Tanzanie: Samia Suluhu Hassan, discrète présidente accusée de répression
Par AFP © 2025 AFP
Elle était perçue comme une politicienne chevronnée à l'apparence discrète, douce et compétente, mais sa réputation a changé. Quatre ans et demi après son arrivée au pouvoir en Tanzanie, l'ex-vice-présidente Samia Suluhu Hassan est accusée de diriger un régime aussi répressif qu'impitoyable envers l'opposition.
"Moi, Samia Suluhu Hassan, promets d'être honnête et d'obéir et de protéger la Constitution tanzanienne", avait-elle dit lors sa prestation de serment en mars 2021, après la mort soudaine de l'autoritaire président John Magufuli.
"J'exercerai honnêtement mes fonctions de présidente de la République Unie de Tanzanie et assurerai la justice (...) sans crainte, ni faveur, ni haine. Avec l'aide de Dieu", s'était engagée cette musulmane, aux cheveux toujours recouverts d'un foulard.
Désormais âgée de 65 ans, Mme Hassan cherche à consolider son statut en se faisant élire à la magistrature suprême. Pour que sa victoire soit éclatante aux élections législatives et présidentielle de mercredi, elle n'a donc pris aucun risque: les principaux candidats de l'opposition ont été soit emprisonnés, soit empêchés de se présenter.
Née le 27 janvier 1960 à Zanzibar, au sein d'une famille modeste -père instituteur et mère au foyer-, Mme Hassan est diplômée d'un master en "développement économique communautaire" dans le New Hampshire (Etats-Unis).
Elle débute sa carrière au sein du gouvernement de l'île semi-autonome de Zanzibar, où elle travaille d'abord à des fonctions administratives, puis à un poste de responsable du développement.
"Terreur "
Toujours à Zanzibar, elle rejoint de le Programme alimentaire mondial de l'ONU en tant que cheffe de projet, puis dirige l'association des ONG de l'archipel, Angoza.
Sa carrière politique démarre en 2000, lorsqu'elle est nommée membre du Parlement de Zanzibar par le parti présidentiel tanzanien Chama Cha Mapinduzi (CCM), au pouvoir depuis l'indépendance. Elle est plus tard élue à l'Assemblée nationale tanzanienne.
Mme Hassan est plusieurs fois ministre: à Zanzibar (Femmes et Jeunesse, puis Tourisme et Commerce) entre 2000 et 2010, et au niveau national à partir de 2014 comme ministre des Affaires de l'Union, auprès de l'ancien président Jakaya Kikwete.
En 2015, elle forme un ticket gagnant - une première pour une femme - avec John Magufuli, qui dirige le pays d'une main de fer. Cinq ans plus tard, le duo est réélu, dans un scrutin marqué par des irrégularités majeures, selon des observateurs indépendants.
Après le décès de John Magufuli, elle est dans un premier temps saluée pour avoir assoupli les restrictions instaurées par ce dernier. Certains opposants rentrent d'exil. Mais "Mama", comme la surnomment affectueusement ses partisans, est aujourd'hui accusée de répression sévère.
Dans un récent rapport, l'ONG Amnesty International a dénoncé une "vague de terreur" et des "violations systématiques des droits humains" dans le pays d'Afrique de l'Est à l'approche du scrutin.
"Paranoïa"
Le principal parti d'opposition, Chadema, a été exclu des élections pour avoir refusé de signer le Code de conduite électoral, qui selon lui n'incluait pas les réformes qu'il exigeait.
Son leader Tundu Lissu, arrêté en avril pour trahison, et qui était rentré en Tanzanie en 2023 après des années d'exil, risque la peine de mort.
Plusieurs cadres de Chadema ont été arrêtés ou ont disparu depuis un an. L'un d'entre eux, Ali Mohamed Kibao, a été retrouvé mort, son corps préalablement roué de coups ayant été aspergé d'acide, en septembre 2024.
"Elle considère cela comme nécessaire pour consolider son pouvoir dans une société patriarcale", affirme à l'AFP un ancien conseiller, qui requiert l'anonymat par crainte de représailles.
John Magufuli n'avait selon lui que peu de considération pour Samia Suluhu Hassan, qui n'était qu'un faire-valoir pour le défunt chef de l'Etat.
Et la cheffe de l'Etat a dû faire face à une énorme pression de la part des puissants alliés de l'ex-président au sein du parti, qui ont tenté de bloquer son accession, selon des analystes.
"Elle savait que le gouvernement dont elle avait hérité était profondément contre elle, profondément misogyne... donc elle ne pouvait faire confiance à personne. Il y avait beaucoup de paranoïa", estime encore l'ancien conseiller.
"J'ai peut-être l'air polie et je ne crie pas quand je parle", se décrivait en 2020 celle qui n'était encore que vice-présidente, "mais la chose la plus importante c'est que tout le monde comprenne ce que je dis et que les choses soient faites comme je le dis."
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