"Une approche à la carte": les États-Unis de Donald Trump vont-ils vraiment baisser leurs aides aux Casques bleus?

Par Lorène Bienvenu


Les États-Unis commencent à revoir à la hausse leur budget alloué aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, après avoir compris qu'elles pourraient leur être utile en Haïti et en RD Congo notamment, explique le politologue, Arthur Boutellis, interrogé par TV5MONDE. Les coupes budgétaires imposées par l'administration Trump pourraient néanmoins pousser l’ONU à réduire d'un quart le nombre de ses Casques bleus dans le monde.

Les États-Unis commencent à revoir à la hausse leur budget alloué aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, après avoir compris qu'elles pourraient leur être utile en Haïti et en RD Congo notamment, explique le politologue, Arthur Boutellis, interrogé par TV5MONDE. Les coupes budgétaires imposées par l'administration Trump pourraient néanmoins pousser l’ONU à réduire d'un quart le nombre de ses Casques bleus dans le monde.
"Nos opérations de maintien de la paix sont confrontées à une situation financière extrêmement difficile", écrit António Guterres, secrétaire général des Nations unies, dans une lettre adressée aux employés de l’Organisation internationale et datée au vendredi 10 octobre. "Il s'agit d'une situation à laquelle l'Organisation n'a jamais été confrontée auparavant, et son impact reste incertain."
Entre 13.000 et 14.000 casques bleus déployés dans différentes missions onusiennes à travers le monde devraient être rapatriés dans les prochains mois, a annoncé un haut responsable de l'ONU, jeudi 9 octobre. Un nombre qui représente environ 25% de la totalité des Casques bleus.
"On ne sait toujours pas combien ils vont donner"
Cette décision est la conséquence du manque de fonds alloués aux opérations de maintien de la paix des Nations unies, dans le budget de cette année. Les coupes budgétaires viennent principalement des États-Unis, plus gros contributeur avec la Chine. Les Américains devaient contribuer à hauteur de 1,3 milliard de dollars, les Chinois à hauteur de 1,2 milliard, sur un total de 5,4 milliards de budget total.
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En septembre, le président Donald Trump avait illustré la crise de confiance de son administration à l'encontre de l'ONU, directement à sa tribune. "Les Nations unies ne sont pas là pour nous. Quel est le but des Nations unies?", s'est-il interrogé, en ajoutant que l'organisation avait "tant de potentiel" qu'elle était incapable de réaliser.
Il y a quelques semaines encore, on pensait que les Américains ne paieraient rien.
Arthur Boutellis, politologue
Les États-Unis, comme le reste des États membres, ont une obligation envers les Nations unies. Les contributions sont censées être payées à 100% et à temps. L'administration Trump a pourtant déclaré qu'elle paierait seulement à hauteur de 682 millions de dollars, dont 85 millions de dollars réservés pour le futur bureau de soutien de l'ONU à la nouvelle mission internationale anti-gang en Haïti.
"Les chiffres de la contribution des Américains semblent augmenter: on est passés de 400.000 millions de dollars il y a quelques jours à 800.000 millions environ aujourd'hui. Mais on ne sait toujours pas combien ils vont donner", explique à TV5MONDE Arthur Boutellis, conseiller senior à l'International Peace Institute (IPI), enseignant à l’Université de Columbia de New York et Sciences Po et auteur de l'ouvrage "Rivalités pour la paix - Géopolitique de l'ONU".
Le politologue ne désespère pas: "Il y a quelques semaines encore, on pensait que les Américains ne paieraient rien. Leur annonce budgétaire disait qu'ils mettaient à zéro leur contribution au maintien de la paix. Or, c'est en train de changer."
Quelles sont les raisons d'un tel revirement?
Les États-Unis ont finalement déclaré vouloir soutenir un certain nombre de missions internationales de maintien de la paix. "Les Américains se rendent compte qu'ils ont finalement peut-être besoin de l'ONU sur certains plans, mais ils voudraient une approche à la carte", explique Arthur Boutellis. Et c'est notamment le cas pour Haïti.
Pays le plus pauvre du continent américain, Haïti subit depuis longtemps la violence des bandes criminelles, qui commettent meurtres, viols, pillages et enlèvements, dans un contexte d'instabilité politique chronique.
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La situation s'est encore largement détériorée depuis le début de l'année 2024, lorsque les gangs ont poussé le Premier ministre de l'époque, Ariel Henry, à la démission. Le pays est depuis dirigé par un Conseil présidentiel de transition. L'Organisation internationale pour les migrations (OIM), annonçait mercredi 15 octobre qu'un "record" historique de plus de 1,4 million de personnes sont désormais déplacées dans le pays caribéen.
"Si la situation à Haïti empire, de gros problèmes de migrations vont retomber sur les États-Unis voisins, affirme le conseiller à l'IPI. Ils ne veulent pas que ça arrive mais, pour autant, est-ce qu'ils vont envoyer leurs Marines? Non, ce n’est plus d’actualité. Ils cherchent donc des solutions intermédiaires."
Arthur Boutellis, politologue
Les États-Unis ont voté pour le déploiement d'une Force de répression des gangs à Haïti (GSF), validé par le Conseil de sécurité des Nations unies le 30 septembre. Cette résolution est une étape majeure des efforts internationaux pour lutter contre les gangs sur l’île. "En autorisant cette GSF, les Américains demandent aussi à autoriser un package de soutien onusien qui serait financé sur budget du maintien de la paix", explique Arthur Boutellis.
Pour faire accepter la mission à Haïti par le reste des membres, les États-Unis ont finalement décidé de "faire des compromis" en supportant quelques autres projets. Parmi eux, la Mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco) car les Américains sont impliqués avec le Qatar sur les négociations entre le Rwanda, le M23 et la RD Congo.
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Les États-Unis s’intéressent aussi à la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), qui doit de toute façon s'arrêter en 2027. "On sait aussi que les Américains ne sont pas contre la mission au Sud-Soudan", ajoute le politologue. En tout, onze opérations de maintien de la paix sont en cours à travers le monde.
Il reste à savoir si l’ONU répartira la contribution des États-Unis entre les différentes missions ou si elle décidera de faire plaisir à l’administration Trump en favorisant certaines missions au détriment d’autres.
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