Ethiopie/ONG: un projet de loi risque de "réduire à néant l'espace civique", alerte Amnesty

Par AFP © 2025 AFP

Un projet de réforme de la loi régissant les organisations de la société civile en Ethiopie risque de "réduire à néant l'espace civique" dans ce pays, moins d'un an avant des élections législatives, a mis en garde Amnesty International dans un rapport reçu mardi.
L'ONG de défense des droits humains affirme avoir obtenu de "sources fiables" ce projet de réforme, porté par le ministère de la Justice et dirigé "dans le plus grand secret".
L'actuelle législation, adoptée en 2019, peu après l'arrivée au pouvoir du Premier ministre Abiy Ahmed, avait été saluée comme créant un environnement plus favorable à la société civile et marquant une véritable rupture avec le précédent cadre juridique restrictif. Elle avait notamment créé un organe de régulation, l'Autorité fédérale des organisations de la société civile (ACSO).
Parmi les changements proposés, Amnesty dénonce une réforme de la composition du conseil d'administration de l'ACSO, institution ayant un grand pouvoir sur les ONG en Ethiopie.
Ce conseil, chargé de définir les orientations politiques de cette instance fédérale, est actuellement composé de sept représentants de la société civile et quatre représentants du gouvernement.
Mais le projet d'amendement vise à en transférer le contrôle à l'exécutif: le nombre total de ses membres passerait à sept, en allouant cinq sièges aux membres nommés par le gouvernement, dont le président du conseil d'administration.
Son adoption "constituerait un recul important pour la promotion et la protection des droits humains dans le pays" car il entraînerait "un manque structurel d'indépendance" de l'ACSO, s'est alarmé Amnesty.
Il "réduira à néant l'espace civique" moins d'un an avant des élections législatives prévues en juin 2026 dans le pays, le deuxième plus peuplé du continent avec quelque 130 millions d'habitants.
Interrogée par l'AFP, Billene Seyoum, porte-parole du Premier ministre Abiy Ahmed, n'a pas réagi dans l'immédiat.
A son arrivée au pouvoir en 2018, M. Abiy avait été salué pour son ouverture et ses réformes, après presque trois décennies dominées par le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) qui a dirigé le pays de 1991 à 2018. Mais dès fin 2020, le conflit entre les forces fédérales et celles du TPLF dans la région du Tigré a mis un coup d'arrêt aux réformes et entraîné un durcissement des autorités.
Ces derniers mois, plusieurs ONG ont été suspendues et des journalistes arrêtés. Reporters sans frontières (RSF) classe le pays d'Afrique de l'Est au 145e rang sur 180 pays dans son classement de la liberté de la presse.
Nombre d'ONG internationales et autres organisations onusiennes se refusent à critiquer les autorités, même anonymement, par crainte de représailles.
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