Questionner sinon rien, la devise de Joseph Kosuth, père de l'art conceptuel

Par AFP Par Sandra BIFFOT-LACUT © 2025 AFP

Questionner sinon rien... C'est depuis plus de 60 ans le credo de l'artiste américain d'origine hongroise Joseph Kosuth, précurseur de l'art conceptuel, rencontré par l'AFP à l'occasion d'une nouvelle exposition à Paris.
"Je veux questionner, c'est mieux pour tout le monde", se contente-t-il de répéter lorsqu'on l'interroge sur le sens de ses dernières œuvres exposées à la galerie Almine Rech jusqu'au 11 octobre.
Présentées avec des œuvres plus anciennes sous l'intitulé "The Question", trois immenses horloges indiquent l'heure exacte et portent chacune une citation des écrivaines Virginia Woolf et Daphné du Maurier et de la philosophe Elizabeth Anscombe, qui interrogent notre rapport au temps et à l'existence.
Chez Joseph Kosuth, 80 ans, aucune représentation du réel mais des installations qui questionnent à coup de références philosophiques ou littéraires le sens de l'art et du langage, et qui font appel à l'expérience en temps réel du spectateur, à sa manière de penser.
"One and Three Chairs" ("Une et trois chaises", 1965), composée d'une chaise, de la photographie de cette même chaise et de la définition écrite de cet objet, fait partie des premières œuvres devenues emblématiques de l'art conceptuel qui l'ont fait connaître.

A la galerie Almine Rech, une salle entière est recouverte de néons multicolores reproduisant maintes fois un message unique : "Any message ?" ("Y a-t-il un message?"), en référence à "1984", célèbre roman dystopique de George Orwell sur un monde totalitaire.
Face au flot continu d'images et d'informations qui abreuvent ses contemporains, celui qui a toujours privilégié le concept ou l'idée à la matérialité et l'esthétique estime qu'"un bon spectateur doit créer" en s'interrogeant.
Claude Monet ? Il "n'aime pas". Les artistes qui l'intéressent ? "(Piet) Mondrian et (Marcel) Duchamp", pionniers de l'abstraction et de l'art contemporain, lâche-t-il du bout des lèvres.
"Ces bulles dans mon verre"
"Vous devez partir de la nature pour aller vers la culture, il doit y avoir un processus de fabrication comme ces bulles dans mon verre et cette glace... J'ai conçu cette théorie à six ans et je m'y suis tenu !", lance-t-il, le regard fixe, calé dans son fauteuil roulant en avalant une gorgée d'eau glacée sous le regard envieux de son bouledogue français, baptisé "Dogma".

Dès 1965 et un séjour à Paris, "la seule réponse pour moi était de laisser tomber la peinture, la sculpture... d'apprendre des choses, je ne peux pas m'en empêcher", raconte-t-il.
Son travail puise dans des textes de philosophes comme Wittgenstein et Nietzsche, d'historiens de l'art comme Walter Benjamin.
Il passe "autant par l'écriture et l'enseignement" que par la création artistique, dit-il, face à des étudiants qui continuent de lui "poser des tonnes de questions".
"Le plus important c'est votre questionnement, c'est toute sa philosophie", explique à l'AFP son assistante, Fiona Biggiero.
"Il part toujours du contexte mais son boulot c'est l'espace au milieu", ajoute-t-elle, en évoquant un pavement architectural qu'il vient de réaliser à partir de différents carrelages dans un quartier du centre de Paris.
Joseph Kosuth est né en 1945 dans l'Ohio, aux Etats-Unis. Il vit depuis plusieurs décennies en Europe, notamment en Italie où il doit déménager prochainement à Rome, selon son assistante.
Il a exposé dans le monde entier, notamment au Museum of Modern Art (MoMa, New York), au Musée du Louvre (Paris), au Stedelijk Museum (Amsterdam), à la Sécession à Vienne et à la Fondazione Prada (Milan).
Ses œuvres sont représentées dans de grandes collections publiques, notamment à la Tate (Londres), au Centre Pompidou (Paris), au MoMA et au Guggenheim Museum (New York).
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