Madagascar accueille des crânes restitués par la France

Par AFP © 2025 AFP

Le président malgache Andry Rajoelina a accueilli mardi lors d'une cérémonie à Antananarivo trois crânes de victimes d'exactions coloniales restitués par la France à l'île de l'océan Indien, une restitution qui ravive des tensions au sein de la famille royale.
Parmi ces restes, l'un est présumé appartenir au roi Toera décapité par l'armée française lors du massacre d'Ambiky en 1897, épisode sanglant de la colonisation de l'île qui a accédé à l'indépendance en 1960.
Ils sont arrivés à Madagascar lundi soir. Conservés dans trois coffrets recouverts du drapeau malgache, les restes ont été transportés mardi à travers la capitale Antananarivo. A leur passage, la police ordonnait aux passants de se découvrir la tête et de faire preuve de recueillement.

"Nous sommes fiers d'avoir eu un roi et ses soldats qui ont protégé la Nation. (...) Ils ne se sont pas laissés intimider, ils y ont même laissé leur vie la nuit du 29 au 30 aout 1897", a loué Andry Rajoelina, une fois les crânes déposés sur des socles, dans l'enceinte du mausolée d'Avaratr'Ambohitsaina, le lieu des Mahery Fo, des "Braves" et des "héros de la patrie".
La cérémonie s'est déroulée en présence de l'héritier de la famille royale, Harea Georges Kamamy, de l'ethnie sakalava, qui a ensuite entamé un voyage de quatre jours et près de 800 kilomètres pour emmener les trois crânes rejoindre la région du Menabe, berceau du royaume sakalava sur la côte ouest de la Grande Ile.
Le présumé crâne du roi y rejoindra, à la fin de la semaine, le reste de son squelette disposé dans un tombeau à Ambiky.
Arrière petit-fils du roi Toera, le nouveau souverain, intronisé en juin, a aspergé le coffret contenant la relique de son aïeul avec de l'eau du fleuve sacré Tsiribihina pour "lui souhaiter la bienvenue" sur sa terre d'origine.
Division sur le lieu d'inhumation

"Nous, Sakalava, sommes soulagés. Aujourd'hui est une journée de joie. Le kabeso (crâne royal) est à tous les Kamamy", a-t-il déclaré aux médias, alors que le lieu d’inhumation final est le principal point de dissension entre deux clans de la famille royale.
Le roi fait bonne figure tout en regrettant le peu d'importance accordé aux traditions lors de la cérémonie républicaine. "Bientôt, la République malgache va remettre à la famille Kamamy, aux Sakalava, les reliques. A partir de là, il sera légitime pour nous d'imposer nos protocoles", a expliqué Harea Georges Kamamy, avant de se voir remettre les crânes.
Autre descendant du roi et dirigeant d'un autre clan royal, Joe Kamamy, a partagé auprès de l'AFP sa "fierté" et son "immense paix intérieure" après ce retour.
"Je n'ai qu'un regret: que les crânes ne soient pas conservés à Mitsinjo, avec les reliques des autres rois", a cependant déploré celui qui oeuvre à la restitution depuis 2007.
"Normalisation de la restitution"
Avant d'être remis aux autorités malgaches lors d'une cérémonie dans la capitale française la semaine passée, ces crânes étaient conservés au Muséum national d'histoire naturelle à Paris.
Il s'agit de la première application de la loi française de 2023 sur la restitution de restes humains appartenant aux collections publiques. "Nous encourageons les Etats à avoir des cadres juridiques plus adaptés, comme la France", a réagi la directrice régionale du bureau de l'Unesco pour l'Afrique de l'Est, Louise Haxthausen.
Présente à la cérémonie, elle a salué "un pas de plus" qui "contribue à créer cette culture": "que la restitution devienne la normalisation au lieu d'être l'exception".
Le président français Emmanuel Macron avait dit vouloir créer les "conditions" du "pardon" pour les "pages éminemment douloureuses" de la colonisation française de Madagascar lors d'une visite en avril. Une histoire marquée aussi par l'insurrection de 1947 réprimée dans le sang par l'armée française au prix de dizaines de milliers de vies.
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