Zimbabwe: prolongation de mandat du président en projet, en écho des années Mugabe
Par AFP Par Kudzanai Musengi © 2025 AFP
L'approbation par le parti au pouvoir au Zimbabwe d'une prolongation du mandat du président Emmerson Mnangagwa, censé quitter son poste en 2028, alimente les craintes d'une accentuation de l'autoritarisme dans ce pays d'Afrique australe.
Lors de son congrès annuel, le Zanu-PF, auquel colle une image de corruption et de mauvaise gestion après 45 années au pouvoir, a soutenu il y a une semaine l'extension du mandat d'Emmerson Mnangagwa jusqu'en 2030, ouvrant la voie à des amendements dans ce sens.
L'avocat renommé Tendai Biti a immédiatement promis de "défendre la constitution contre sa confiscation" et des figures de l'opposition doivent tenir mardi une conférence de presse face à ce qu'ils qualifient de "crise constitutionnelle".
Agé de 83 ans, Emmerson Mnangagwa est arrivé au pouvoir en 2017 à la suite d'un coup d'État après l'évincement par l'armée de Robert Mugabe, qui est resté président pendant 30 ans.
Élu en 2018 puis réélu en 2023, Emmerson Mnangagwa est accusé par ses contempteurs de laisser prospérer la corruption et de réprimer les droits humains, sans que la situation des Zimbabwéens ne s'améliore avec une inflation annuelle quasiment toujours à trois chiffres de 2019 à 2024.
Les mesures visant à le maintenir en poste sont "un énorme scandale", s'indigne Moses Msipa, un ancien militaire rencontré dans la deuxième plus grande ville, Bulawayo.
"Nous, Zimbabwéens, on doit dire +non+ à ça", affirme à l'AFP le quadragénaire. "L'une des principales raisons ayant rendu Mugabe détesté est qu'il est devenu un dictateur et a prolongé son mandat, et maintenant ils veulent qu'on en revienne là."
Les manifestations de ces derniers mois contre cet "agenda 2030" du Zanu-PF se sont heurtées à une répression policière virulente qui s'est traduite par des dizaines d'arrestation.
"Seule une opposition populaire massive pourrait changer le cours des choses, mais les probabilités d'une telle mobilisation sont faibles pour le moment en raison de la faiblesse de la base des organisations (d'opposition, NDLR)", estime Musa Kika, directeur de l'Institut pour les droits de l'homme et le développement en Afrique.
"Une résistance est très improbable dans les circonstances actuelles, malgré la colère de la population", juge auprès de l'AFP Eldred Masunungure, analyste politique et professeur d'université.
No Kings
La limite constitutionnelle de deux mandats présidentiels de cinq ans a été introduite en 2013. Toute modification demanderait entre autres l'approbation des deux tiers des deux chambres du parlement ainsi qu'un référendum.
"Si la prolongation du mandat était soumise à un référendum, elle serait rejetée", d'après Stephen Chan, professeur à l'École des études orientales et africaines de Londres.
"Le peuple zimbabwéen ne veut pas non plus de rois", ajoute-t-il, en référence aux manifestations "No Kings" contre Donald Trump aux États-Unis ce mois-ci.
Des dissensions au sein du Zanu-PF, à la tête du pays depuis l'indépendance en 1980, pourraient entraîner une alliance de circonstance de la faction soutenant le vice-président et rival du chef de l'Etat, Constantino Chiwenga, à l'opposition pour bloquer tout amendement constitutionnel, d'après lui.
Le parti est "habile à manipuler les institutions qui mettent en œuvre la loi par la coercition", estime Musa Kika.
Les efforts pour maintenir Mnangagwa au pouvoir sont dirigés par des élites du parti "motivées par des intérêts personnels". Elles cherchent à conserver leur "immunité pour leurs méfaits passés et présents, ainsi que l'assurance de continuer à accumuler des richesses", selon lui
Emmerson Mnangagwa est utile pour les membres du parti qui "abusent du pouvoir de l'État et de ses ressources plus ou moins sans entrave", ajoute Eldred Masunungure.
L'opposition étant fragmentée et faible après des années de répression, Tafadzwa Moyo, diplômé universitaire au chômage rencontré par l'AFP, comprend la tiède résistance au gouvernement.
Mais pour ce jeune homme de 29 ans, le moment est venu pour ses compatriotes de s'unir au-delà des divisions politiques et de "se battre pour récupérer la démocratie".
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