukraine et située entre l'Otan et la sphère d'influence russe.
La Russie a dépensé des centaines de millions d'euros dans cette élection, pour financer des partis qu'elle contrôle en Moldavie, en essayant de corrompre les électeurs. Maïa Sandu, présidente de Moldavie
En sortant du bureau de vote à Chisinau, la présidente moldave mettait en garde contre "l'ingérence massive de la Russie", affirmant aux journalistes que son pays, voisin de l'Ukraine en guerre, était "en danger".
"La Russie a interféré avec les élections de nombreuses fois par le passé, mais rien de comparable avec ce que l'on voit aujourd'hui, assure-t-elle dans un entretien donné à France Télévisions. "La Russie a dépensé des centaines de millions d'euros dans cette élection, pour financer des partis qu'elle contrôle en Moldavie, en essayant de corrompre les électeurs", accuse-t-elle.
Une certaine résilience
Née sous l'URSS dans le village de Risipeni, à la frontière roumaine, Maïa Sandu est à peine majeure quand son pays accède à l'indépendance en 1991.
Je n'avais pas prévu de devenir une femme politique. Maïa Sandu, présidente de la république de Moldavie
Diplômée en gestion et relations internationales, elle débute sa carrière dans les coulisses du ministère de l'Economie mais, déçue par les travers de son pays, part travailler pour la Banque mondiale, d'abord à Chisinau puis à Washington.
En 2012, elle reçoit "une offre inattendue" et accepte de "diviser ses revenus par 15" au poste de ministre de l'Education.
"Je n'avais pas prévu de devenir une femme politique", a-t-elle avoué lors d'un discours en 2022 aux étudiants de l'université Harvard, où elle a étudié. "Mais j'ai décidé que ne pas vouloir vivre dans un pays dirigé par des gens corrompus" ne signifiait par forcément "devoir changer de pays".
Face aux "difficultés" et aux "discours de haine", elle dit apprendre la "résilience".
Sur la route du changement pour son pays, elle met en place des mesures phares contre la corruption au sein des services de l'éducation. Parmi elles, celle de faire installer des caméras de surveillance dans les salles d'examen. Le résultat est probant: le taux de réussite du baccalauréat dégringole de 95% à 59%. De quoi faire passer le message: payer pour les diplômes, c'est fini.
Guerrière anti-corruption
Au pouvoir, Maia Sandu comprend que dans un système gangréné par les oligarques, il lui faut fonder sa propre écurie. En 2016, elle crée le Parti de l'action et de la solidarité (PAS) grâce à ses économies mais perd à la présidentielle.
Je veux que vous sachiez que j'ai entendu toutes les voix, y compris les voix critiques. Maïa Sandu, présidente de Moldavie
Elle entre au Parlement avant d'être brièvement nommée Première ministre et, à la suite d'un scandale de corruption spectaculaire - 12% du PIB disparaissent en quelques mois -, elle remporte l'élection suprême en 2020 avec 57,7% des voix.
"Je veux que vous sachiez que j'ai entendu toutes les voix, y compris les voix critiques", déclarait-elle dans son discours de victoire, promettant d'être la présidente de "tous" dans un pays très divisé.
(Re)lire L'Europe salue la réélection de Maia Sandu en Moldavie
Cap vers l'Europe
Dès que les premières bombes retentissent en Ukraine, Maia Sandu coupe les ponts avec Moscou, accueille des dizaines de milliers de réfugiés et frappe à la porte de l'Union européenne.
En juin 2023, elle marque les esprits en conviant 46 chefs d'Etats et de gouvernement pour le sommet de la Communauté politique européenne, du jamais vu dans ce pays peu habitué aux honneurs.
Un an plus tard, les négociations d'adhésion avec l'UE sont formellement ouvertes.

Une "chance" pour la Moldavie
Parlant couramment le roumain, l'anglais et le russe, Maïa Sandu jouit du "respect et de la reconnaissance" des dirigeants occidentaux, commente pour l'AFP Armand Gosu, historien roumain spécialiste des anciens pays soviétiques et de la Russie.
"Elle représente une grande chance pour la Moldavie", estime-t-il, soulignant qu'elle est probablement la première dirigeante du pays "d'une telle stature internationale".
Sa personnalité discrète et son sourire timide contrastent avec son courage et sa "détermination" - le mot est de son homologue français Emmanuel Macron - à défendre un "cap clair" pour son pays face aux ingérences de Moscou, qui goûte peu ses désirs d'indépendance.

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