Au Niger, le général Tiani en tournée hors de Niamey pour consolider son pouvoir
Par AFP © 2025 AFP
Le général Abdourahamane Tiani, chef du régime militaire nigérien, sillonne par la route ces dernières semaines les régions les plus exposées aux attaques jihadistes pour tenter de rassurer les populations et réaffirmer l'autorité de l'Etat.
M. Tiani dirige le Niger depuis juillet 2023, après un coup d'Etat qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum, toujours séquestré depuis.
Le pays fait face à des attaques jihadistes meurtrières de Boko Haram, près du lac Tchad (sud-est) mais surtout de groupes liés à Al-Qaida et à l'Etat islamique (EIS) dans la région de Tillabéri (ouest) qui ne faiblissent pas.
C'est dans la zone de Tillabéri, proche du Mali et du Burkina, que le général Tiani a entamé début octobre une vaste et inédite tournée, en voiture à travers le pays, affirmant vouloir "voir l’état des routes et discuter avec les populations".
Une façon pour certains observateurs de chercher à rassurer les Nigériens et la communauté internationale sur la situation sécuritaire et économique du pays, qui se sont dégradées.
De quoi trancher avec les juntes de ces deux pays voisins et alliés, notamment le général putschiste malien Assimi Goita, qui ne sort quasiment plus de Bamako et jamais par la route, de nombreux grands axes étant contrôlés par les jihadistes.
Après une pause, la tournée de Tiani a repris le 8 novembre dans la région de Dosso, au sud-ouest, jusqu’à Gaya, aux frontières du Bénin et du Nigeria. La localité est proche du parc W, transformé ces dernières années en repaire de groupes armés jihadistes liés à Al-Qaïda.
"On le qualifiait de peureux, incapable de sortir de son palais et il relève le défi par une tournée inédite", commente un habitant de Dosso, interrogé à la télévision d’Etat.
Montrer "l'autorité de l'État"
L’un des temps forts du voyage a été la traversée, sur plus de 600 kilomètres, de la très dégradée "route de l’uranium" jusqu’à la cité minière d’Arlit, dans le nord nigérien où sévissent divers groupes armés opérant aux confins de la Libye et de l’Algérie.
"C'est pour montrer que l'autorité de l'État du Niger s'affirme sur l'ensemble du territoire" et assurer que le régime "reçoit un certain soutien populaire", dit Seidik Abba, président du Centre international d'études et de réflexions sur le Sahel.
La télévision d'Etat montre le général multipliant meetings, visites de camps militaires et bains de foule où il n’hésite pas à s’approcher des habitants.
Difficile toutefois d'évaluer l'ampleur du soutien populaire au général, les voix critiques étant souvent réprimées au Niger.
Sur les réseaux sociaux et dans la presse locale, nombre de commentaires prêtent à cette tournée des "airs de campagne électorale", bien qu'aucune élection ne soit à l'ordre du jour au Niger.
"Pour battre campagne, il faut qu’il y ait une date pour des élections", or des assises nationales tenues en février "lui ont déjà donné un mandat de cinq ans" pour diriger le pays, expliquait l'analyste politique nigérien Ousseini Issa, lors d'un débat télévisé.
Chaque étape a été une occasion pour le général Tiani de marteler sa politique souverainiste, notamment sur l'uranium dont l'exploitation est au centre d'un bras de fer avec le géant français du cycle du combustible nucléaire Orano (ex-Areva).
"Regardez dans quel état se trouve Arlit après 55 ans d'exploitation de l'uranium. Même l'électricité fait défaut (...) Désormais, notre uranium nous appartient", a-t-il lancé à Agadez, même si la junte cherche toujours un moyen d'exporter sa production en toute sécurité.
"Mobiliser les populations"
Concernant la sécurité, le général Tiani a assuré devant des militaires que "le Niger restera debout, prêt à consentir le sacrifice suprême pour se défendre".
Depuis mars, au moins 127 villageois et croyants musulmans ont été "exécutés sommairement" par l'EIS lors de cinq attaques dans le Tillabéri, selon l'ONG Human Rights Watch.
Un Américain a été enlevé en octobre en plein coeur de Niamey, tandis que deux ressortissantes suisse et autrichienne ont été kidnappées dans le nord, depuis le début de l’année.
Le régime fait aussi face à des retards réguliers de paiements des fonctionnaires tandis que Tiani martèle que le Niger reste "affecté" par les sanctions économiques régionales prise après le putsch mais levées depuis près de deux ans.
"Le pays traverse une situation sécuritaire et financière peu reluisante. Cette tournée permet à Tiani de mobiliser les populations derrière sa politique de souveraineté", dit à l'AFP un analyste nigérien sous anonymat.
"Il faut rassurer la population civile pour qu’elle vous voit comme un allié, et non comme une menace", dit Hans-Jakob Schindler, directeur du think tank Counter-Extremism Project (CEP), ajoutant que l’un des grands échecs du Burkina et du Mali réside dans "l’indifférence" des gouvernements centraux envers le nord de leurs territoires.
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