"Votre décision est irréversible": Issa Tchiroma Bakary s'autoproclame président-élu du Cameroun et adresse une lettre à la nation
Par Christian Eboulé
Dans un courrier daté de ce lundi 17 novembre, frappé du sceau et des armoiries du pays, Issa Tchiroma Bakary, arrivé deuxième lors de la présidentielle d’octobre dernier selon le Conseil constitutionnel, s’autoproclame président-élu de la République du Cameroun et s’adresse aux populations camerounaises. Ce même jour, il a également rendu public un décret de nomination de Me Alice Nkom comme sa porte-parole officielle.
Dans un courrier daté de ce lundi 17 novembre, frappé du sceau et des armoiries du pays, Issa Tchiroma Bakary, arrivé deuxième lors de la présidentielle d’octobre dernier selon le Conseil constitutionnel, s’autoproclame président-élu de la République du Cameroun et s’adresse aux populations camerounaises. Ce même jour, il a également rendu public un décret de nomination de Me Alice Nkom comme sa porte-parole officielle.
Dans sa lettre à la nation, Issa Tchiroma Bakary précise qu'en introduisant leurs bulletins de vote dans les urnes, les populations camerounaises ont déposé "une pierre blanche sur le chemin du destin". Et ce faisant, elles l'ont élu à la tête du pays. Selon lui cependant, une faction de l’appareil d'État tente aujourd'hui de confisquer ce choix. "Mais votre décision est irréversible", souligne-t-il. "La vérité des urnes ne se gomme pas par décret. Elle vit en vous, dans vos yeux, dans vos pas, dans votre silence obstiné".
Depuis fin octobre et la réélection pour un huitième mandat de Paul Biya, 92 ans et au pouvoir depuis 1982 au Cameroun, les grandes villes du pays ont été secouées par des manifestations à l'appel du candidat Issa Tchiroma. Cet ancien ministre passé à l'opposition revendique toujours la victoire à la présidentielle du 12 octobre dernier. Il s'est autoproclamé victorieux et a appelé à plusieurs reprises à défendre sa victoire.
(Re)voir Cameroun: quel bilan pour l'opération "villes mortes" après la réélection de Biya?
Your browser doesn't support HTML5 video.
Issa Tchiroma Bakary affirme ensuite qu'il se considère comme "le serviteur d’un peuple souverain", et non pas comme "l’opposant d’un régime finissant". Il avait pris soin de constater au préalable la persistance des tensions postélectorales qu’il assimile à "un temps d’épreuve".
"Un temps où voter devient un acte de bravoure", ajoute-t-il. Un temps où dire la vérité est considéré comme une menace. Un temps où l’on emprisonne les citoyens pour avoir exprimé un choix, et où l’on couronne un silence maquillé en victoire. »
(Re)voir Cameroun : la France reconnait avoir mené une guerre
Your browser doesn't support HTML5 video.
Cependant, pour Issa Tchiroma Bakary, la période actuelle est aussi une invitation adressée à la nation camerounaise dans son ensemble, afin qu’elle "se regarde dans le miroir de son histoire". Une introspection destinée non pas à raviver les douleurs ou les cicatrices du passé, mais plutôt à un salutaire devoir de mémoire.
Tout en citant quelques-uns des leaders de l’Union des populations du Cameroun (UPC) tels que Ruben Um Nyobè, Félix-Roland Moumié et Ernest Ouandié, qu’il considère comme les pionniers de la liberté ayant combattu les puissances coloniales dans les années 1940 et 1950, il constate que beaucoup résistent aujourd'hui à l'instar de leurs aînés hier.
"Une répétition de l’histoire"
Aux yeux d’Issa Tchiroma Bakary, cette crise postélectorale "est une répétition de l'histoire". Car, selon lui, la répression qui a suivi la victoire dans les urnes de l’UPC en 1955, a fait se lever un vent de liberté qui "ne s’est jamais couché".
(Re)voir Cameroun: tensions et drame post-électoral
Your browser doesn't support HTML5 video.
Et pour étayer son propos, Issa Tchiroma Bakary cite l’instauration du multipartisme, suite aux grandes manifestations de 1990, qui avaient fait plusieurs centaines de morts.
"Calme, union, discipline et non-violence"
Puis, il évoque notamment la présidentielle de 1992, remportée massivement selon lui par feu John Fru Ndi, et dont les résultats officiels furent contestés sans tout le pays. "Ce fut le premier 'hold-up démocratique' de l’ère pluripartite", écrit-il. "Un moment où l’espérance populaire a été saisie à la gorge. Un avertissement qui préfigurait les dérives à venir".
Et s'agissant justement des tensions persistantes dans le pays, Issa Tchiroma Bakary dénonce les détentions sans procès, les nombreuses "mères qui cherchent leurs fils dans les morgues", et les opposants qui "meurent à petit feu dans les centres d’interrogatoire".
Tout en prônant "calme, union, discipline et non-violence", il appelle à la résistance. Et il met en garde: "Ne tombez pas dans le piège de la violence. C’est leur terrain, leur langage, leur passé. Le nôtre est celui de la justice, de la lumière, du courage pacifique".
Il en profite aussi pour lancer un appel à la communauté internationale. "Je n’appelle pas à l’ingérence, souligne-t-il. Mais j’en appelle à la conscience. Le peuple camerounais demande qu’on respecte son vote. Rien de plus. Rien de moins".
Today