"Les symboles peuvent engager une machine": plus de 150 pays reconnaissent l'État de Palestine, et après?

Par Anne-Sophie Pieri avec agences


De nouveaux pays ont rejoint la liste des États reconnaissant officiellement la Palestine ce lundi 22 septembre à New York: il s'agit notamment de la France, d'Andorre, de la Belgique, du Luxembourg, de Malte ou de Monaco. Quelles conséquences concrètes peut-on attendre de cette percée diplomatique?

De nouveaux pays ont rejoint la liste des États reconnaissant officiellement la Palestine ce lundi 22 septembre à New York: il s'agit notamment de la France, d'Andorre, de la Belgique, du Luxembourg, de Malte ou de Monaco. Quelles conséquences concrètes peut-on attendre de cette percée diplomatique?
La France et plusieurs autres pays ont reconnu lundi "l'État de Palestine" depuis la tribune de l'ONU, tentant de renforcer la pression sur Israël pour mettre un terme à la guerre à Gaza, dans le cadre d'un mouvement historique mais à la portée encore avant tout symbolique.
Qu'est-ce qui a été dit ?
"La France reconnaît aujourd'hui l'État de Palestine (...) pour la paix entre le peuple israélien et le peuple palestinien", a déclaré solennellement sous les applaudissements le président français, Emmanuel Macron, à l'ouverture de la grand-messe annuelle des Nations unies à New York, qui sera dominée par la guerre à Gaza.
Le temps est venu d'arrêter la guerre, les bombardements à Gaza, les massacres et les populations en fuite. (...) Le temps de la paix est venu, car nous sommes à quelques instants de ne plus pouvoir la saisir.
Emmanuel Macron, président de la France
Il a toutefois précisé que l'établissement d'une ambassade de France dans un futur État palestinien serait conditionné à la libération des otages détenus à Gaza. Emmanuel Macron est à l'initiative de ce sommet, coprésidé avec l'Arabie saoudite, sur l'avenir de la solution à deux États, après des mois d'intense travail diplomatique pour rallier un maximum de pays et tenter de forger un plan de paix.
La Belgique, le Luxembourg, Malte, Monaco et Andorre ont également formellement franchi lundi le pas de la reconnaissance lors de cette réunion sans Israël ni les États-Unis. Le Royaume-Uni, le Canada, l'Australie et le Portugal l'avaient formellement reconnu dimanche.
Principal allié du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, Donald Trump "pense que c'est une récompense pour le Hamas" de reconnaître l'État de Palestine, a expliqué sa porte-parole, Karoline Leavitt.
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Le chef de la diplomatie saoudienne, Fayçal ben Farhane, a appelé tous les autres à prendre une "mesure historique similaire", mais ce mouvement ne change pas le statut d'observateurs des Palestiniens à l'ONU, dont l'adhésion pleine et entière est bloquée par les États-Unis.
"L'État de Palestine doit être membre de l'ONU", a plaidé le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, fervent critique d'Israël.
Certains diplomates craignent des représailles israéliennes. "Nous ne devons pas nous sentir intimidés par le risque de représailles", a insisté le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, dans un entretien vendredi, en référence à la guerre à Gaza et à "l'annexion insidieuse de la Cisjordanie".
Quelles conséquences concrètes?
Pour Michel Lavergne, géopolitilogue à la Fondation Jean Jaurès, "les symboles peuvent engager une machine: il y a un aspect psychologique, c'est une ligne qui est franchie, une ligne considérée comme la plupart des nations de l'ONU comme positive", explique-t-il sur le plateau de TV5MONDE ce lundi.
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"Les États sont libres du moment et de la forme de la reconnaissance", avec des manières "très variables", explicites ou implicites, explique Romain Le Boeuf, professeur de droit international à l'Université d'Aix-Marseille. "On n'a pas de bureau d'enregistrement des reconnaissances. L'Autorité palestinienne met sur sa propre liste tous les actes qu'elle estime être des actes de reconnaissance, mais de manière purement subjective", poursuit-il.
En revanche, "le droit international est assez clair: la reconnaissance ne crée pas l'État, pas plus que l'absence de reconnaissance n'empêche l'État d'exister", poursuit-il, les éléments d'existence d'un État étant un territoire, une population et un gouvernement indépendant.
"En termes de symbolisme, cela change en quelque sorte la donne", considérait mi-août dans le New York Times l'avocat et professeur de droit franco-britannique Philippe Sands. "Parce qu'une fois que vous reconnaissez le statut d'État à la Palestine, (...) vous placez essentiellement la Palestine et Israël sur un pied d'égalité en termes de leur traitement en vertu du droit international."
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Cette percée diplomatique peut-elle faire bouger d'autres États?
L'Allemagne, de son côté, n'envisage pas à court terme une reconnaissance. Pour Michel Lavergne, géopolitologue à la Fondation Jean Jaurès, ce pays "a une position particulière liée à son passé, durant la Seconde guerre mondiale".
Il y a un mouvement global européen pour reconnaître, au moins sur le papier, cette solution à deux États, qui n'est pas une solution, d'ailleurs.
Michel Lavergne, géopolitologue à la Fondation Jean Jaurès, sur le plateau de TV5MONDE
L'Italie reste aussi très prudente sur le dossier et ne veut pas se joindre à cette décision pour le moment. Selon les sondages, quatre Italiens sur dix sont favorables à la reconnaissance de l'État palestinien. Lundi, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté en Italie sous le slogan "Non au génocide à Gaza".
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Qu'attendre du plan de stabilisation de Gaza soutenu par la France et l'Arabie saoudite ?
Emmanuel Macron et le Ministre saoudien des affaires étrangères, Faisal bin Farhan Al Saud, ont dévoilé leur plan pour la paix, évoquant la nécessité, dans un premier temps, de coupler la libération des 48 otages et la fin des opérations militaires sur tout le territoire de Gaza.
Le deuxième temps est consacré à la stabilisation et de la reconstruction à Gaza. Le président français a proposé la création d’une administration de transition intégrant l’Autorité palestinienne, tandis que le Hamas devra déposer les armes auprès de cette dernière. Enfin, les pays arabes qui ne l'ont pas encore fait devront reconnaître l'État d’Israël.
Le Hamas n'aura aucun rôle dans le gouvernement, le Hamas et d'autres factions doivent rendre leurs armes à l'Autorité palestinienne.Mahmoud Abbas, Le président palestinien
Une promesse du président palestinien qui, privé de visa par les États-Unis, s'est exprimé par vidéo, avant de condamner également les attaques du 7-Octobre.
La Jordanie et l’Égypte ont appelé les États Membres à contribuer, le moment venu, à l’effort de relèvement de Gaza. "Dès l’instauration d’un cessez-le-feu irréversible, l’Égypte organisera une conférence internationale sur la reconstruction de la bande de Gaza en coordination avec le Gouvernement palestinien", a ainsi confirmé le Ministre égyptien des affaires étrangères.
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