Le sang des règles: un immense potentiel pour la recherche médicale et améliorer la santé des femmes
Politics • Nov 19, 2025, 9:41 AM
12 min de lecture
Par Terriennes
Par Isabelle Mourgere
Analyser le sang menstruel pour en savoir plus sur la santé féminine et, qui sait, trouver des nouveaux traitements? C'est désormais possible grâce à un kit mis au point par une start up suisse. Trois jours d'attente et les résultats arrivent à domicile. Une avancée pour la santé des femmes, trop longtemps ignorée par le monde médical.
Analyser le sang menstruel pour en savoir plus sur la santé féminine et, qui sait, trouver des nouveaux traitements? C'est désormais possible grâce à un kit mis au point par une start up suisse. Trois jours d'attente et les résultats arrivent à domicile. Une avancée pour la santé des femmes, trop longtemps ignorée par le monde médical.
Pourquoi n'y avoir pas pensé plus tôt? C'est bien la question quand on sait les opportunités de recherche médicale que représente le sang menstruel. Historiquement, l'attention médicale s'est surtout concentrée sur la reproduction, négligeant d'autres aspects cruciaux pour la santé des femmes.
Les cellules trouvées dans le sang menstruel ouvrent en effet des perspectives inédites. Elise Thiébaut, "Ceci est mon sang", 2017
Longtemps ignoré donc, ce sang recèle pourtant un immense potentiel pour la recherche médicale. Riche en éléments uniques comme des cellules souches et des protéines absentes du sang veineux, chaque année ce sont des des millions de litres produits par les femmes menstruées. De quoi, sans aucun doute, révolutionner la compréhension de la santé féminine.
Comme l'écrivait déjà la journaliste et écrivaine Elise Thiébaut, dans un livre précurseur Ceci est mon sang paru en 2017: "Les cellules trouvées dans le sang menstruel ouvrent en effet des perspectives inédites". Ce "Bloody Mary menstruel" - dont les Chinois, autrefois, s'abreuvaient et délectaient à la source, écrit l'autrice -, serait-il la panacée médicale à venir, voire "l'élixir d'immortalité que les alchimistes ont cherché durant tant d'années ?"
Un kit à domicile
Un nouveau kit permet aux femmes de prélever leur sang menstruel et d'envoyer l'échantillon à un laboratoire pour analyse. En 60 heures, elles reçoivent les résultats via une application. Le kit se décline en deux offres: une pour le grand public, axée sur la détection des maladies sexuellement transmissibles et le suivi du microbiote vaginal, et une autre pour les professionnels de santé, précise le
site RTSinfo.
Cette dernière vise à développer un outil de diagnostic pour des maladies gynécologiques graves telles que les cancers des ovaires et du col de l'utérus, le syndrome des ovaires polykystiques et l'endométriose.
Le sang menstruel, c'est plus que du sang. Aurélie Bon, fondatrice deRed Drop Lab
Pour Aurélie Bon, fondatrice de Red Drop Lab, l'objectif est de permettre une détection précoce et un diagnostic précis, ouvrant la voie à des traitements personnalisés. "Le sang menstruel, c'est plus que du sang. Il y a la paroi de votre utérus, des protéines qu'on ne retrouve pas dans le sang veineux, il y a des cellules souches", indique-t-elle. "Seulement, c'est un matériel biologique qui n'a pas encore été vraiment étudié ", ajoute-t-elle, précisant qu'il s'agit de 24 litres par femme menstruée par mois, et donc "des millions et des millions de litres à l'échelle mondiale !"
Vers une recherche biomédicale pour les femmes?
"La recherche biomédicale s'est longtemps construite sur un modèle de standard masculin, cela a réduit les études dédiées à la biologie féminine", explique Aurélie Bon sur la RTS. Pour référence, les bases de données mondiale médicales contiennent seulement 10% de données biologiques qui sont liées aux femme en âge de procréer, rappelle-t-elle.
Dans le monde, on compte environ 3,9 milliards de femmes, dont près de 1,9 milliard ont leurs règles, soit une personne sur quatre. Cette proportion considérable souligne l’urgence de développer une prise en charge adaptée et dédiée à la santé des femmes, lit-on sur le site de la start up.
"Briser la stigmatisation et la honte liées aux menstruations est essentiel au progrès global. Cela ouvre la voie à une meilleure santé, à plus d’éducation, de dignité et d’autonomie pour les femmes et les filles, tout en faisant avancer l’égalité des genres et les droits humains", précise encore la société à l'origine de ce kit.
"En catimini"
Le sang menstruel est essentiellement composé d’eau, de globules rouges, de cellules mortes issues de la paroi interne de l’utérus (c’est ce qu’on appelle l’endomètre) et de sécrétions vaginales.
Et non, contrairement à ce que laissait croire les publicités, le sang menstruel n'est évidemment pas bleu... Sa couleur varie au cours des menstruations. Rose au début du cycle, en raison de la présence de glaires vaginale, ce qui en éclaircit la couleur. Ensuite, il passe au rouge foncé et marron en fin de règles, signe de l'oxydation du sang qui a stagné dans l'utérus.
Si sa composition diffère du sang artériel, le sang des règles n'est ni "sale" ni "impur", idée véhiculée par certaines croyances ancestrales et trop souvent ancrée encore aujourd'hui dans l’esprit collectif, comme le rappelle le site jho.info.fr, site de vente de protections périodiques.
Dans le jargon médical, le sang des règles est appelé “sang cataménial”, du grec katamênia, qui signifie "menstrues". D’ailleurs, l'expression "en catimini" vient du même mot grec. On comprend mieux comment le tabou sur les règles a pu ainsi perdurer pendant des milliers d’années. Qu'il s'agisse d'Hyppocrate, qui qualifiait ce sang de toxique, capable de monter au cerveau, ou de superstitions, croyances religieuses au Moyen Âge; encore aujourd'hui des rites excluent les femmes pendant leurs règles, jugées "impropres".
Une femme a ses règles en moyenne 2 555 à 3 000 jours dans sa vie, soit 7 ou 8 ans ! Pourtant, loin d’être acceptées comme quelque chose de naturel, les menstruations sont toujours la cible d’interdits très forts et d’invisibilisation.
#CaVaSaigner
Mais c'est aussi en raison de précarité économique que des millions d'adolescentes à travers le monde manquent l'école pendant leurs règles, faute de pouvoir se procurer des protections, ou en raison de fortes douleurs, souvent liées à l'endométriose.
En juin 2019, le compte instagram lançait la campagne #cavasaigner pour lutter contre la précarité menstruelle. Le collectif invitait toute personne menstruée à afficher le sang qui s’écoule chaque mois de son corps sur les réseaux sociaux.
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