"Une obsession du sexe vrai": les "tests de féminité" refont débat après l'éviction de la France aux Mondiaux de boxe

Par Océane Bourdenet


Le World Boxing a refusé la participation des athlètes françaises aux Mondiaux de boxe qui débutent ce jeudi 4 septembre, en l'absence de "tests de féminité". Cette affaire relance le débat après leur obligation par la Fédération internationale d'athlétisme, le 1er septembre. Anaïs Bohuon, spécialiste des "tests de féminité", dénonce auprès TV5MONDE une "dénégation de l'Histoire'".

Le World Boxing a refusé la participation des athlètes françaises aux Mondiaux de boxe qui débutent ce jeudi 4 septembre, en l'absence de "tests de féminité". Cette affaire relance le débat après leur obligation par la Fédération internationale d'athlétisme, le 1er septembre. Anaïs Bohuon, spécialiste des "tests de féminité", dénonce auprès TV5MONDE une "dénégation de l'Histoire'".
Cinq boxeuses françaises sont reparties en avion de Liverpool, ce jeudi 4 septembre, n'ayant pas présenté de "test de féminité" avant le tirage au sort de la compétition. La Fédération française de boxe (FFBoxe) s’est dite "stupéfaite et indignée" face à la décision de World Boxing, la nouvelle instance internationale de boxe créée en 2023.
Son président, Dominique Nato, a réagit dans L’Équipe: "C'est sordide. Nous qui nous sommes battus pour que cette fédération existe… Je veux bien assumer mes responsabilités, mais derrière, on me trahit".
La FFBoxe a précisé avoir été informée en juillet par World Boxing de l’obligation de réaliser ces tests génétiques, pourtant interdits par la loi bioéthique de 1994. "Le ministère de la Santé et des Sports a clairement rappelé aux fédérations de boxe et d’athlétisme que réaliser ces tests étaient illégaux. La seule alternative possible, c’était de les faire à l’étranger", souligne à TV5MONDE Anaïs Bohuon, professeure en sciences du sport à l’Université Paris-Saclay.
Les cinq boxeuses françaises ont bien passé ces examens au Royaume-Uni, mais trop tard pour pouvoir concourir, contrairement à leurs homologues masculins, qui n’ont eu à faire aucun test génétique.
"Les instances sportives internationales paniquent"
"Les instances dirigeantes sportives internationales paniquent. Elles veulent absolument mettre en place des règlements pour empêcher ces femmes de participer, parce que ces fédérations estiment que ces athlètes 'hors-norme' vont à l'encontre de l'équité et de l'égalité dans la catégorie dite "dames"", explique Anaïs Bohuon.
Face à ces tests, de plus en plus de sportives internationales se dressent contre leurs fédérations. L’exemple le plus récent en date est Imane Khelif, boxeuse algérienne, victime d’une polémique sur son genre lors des Jeux de Paris en 2024.
Un an plus tôt, elle avait été exclue des Mondiaux de boxe, accusée d’être porteuse du chromosome XY par l’ancienne instance de la boxe olympique, l’IBA, aujourd'hui remplacée par World Boxing. Le 5 août 2025, Imane Khelif a déposé un recours contre cette nouvelle instance pour demander la suppression de ces "tests de féminité".
Anaïs Bohuon travaille depuis 2012 sur ces tests et constate, dans l'histoire du sport, que ce sujet revient systématiquement dans les médias lorsqu'une athlète "sort des critères normatifs de la féminité occidentale".
"En 2011, l'athlète sud-africaine Caster Semenya aurait pu être la Usain Bolt du XXIᵉ siècle", assure-t-elle. "Mais la Fédération internationale d'athlétisme a estimé qu’elle produisait trop de testostérone et lui a imposé un traitement médical destiné aux sportives hyperandrogènes pour abaisser son taux d'hormones masculines. Ça a ruiné sa carrière", souffle-t-elle. Le 11 juillet 2023, la championne sud-africaine a saisi la Cour européenne des droits de l'Homme, qui lui a donné raison.
Mais selon l'historienne, le malaise autour de ces "tests de féminité" perdure et traduit une "obsession du sexe vrai", ainsi qu'une "négation de l'Histoire". "L’idée d’un sexe biologique strictement binaire rend très mal compte de la réalité de la diversité des corps", précise-t-elle à TV5MONDE. "Il existe des exceptions qu'on a vient de mentionner qui remettent en cause la bicatégorisation sexuée." Pour Anaïs Bohuou, ce débat renvoie à une question insoluble : "Qu’est-ce qu’une “vraie femme” autorisée à concourir dans les compétitions sportives?"
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