Présidentielle à Bissau : une jeunesse en quête de perspectives
Par AFP Par Soulé DIA © 2025 AFP
Caramba Souaré reste concentré sur son travail, malgré le brouhaha ambiant des festivités du dernier jour de campagne pour la présidentielle en Guinée-Bissau. Un dernier coup d'éponge pour lustrer le véhicule qu'il nettoie, et voilà terminée sa deuxième voiture de la journée... en espérant la prochaine.
Depuis qu'il a abandonné ses études, ce jeune laveur de voiture, âgé de 20 ans, s'est reconverti dans ce métier pour subvenir à ses besoins et aider ses parents. Enfant, il rêvait de devenir ministre des Finances et n'aurait certainement jamais fait ce travail s'il avait le choix, assure-t-il.
Mais comme de nombreux jeunes Bissau-Guinéens, il est confronté au manque de perspectives et à la difficulté de joindre les deux bouts dans son pays, un des plus pauvres au monde avec près de 40% de la population vivant sous le seuil de pauvreté, et connu pour être une plaque tournante du trafic de drogue entre l'Amérique latine et l'Europe.
En Guinée-Bissau, les jeunes de moins de 25 ans représentent 65% d'une population de 2,2 millions d'habitants.
"J'ai eu mon bac cette année (2025) mais je n'avais pas les moyens de me payer une formation. Au lieu de rester à la maison et de tout attendre de papa et maman, j'ai préféré venir ici pour laver des voitures et gagner quelques sous", raconte M. Souaré à l'AFP, un maillot du club turc de Fenerbahçe sur le dos.
Malgré tout, il dit garder espoir que le prochain président changera le sort de la jeunesse.
La Guinée-Bissau élit dimanche son futur président avec comme enjeu majeur la stabilité dans un pays ayant vécu depuis son indépendance au rythme des crises politiques, avec notamment quatre coups d’État et une kyrielle de tentatives de putsch.
Quelque 860.000 électeurs sont appelés à choisir parmi 12 candidats, dont le président sortant Umaro Sissoco Embalo - favori pour remporter un deuxième mandat de cinq ans - , l'ancien président José Mario Vaz (2014-2020) et l'opposant Fernando Dias.
L'élection se jouera sans le principal parti d'opposition et son candidat, Domingos Simoes Pereira, pour avoir déposé leurs dossiers de candidature trop tardivement.
Difficultés
Dans une petite rue en plein centre-ville de Bissau, une dizaine de jeunes s'affairent autour de deux files de véhicules stationnés sur les rebords de la chaussée. Certains versent plusieurs litres d'eau mélangée avec du détergent sur les voitures avant de commencer à les laver. Le liquide dégouline et se mêle aux détritus jetés sur le sol.
A l'aide de larges chiffons usés, d'autres essuient pare-brises et rétroviseurs, dernières étapes du nettoyage.
Ce travail leur permet de gagner jusqu'à 7.000 francs CFA (environ 11 euros) par jour, disent-ils.
Non loin de là, des partisans du président Embalo font la fête, musique à plein volume.
Interrogés par l'AFP, de nombreux jeunes disent attendre du prochain président qu'il crée des emplois, améliore et rende plus accessible la formation professionnelle... Tous disent qu'ils vont aller voter dimanche.
"C'est difficile de trouver du boulot", regrette Maxime Simao Ca, 28 ans. "Le nouveau président doit se focaliser sur la création d'emplois et la formation professionnelle. Cela pourrait faciliter leur insertion" (des jeunes).
Neia Té, 30 ans, dit parcourir près de sept kilomètres chaque jour pour écouler son plateau de fruits posé sur sa tête, pour gagner au plus 3.000 francs CFA (4,50 euros).
"C’est très dur. Mais je suis obligée de faire ça pour avoir quelque chose à rapporter à la maison à la fin de la journée", confie la mère de famille. Elle compte exprimer dimanche sa voix dans les urnes afin de faire "bouger les choses".
Maxime Simao Ca dit stresser tout le temps sur son avenir. Il rêve de rejoindre un jour l'Europe, mais pas par la route migratoire meurtrière de l'Atlantique : "Ca ne pas fait partie des habitudes de la jeunesse bissau-guinéenne", assure-t-il.
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