Mondial de rugby féminin: l'arbitre Aurélie Groizeleau, en ovalie comme dans sa ferme, relève le défi d'exister en tant que femme

Par Terriennes AFP
Par Liliane Charrier AFP


Aurélie Groizeleau est la seule Française retenue pour arbitrer la dixième édition du Mondial-2025 féminin de rugby, qui se tient en Angleterre jusqu'au 27 septembre 2025. Eleveuse dans une ferme de l'ouest de la France, elle n'a jamais renoncé à sa passion sportive, malgré de graves aléas de santé.

Aurélie Groizeleau est la seule Française retenue pour arbitrer la dixième édition du Mondial-2025 féminin de rugby, qui se tient en Angleterre jusqu'au 27 septembre 2025. Eleveuse dans une ferme de l'ouest de la France, elle n'a jamais renoncé à sa passion sportive, malgré de graves aléas de santé.
Une entaille sanguinolente près du pouce en guise de souvenir: avant de migrer outre-Manche pendant un mois et demi, la trentenaire procède aux derniers contrôles des œufs. "On met la main dans le nid, donc automatiquement ils nous griffent un peu"..., explique Aurélie Groizeleau.
Depuis 2015, la native de La Rochelle conjugue sa carrière dans le rugby et l'élevage de pigeonneaux dans la ferme de ses parents, à Marans, commune limitrophe de la Vendée, dans l'ouest de la France.
Les réflexions misogynes, je les entends autant dans l'agriculture que dans le milieu du rugby.Aurélie Groizeleau
Selon elle, "deux mondes assez liés, avec des valeurs communes", dans lesquels elle a toujours baigné. "J'ai grandi dans cette ferme. Mes parents habitaient ici au départ. Mon père jouait au rugby donc tous les dimanches, on était au club. Je me suis rapidement jetée dans le rugby. Après, on devient passionnée, on ne s'arrête plus". Même avec un rein en moins depuis la naissance. Même après une rupture des ligaments croisés du genou.
Une carrière brutalement fauchée
Devenue internationale à XV (5 sélections avec France A) et à VII (7 sélections) après un passage par le pôle Espoir de Toulouse-Jolimont, la trois-quart polyvalente de Saint-Orens doit mettre un terme à sa carrière de joueuse à 20 ans. Un mois avant le Tournoi des Six Nations 2007.
"Tout s'est arrêté du jour au lendemain. Ça a été un peu violent. Sur le moment, on se dit : 'OK, on aime le rugby. Mais qu'est-ce qu'on peut faire ?' Entrainer ? Je trouvais que je n'avais pas vraiment d'impact." L'arbitrage ? "J'avoue que je ne me suis pas beaucoup investie au départ." Le déclic ? "Le retour ici", dans la ferme familiale.
Retour aux sources
"J'étais banquière en région toulousaine, enfermée dans un bureau. Je n'avais quasiment pas de fenêtres, pas de lumière, se remémore-t-elle. J'avais un peu le mal du pays. Je me suis dit: c'est peut-être le moment que ce soit un tournant de ma vie et que je revienne un petit peu aux sources".
Ses parents à la retraite, "mais toujours actifs", Aurélie s'est associée à son beau-frère pour reprendre le 'Pigeonneau du Marais'. En parallèle, elle officie dans les plus grandes compétitions internationales du rugby féminin et chaque week-end en Pro D2, la deuxième division masculine.
Arbitrage au féminin
Aurélie Groizeleau est aussi investie dans le développement de l’arbitrage féminin en France : "J’accompagne des arbitres, je participe à des suivis techniques, des retours vidéo, des briefings..." explique-t-elle à Women Sports.
Cette Coupe du monde est la deuxième entièrement arbitrée par des femmes sur le terrain (hors arbitres vidéo). "En France, nous sommes moins de 7 % d’arbitres femmes, alors qu’il y a plus de 15 % de joueuses. Il faudrait doubler nos effectifs pour rétablir un équilibre", confie la Charentaise au magazine en ligne.
Imaginez-vous un instant dans la peau d’une arbitre de PRO D2... 🏉
— Ligue Nationale de Rugby (@LNRofficiel) April 3, 2025
Jérémy de @curieuxlive nous présente Aurélie Groizeleau, la seule arbitre féminine professionnelle de rugby en France. Entre performances sportives, diplomatie et langage corporel, elle nous donne les secrets de… pic.twitter.com/FqEFDMylvT
Elle souligne que l'arbitrage n'est pas la suite évidente d'une carrière pour la majorité des joueuses qui, lorsqu'elles quittent le terrain, préfèrent se consacrer à leur vie personnelle. Et pourtant, face aux préjugés qui perdurent, dit-elle, c'est une activité qui permet de développer des "compétences incroyables :prendre la parole en public, gérer des conflits, affirmer sa personnalité".
📢 Aurélie Groizeleau sera la seule arbitre française à officier à la #Coupedumonde féminine de #rugby 2025. Elle revient sur son parcours hors normes, sur l’arbitrage féminin, et bien plus encore ! 😍Interview #WomenSports exclusive à lire ici ➡️https://t.co/ohMSzELjRN pic.twitter.com/er0C3ihVwG
— Women Sports (@WomenSports_fr) July 29, 2025
Le défi d'exister en tant que femme
Sous contrat à temps plein avec la Fédération française de rugby pour développer l'arbitrage féminin, l'unique femme en noir des championnats professionnels (Top 14 et Pro D2) a saisi une pelle de la ferme pour faire son trou en Ovalie.
Quasiment 50 % des agriculteurs sont des agricultrices. Sauf que ceux qu'on voit tout le temps, ce sont les hommes. Aurélie Groizeleau
"Ce sont deux mondes assez masculins, souligne-t-elle. En tant que femme, c'est un vrai challenge de pouvoir exister, s'exprimer. Aujourd'hui, on oublie que quasiment 50 % des agriculteurs sont des agricultrices. Sauf que ceux qu'on voit tout le temps, ce sont les hommes."
L'agriculture "permet de se développer en termes de caractère, de se créer une certaine carapace. Les réflexions misogynes, je les entends autant dans l'agriculture que dans le milieu du rugby. Maintenant, je ne dis pas que je n'y fais plus attention, mais j'arrive à mieux les gérer."

Arbitre, agricultrice et mère de famille
Au sifflet, cette Coupe du monde sera sa deuxième après celle de 2022 en Nouvelle-Zélande. Et l'organisation lui a cette fois programmé trois matches de poules au centre (Canada - Fidji le 23 août ; Nouvelle-Zélande - Japon le 31 ; Angleterre - Australie le 6 septembre). Un de plus qu'il y a trois ans. En revanche, ce sera toujours autant de télétravail.
"J'emmène toute la compta (de l'exploitation agricole). C'est moi qui paye toutes les factures, personne ne sait le faire, sourit Aurélie. J'essaie de me prendre deux, trois heures par semaine. Je le faisais déjà en Nouvelle-Zélande. Ma mère m'envoie les factures par photo et moi, je traite à distance les virements". Aurélie Groizeleau reste aussi une maman et de consacrer du temps à sa fille, pour compenser ses absences.
Autant de charges mentales supplémentaires dont n'ont pas à se soucier ses homologues masculins, mais loin d'être exceptionnelles dans le collège arbitral de ce Mondial féminin. .
Aujourd'hui encore, le rugby féminin pâtit d'un manque de visibilité mais aussi subit aussi des inégalités. Les filles sont à des années-lumières de la professionnalisation des garçons, nous explique Lénaig Corson. pic.twitter.com/ucocWSd5zz
— TERRIENNES (@TERRIENNESTV5) October 26, 2023
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